La planète peut nourrir tout le monde… à certaines conditions

AGROALIMENTAIRE. À la question «La faim dans le monde, problème agricole ou problème social?», la réponse est venue d’emblée de la bouche de Denis La France. La faim n’est pas un problème agricole. «Il en est un d’inégalité et de pauvreté.»

Oeuvrant depuis plus de quarante ans dans le domaine de l’agriculture biologique, l’enseignant au Cégep (depuis 1988) et au CETAB+ était, avec le sociologue «engagé» Louis Favreau, enseignant à l’Université du Québec en Outaouais, les conférenciers invités à ce troisième Mercredi des sciences humaines de la session au cégep de Victoriaville.

Il a, bien sûr, été question de faim, d’agriculture, d’agrobusiness, d’agriculture bioloqique, de consommation, de surconsommation. Aussi d’argent, de mode de vie, d’engagement, de développement durable, de politique et d’écologie.

Car, selon Louis Favreau, l’écologie devrait constituer une réponse aux crises qui sont à «défaire» le monde, la crise alimentaire, le réchauffement climatique et la crise économique.

«Si vous pensez que de vaincre la faim est un pari impossible, vous êtes déjà battus», a-t-il dit à son jeune auditoire d’une centaine de collégiens.

Ce monde qui se défait, c’est celui que montrent sans cesse les médias, a-t-il dit, et c’est ce qui distille le sentiment d’impuissance et le fatalisme.

Le développement durable, dans toutes ses composantes, économique, sociale et environnementale, est la plus grande percée conceptuelle du 20e siècle, selon lui. Il est vrai, a-t-il admis, qu’il peut être un mot valise, galvaudé. Mais on ne peut changer en cinq ans ce qu’on fait depuis 50 ans, en agriculture par exemple, a-t-il souligné.

Au-delà des changements de modes de vie individuels que préconise Denis La France, Louis Favreau incite les jeunes à s’engager dans des organisations communautaires, sociales, coopératives, syndicales. «Même si je sais que ce n’est pas votre tasse de thé!», parlant du mouvement syndical.

Ces organisations, dit-il, sont porteuses d’un nouveau projet de société. Du moins, elles sont à l’élaborer. Et ce projet de société passe par l’écologie.

Il a taquiné Denis La France en disant qu’il était un «décrocheur social».

Pragmatique, Denis La France a soutenu que son engagement à lui a consisté, non pas à agiter des pancartes, mais à enseigner les principes de l’agriculture biologique à des jeunes, à accompagner des agriculteurs à faire des changements le mois suivant dans leur champ. Il a ajouté qu’il mourrait en paix à la seule idée d’avoir pu convaincre 3000 personnes d’avoir fait des changements dans leur vie.

Il a aussi taquiné le prof Favreau en lui faisant remarquer qu’il existait aussi des coopératives agricoles qui vendaient des OGM et des produits chimiques.

À ce collégien qui demandait si à la consommation intelligente et responsable que préconise l’un et à l’engagement social que préconise l’autre, ne fallait-il pas aussi «interdire» certains produits ou méthodes, Denis La France a parlé du pouvoir de l’argent. Difficile d’aller contre le 1% qui dispose de milliards $ pour défendre ses intérêts, a-t-il répondu, parlant aussi de celui qui a été élu avec de l’argent en cadeau.

Deux mondes existent, selon lui. Le nôtre où la surconsommation est en train de détruire la planète. Et l’autre qui n’arrive pas à subvenir à ses besoins de base, se payer des chemins ou envoyer ses enfants à l’école. «Eux doivent pouvoir se développer et nous augmenter notre durabilité.»

Louis Favreau résume le projet de société en disant que les initiatives locales doivent croître, se fédérer, se développer afin de mondialiser une démocratie écologique et équitable.

Quelques données

800 millions

Le nombre d’affamés sur la planète

9 millions

Le nombre de personnes qui meurent de faim chaque année

2 milliards

Le nombre de personnes sur ou mal alimentés dans notre monde industrialisé

43%

Le pourcentage de travailleurs dans les pays peu développés nourrissent 70% de la population mondiale avec 30% des ressources

Le tiers La part des aliments gaspillés dans notre monde industrialisé… La même part l’est aussi dans les pays peu développés, mais pour d’autres raisons.