La Pisciculture d’Arthabaska reste entre des mains… chestervilloises

CHESTERVILLE. La pisciculture d’Arthabaska qu’exploitent depuis une quarantaine d’années Marie-Andrée Bélanger et son conjoint Robert Gélinas dans le rang Pellerin à Chesterville vient de changer de main. Elle est devenue propriété d’un autre couple, celui que forment Chantale Croteau et Vincent Desrochers.

Les nouveaux propriétaires, parents de cinq enfants, résident déjà à Chesterville. Vincent y est d’ailleurs originaire, fils de deux ex-maires de la municipalité, le regretté Charles Desrochers et Gisèle Bergeron.

C’est en quelque sorte un retour au pays de ses ancêtres qu’effectue Vincent, puisque sa mère est née dans ce rang, membre d’une grande famille de 21 enfants.

De la production laitière, le jeune homme de 37 ans, passera à l’aquaculture, un domaine où il aura tout à apprendre. Ouvrier agricole sur une ferme laitière, le futur pisciculteur souhaitait rester ancré à Chesterville et devenir propriétaire de son entreprise. Les fermes laitières sont difficilement accessibles, observe-t-il.

Heureusement, pour apprendre son nouveau métier, il pourra compter sur Robert Gélinas et sur Daniel Gélinas (frère de Robert) qui restera employé de l’entreprise. Quant à Chantale, elle apprendra de Marie-Andrée Bélanger tous les rudiments de l’administration de la compagnie. «On va apprendre et on verra quelle orientation on donnera au commerce», dit Vincent. Et il se donne deux ou trois ans pour bien maîtriser les rouages de l’entreprise.

Toute une histoire

Marie-Andrée et Robert ont mis toute leur énergie dans cette Pisciculture d’Arthabaska, qu’avait implantée Jean-Paul Bernier en 1972. Montréalaise d’origine, Marie-Andrée Bélanger l’acquérait deux ans plus tard.

En regardant au rétroviseur de sa vie, Marie-Andrée Bélanger, aujourd’hui âgée de 78 ans, dit qu’elle a réalisé son rêve d’adolescente, celui de vivre à la campagne en pleine nature. Robert Gélinas s’est associé à Marie-Andrée tant par amour que pour les affaires en 1977.

Il y aurait toute une histoire à écrire sur la Pisciculture d’Arthabaska. Comme pour une autre activité agricole, l’aquaculture a ses hauts et ses bas. «Parce qu’on travaille avec la nature, avec les froids et les chauds.»

Des 15 000 poissons que la Pisciculture d’Arthabaska produisait annuellement à ses débuts, l’entreprise a atteint 100 000 aujourd’hui. «Mais on ne reste en fait qu’une petite pisciculture», souligne Robert.

Pendant plusieurs années, on pouvait aller à la pêche dans le rang Pellerin. Ce n’est plus le cas depuis la fin des années 1980.

Toutefois, l’entreprise s’est diversifiée au fil des années, ajoutant deux grands bassins aux sept petits et au grand étang déjà existants, ainsi qu’un bassin de décantation. Au début, on ne produisait que de la truite mouchetée. Se sont ajoutées la truite arc-en-ciel et la truite brune en 1983 avec la création de la Corporation de gestion des rivières des Bois-Francs (Pêche Nicolet) d’abord désireuse d’ensemencer la Bulstrode.

La Pisciculture d’Arthabaska produit maintenant ses œufs et fait le commerce de poissons de toutes les grosseurs.

À près de 72 ans, Robert Gélinas en aurait des histoires de pêche et de commerce à raconter, lui qui, avec ses poissons vivants dans la remorque, a sillonné le Québec pour ensemencer pourvoiries, étangs de pêche, jusqu’en Gaspésie et au Lac-Saint-Jean. Il a même fourni ce qu’il fallait pour des activités de pêche en piscine en plein cœur de centres commerciaux.

Il parle de l’avant et de l’après 1980, moment où le gouvernement du Québec adoptait des normes sur les rejets de phosphore des piscicultures dans les lacs et rivières. Une histoire «politique», déplore-t-il, qui a eu un effet dévastateur sur l’industrie de l’aquaculture. Des 2300 tonnes de poissons que produisaient les 300 piscicultures québécoises dans les années 1970, aujourd’hui, les quelque 80 entreprises certifiées en produisent 1200, dit-il.

Le couple s’apprête à quitter Chesterville pour Victoriaville. Le vieux pisciculteur, se grattant la barbe, se demande encore ce qu’il y fera. «C’est la retraite!», dit philosophiquement Marie-Andrée, au milieu des boîtes prêtes à être embarquées. Entre deux séances de mentorat auprès des nouveaux pisciculteurs, Robert pourrait écrire, croit-elle.