La formation professionnelle redémarre aussi

Il n’y a pas que les enfants d’âge primaire et préscolaire qui retournent en classe, lundi. La formation professionnelle (FP) redémarre aussi. Mais les autorités gouvernementales n’en ont point parlé, ou si peu, note, avec une pointe de déception, Isabelle Cantin, directrice de la formation professionnelle à la Commission scolaire des Bois-Francs.

Mme Cantin a la responsabilité de quatre établissements : les centres de formation professionnelle Vision 20 20, Trécarré, André-Morissette et le Centre intégré de formation et d’innovation technologique (CIFIT).

Comme partout, la formation professionnelle a été mise sur pause le 13 mars. Puis, il y a deux semaines, la formation théorique, à distance, a pu reprendre. «En obtenant le feu vert, il a fallu d’abord reprendre contact avec les élèves. On a fait cette démarche pour ensuite commencer à dispenser la formation», indique la directrice.

Isabelle Cantin, directrice de la formation professionnelle (Photo www.lanouvelle.net – Archives)

Arrive ensuite l’autorisation du ministre pour rouvrir les centres le 11 mai pour les apprentissages pratiques. Ce volet représente environ 60% de la formation et la théorie, 40%.

Le personnel rappelé a su surmonter les craintes ressenties. «L’humain est bien fait, avec une excellente capacité d’adaptation, observe Isabelle Cantin. En réintégrant les centres pour la première fois depuis le début de la crise, ils ont pu se réapproprier les lieux de travail. Et nos équipes se sont mises à l’œuvre. Depuis le début de la semaine, on s’efforce de tout sécuriser.»

Les déplacements des élèves observeront des sens uniques pour éviter les croisements. Une station de lavage de mains a été aménagée. On leur posera les questions d’usage concernant la COVID-19.

Les enseignants se sont occupés, quant à eux, de leur environnement, de leurs ateliers, pour bien indiquer la place de l’élève. Un marquage au sol rappellera la distanciation de deux mètres. «Je lève mon chapeau à mon équipe. Je suis extrêmement fière d’eux, exprime la directrice. La créativité est là. Il faut vraiment revoir nos façons de faire, et en formation professionnelle, c’est très pratique. Du branchement d’un circuit électrique à la réparation d’une voiture, cela se fait manuellement avec des outils.»

Horaire variable

Bien sûr, tous les étudiants ne se présenteront pas tous dans leur centre respectif en même temps. On les convoquera à un moment au cours de la semaine du 11 mai. «Il s’agit d’une reprise partielle des activités de la FP pour la portion pratique des apprentissages», souligne Isabelle Cantin.

Ainsi, les groupes seront réduits de moitié, pas plus de 12 élèves à la fois. Cela constitue tout un casse-tête pour les horaires. «Parce qu’en formation professionnelle, ce sont des compétences qu’on enseigne. Chacun des programmes compte peut-être une vingtaine de compétences», note-t-elle.

La direction et le personnel doivent analyser pour chacun des groupes où ils en étaient rendus, ce qu’il reste à faire d’ici la fin de l’année, déterminer ce qui doit être proposé en formation pratique et à distance.

Avec ce redémarrage, les responsables de la FP ont dû contacter aussi les entreprises partenaires. «Plusieurs de nos programmes proposent une alternance travail-études en partenariat avec des entreprises. On a de beaux partenariats avec ces entreprises qui accueillent nos stagiaires. Elles n’avaient pas entendu parler que la FP allait rouvrir. Il a fallu recontacter tout ce monde et voir s’ils étaient toujours disposés. Ils ont répondu présents», raconte la directrice.

Par ailleurs, si la clientèle des quatre centres de FP regroupe quelque 600 élèves, tous ne réintégreront pas la formation, certains par crainte, peut-être, alors que d’autres occupent un emploi à temps plein.
Et puis, comme le signale Isabelle Cantin, la formation ne reprend pas pour le secteur de la santé (préposées aux bénéficiaires et infirmières auxiliaires). «Les élèves et les enseignants, pour la plupart, ont donné leur disponibilité pour donner un coup de main dans le réseau de la santé. C’est la priorité au réseau.»

En entrevue téléphonique avec le www.lanouvelle.net, Isabelle Cantin a parlé de l’intérêt des élèves, de la hâte qu’ils éprouvaient d’avoir des nouvelles quant à une reprise des activités. Et les statistiques le démontrent. Sur 315 réponses reçues (jeudi après-midi), seulement 9 élèves disaient ne pas avoir l’intention de reprendre leur formation.

Puisque la diplomation constitue un enjeu important, les intervenants comptent prioriser les groupes d’élèves devant obtenir leur diplôme à la fin de juin en vue d’une intégration au marché du travail. «On essaie de mettre la pédale au plancher pour que ceux qui doivent diplômer d’ici le 30 juin arrivent à le faire dans la mesure du possible. Ce sont des travailleurs qui sont attendus», fait remarquer la directrice de la formation professionnelle.

En terminant, Isabelle Cantin estime qu’on a avantage à parler de la formation professionnelle. Celle-ci constitue depuis un bon moment, avant même le coronavirus, un enjeu de positionnement. «On travaille fort à la redorer», fait valoir Isabelle Cantin, se désolant qu’en période de crise, le premier ministre n’ait pas prononcé les mots formation professionnelle et le ministre de l’Éducation, à peine. «On se demande ensuite pourquoi il manque de préposées et d’infirmières auxiliaires. Si on commençait seulement par en parler et à considérer ce secteur comme étant aussi important que le reste, peut-être qu’on n’en serait pas là…», conclut-elle.