Johanne Therrien, 30 ans à s’occuper des affaires des autres

Bientôt, Johanne Therrien fêtera ses 31 ans au service des entrepreneurs de la région. Témoin privilégiée de transformations subies par l’économie d’ici, elle note que la région a su tirer son épingle du jeu.

Photo professionnelle de Johanne Therrien, au début des années 1990

Munie d’un diplôme en administration, elle entre à l’emploi de Développement entrepreneurship jeunesse Arthabaska (DEJA) au mois de décembre 1988, un groupe de soutien autonome pour les jeunes de 18 à 35 ans. «Je ne connaissais pas tellement le développement économique, comme la plupart des gens qui n’ont jamais eu affaire avec ce genre d’organisation», commence-t-elle. Mme Therrien a 28 ans et travaille au service de comptabilité aux entreprises. En 1991, les équipes comme la sienne se retrouvent intégrées à la corporation de développement économique.

«Dans les années 1990, on ne faisait que du manufacturier et il y avait un service d’aide aux jeunes entrepreneurs (SAJE) où je travaillais davantage», précise la conseillère aux entreprises. À l’époque, les principales entreprises aidées évoluent dans les secteurs du bois et du textile. Puis les accords de libre-échange ont radicalement changé le paysage économique. «On a toujours eu de belles entreprises en agroalimentaire, comme Lactancia, mais on était très fort dans le bois. Dans le meuble, Shermag, appelé Mobilier H.P.L., avait beaucoup d’employés. Il y avait aussi les usines de vêtements, comme UTEX et la Rubin, qui a déjà embauché jusqu’à 1000 personnes», raconte-t-elle.

Aujourd’hui, elle soulève qu’une des forces de l’économie régionale s’avère sa diversification. Le métal, l’agroalimentaire, les produits chimiques, le bois ouvré et le papier ne constituent que quelques exemples de secteurs où l’on s’illustre. Dans la MRC d’Arthabaska, on dénombre plus de 400 entreprises, dont 50% ont moins de 10 employés.

CLD

Lorsque naissent les centres locaux de développement (CLD) en 1998, beaucoup de changements se font sentir dans les organisations qui s’occupent d’accompagner les entrepreneurs. Mais leur disparition en 2015 signifie de plus grands chamboulements encore. «Le gouvernement a remis tous les pouvoirs dans la cour des MRC. Ici, nous avions une relation serrée avec la MRC, qui a décidé de garder notre organisation telle qu’elle était», explique-t-elle. Les coupes budgétaires ont toutefois mené à une fusion avec la Corporation touristique, puis à l’intégration d’un volet commerces et services en 2016. L’agriculture et le développement durable complètent aussi leur offre.

Relève

Au début de sa carrière, Mme Therrien s’affaire auprès des jeunes. Elle se souvient de nouvelles entreprises accompagnées et qui réussissent toujours aujourd’hui, comme Ménage Hebdo et Fibres Vaudreuil.

Même s’il n’y a plus vraiment de distinction d’âge dans les services offerts aux entreprises, elle continue de côtoyer la relève. «Les entreprises que nous avons accompagnées au démarrage il y a 25 et 30 ans vivent présentement l’étape de la relève. Les jeunes prennent leur place», constate-t-elle. «Maintenant, pour le démarrage, la demande est faible, car on est en plein emploi. Il y a 30 ans, les gens cherchaient de l’emploi. Ça a radicalement changé.» De fait, les entreprises doivent séduire les candidats et la pénurie de main-d’œuvre constitue un enjeu important. L’automatisation des opérations s’ajoute désormais aux outils vers lesquels on dirige les entrepreneurs.

La préparation de plans d’affaires et la gestion de fonds occupent notamment le quotidien de Mme Therrien. Loin de se substituer aux institutions financières, la CDEVR complète à l’occasion des financements, mais propose avant tout son soutien. «Il y a parfois des projets moins viables. Ça prend beaucoup de respect, confie-t-elle. Parce que la personne qui veut se lancer à son compte y croit beaucoup et on brise son rêve en lui disant que ça peut être difficile. Moi, je ne dis pas que je ne crois pas en son projet, mais lui conseille de vérifier certaines choses.»

Du côté des femmes, Johanne Therrien estime qu’il n’y en a pas assez dans le domaine manufacturier, mais souligne de belles réussites, comme celle de Sophie Lemieux d’Excellence Composites.

Bientôt 31 ans que la conseillère participe à la vitalité économique de la région et elle ne ressent aucune lassitude. Il n’y a pas de routine dans son quotidien et c’est ce qui l’a maintenue en poste durant toutes ses années. Et les propositions professionnelles n’ont pas manqué. Enfin, elle envisage accomplir ses tâches encore quelques années.

Pour Johanne Therrien, évoluer auprès des entrepreneurs représente un privilège, «car ce n’est pas toujours facile et les défis sont nombreux». Le fort réseau régional et la bonne collaboration avec tous les joueurs du secteur, prêts à partager les risques, garantissent bien des succès. «Malgré toutes les transformations, tous travaillent ensemble. C’est exceptionnel», note-t-elle. Sans doute que l’expérience substantielle de certains acteurs pèse aussi dans ces réussites.