Incursion dans une direction d’école
VICTORIAVILLE. Il y a tant à faire quand on gère un établissement scolaire. À l’occasion de la Semaine québécoise des directions d’établissement, La Nouvelle Union a obtenu un rendez-vous avec une directrice d’école, question de lever un peu le voile sur son travail. Rencontre avec Marie-Claude Turbide, à la tête de l’École secondaire Le tandem de Victoriaville, un établissement de 700 élèves.
Quand on lui demande ce que fait, concrètement, une directrice d’école, Marie-Claude Turbide pointe son bureau garni de plusieurs documents et papiers. «Je suis notamment en train de revoir les plans d’urgence. Il y a aussi les devis pour la conciergerie, les tâches des enseignants à terminer, sans compter tout l’aspect des ressources matérielles, comme l’achat d’ordinateurs et l’aspect financier», souligne la directrice qui fait partie du monde de l’enseignement depuis maintenant 21 ans.
Reste que le plus agréable dans toutes ses tâches, note-t-elle, mais aussi ce qui requiert le plus de temps, demeure l’aspect pédagogique. «On effectue un travail d’accompagnement avec les enseignants. Il y a aussi les rencontres avec les élèves en difficultés et leurs parents pour évaluer la façon de mettre en place des mesures pour répondre à leurs besoins», indique Marie-Claude Turbide, directrice de l’école Le tandem depuis cinq ans.
La question du budget, la gestion de ces fonds publics font aussi partie des tâches des dirigeants d’établissement.
La direction d’école compte sur un conseil d’établissement formé de membres de la direction, d’enseignants, de parents et même d’élèves. «On se réunit mensuellement. Le conseil voit au bon fonctionnement de l’école en général, mais aussi au succès des élèves. Car on travaille à la réussite des élèves. Voilà le but. Nous sommes responsables de beaucoup de choses, mais l’objectif ultime demeure la réussite des élèves», insiste Marie-Claude Turbide, issue d’une famille d’enseignants.
Mais qu’est-ce qui passionne le plus cette ex-enseignante de mathématiques? Les projets, s’empresse-t-elle de répondre. «Dès qu’on a un projet, quelque chose à développer, ça me passionne, précise-t-elle. On associe souvent les directions d’école à la gestion de problèmes. Certes, ça arrive, mais autour de ça, on travaille à mettre en place de nombreux projets. C’est ce qui est vraiment passionnant. On le fait pour les élèves.»
Outre des projets en parascolaire, il y a ces projets de nature académique pour répondre aux besoins des élèves et augmenter leur réussite. «En présence d’élèves aux prises avec des difficultés, note la directrice, on essaie, avec les enseignants, de susciter l’étincelle qui permettra le déblocage. Quand nous réussissons, quand nous constatons, en bout de ligne, le chemin parcouru par l’élève, nous sommes fiers. C’est ça, ma paie!»
Enjeux et défis
Le monde de l’éducation fait face à de nombreux enjeux et défis. Les directions d’établissement, entre autres, oeuvrent dans un contexte difficile marqué de coupures budgétaires.
«Il ne s’agit pas d’un contexte idéal, reconnaît Mme Turbide. Mais, pour moi, il est impensable de couper dans les services aux élèves.»
La directrice de l’école Le tandem considère important, par exemple, le budget alloué à la lutte à la violence et à l’intimidation. «On me demande parfois ce que je fais pour lutter contre l’intimidation. Je fais des activités, j’occupe les élèves, dit-elle. Ce budget-là est important. Comme on se situe près du centre-ville, si on veut garder les élèves à l’école à l’heure du midi, on se doit d’être attractif avec des activités qui rayonnent pour leur donner le goût de rester. Beaucoup d’élèves s’impliquent. Ça paraît. Ça ne signifie pas qu’ils réussissent tous facilement en classe, mais ils sont motivés. Ça fait une grande différence.»
Les coupures budgétaires obligent les directions d’établissement à établir des priorités pour ne pas affecter les services aux élèves. Le contexte amène la directrice et son équipe à considérer «ce qui est optimal».
«En ce qui nous concerne, on met beaucoup d’accent sur le premier cycle. On prétend que, plus on aide au début, moins les élèves éprouveront de difficultés par la suite», fait-elle remarquer.
Marie-Claude Turbide questionne aussi le fonctionnement en silo du ministère de l’Éducation dans l’attribution de différents montants pour diverses mesures. «Ils ne reflètent pas nécessairement les besoins des écoles. L’argent doit servir selon les besoins du terrain», estime-t-elle.
«Si, par exemple, on a moins d’élèves en problème de comportement une année, on devrait pouvoir disposer de la somme allouée pour la mesure et l’affecter ailleurs, comme aux élèves en difficulté d’apprentissage, si on manque d’argent. Ces budgets constituent de bonnes choses, soutient la directrice, sauf que le ministère décide sans consulter les directions d’école.»
L’avenir des commissions scolaires
Une réflexion s’impose, croit Marie-Claude Turbide, dans ce débat entourant l’existence des commissions scolaires. «Une réflexion s’impose. Ça fait des lunes que ça n’a pas été repensé. La réflexion doit se faire, mais sera-t-on consulté?», s’interroge-t-elle.
Oui, pour une réflexion, mais de là à tout chambarder… Elle fait valoir la nécessité d’un organisme intermédiaire pour gérer certains dossiers, comme la gestion des conventions collectives, la question du transport scolaire, la gestion des ressources matérielles, des bâtiments, de leur entretien et la responsabilité des services éducatifs.
Celle qui dirige un personnel de plus d’une soixantaine de personnes, dont une quarantaine d’enseignants, s’estime choyée avec une organisation comme la Commission scolaire des Bois-Francs. «On a une commission scolaire en santé et très proactive au niveau de la pédagogie, à la fine pointe de la recherche. Ils vont se former et viennent nous voir, signale-t-elle. Elle est proactive aussi au chapitre de la gestion. Ils se mettent à jour continuellement et sont à l’écoute des besoins du milieu. Ils sont près de nous.»
Aucun regret
Au fil du temps, Marie-Claude Turbide a vécu toute une évolution au niveau de l’enseignement, se rappelant d’une époque plus libre, alors qu’aujourd’hui, tout est campé, défini, minuté.
L’ex-prof de mathématiques a adoré l’enseignement, avouant même avoir ressenti quelques pincements au cœur les premiers temps où elle a délaissé ses classes pour accéder à un poste de direction.
Mais elle ne regrette pas sa décision. «Ça me prend un certain temps pour mûrir une décision, mais une fois prise, je ne reviens pas en arrière», conclut la directrice originaire de la Rive-Sud de Montréal.