«Il est temps de se mobiliser contre la réforme Barrette»

DRUMMONDVILLE. «Il est temps de mobiliser la population si on ne veut pas perdre des services à l’Hôpital Sainte-Croix», affirme le docteur Gilles Viens, président du Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens (CMDP) de Drummondville.

Face au refus du ministre de la Santé Gaétan Barrette d’octroyer au Centre-du-Québec son propre Centre intégré de santé et de services sociaux (CISSS), provoquant une réelle perte d’autonomie, le Dr Viens lance un véritable cri d’alarme afin d’empêcher ce qui sera confirmé par l’adoption prochaine de la Loi 10, actuellement à l’étude en commission parlementaire à Québec.

Le projet de loi 10 du gouvernement libéral prévoit l’abolition des CSSS, dont ceux de Drummond, d’Arthabaska et de L’Érable, afin de créer une mégastructure qui sera aussi gérée à partir de la Mauricie, mais sans le palier décisionnel local.

«Il est impératif que la population appuie nos élus pour manifester notre désaccord. Le temps presse; après la commission parlementaire, ce sera l’adoption de la Loi 10 qui abolira notre CSSS de Drummond au profit d’un grossissement de l’Agence de santé et des services sociaux à Trois-Rivières. On ne peut pas effacer plus de 20 ans d’efforts et de travail à organiser un réseau de soins tel que nous le connaissons aujourd’hui, sans compter les ententes que nous avons su mettre au point avec Trois-Rivières et Sherbrooke. Je sais que ça ne changera rien demain matin, mais, à moyen terme, notre structure actuelle disparaîtra et on ne pourra plus la rapatrier après. On perdra tout», fait-il valoir.

Le porte-parole du CMDP se dit très inquiet du fait qu’il n’a pas senti d’ouverture de la part du ministre Barrette lorsque lui, son collègue de Victoriaville ainsi que les deux maires, Alexandre Cusson et Alain Rayes, l’ont rencontré le 8 décembre dernier à Montréal. «On ne peut pas laisser passer ça comme du beurre dans la poêle. L’enjeu est trop immense.»

Quelques jours après la fameuse rencontre avec le ministre, les deux maires Cusson et Rayes ont réagi par voie de communiqué déclarant : «Le ministre Gaétan Barrette fait fausse route en demandant à Trois-Rivières d’assurer notre tutelle. Cette gestion doit se faire ici, chez nous».

Selon le député de la CAQ Sébastien Schneeberger, le ministre Barrette veut abolir huit CSSS de la Mauricie et du Centre-du-Québec pour ne faire qu’un seul CISSS, qui sera le nouveau nom de l’Agence. «Nous lui disons simplement qu’il en faudrait deux pour remplacer les huit qui vont disparaître, un en Mauricie et un au Centre-du-Québec. Une telle demande n’est pas exagérée, d’autant plus que la population centricoise est en forte croissance.»

Le député de Drummond-Bois-Francs est d’avis que le Dr Viens a raison de s’exprimer publiquement. «C’est la pression populaire qui pourra faire bouger le ministre Barrette. Mais je me questionne sur le silence des directeurs des CSSS qui auraient également des choses à dire dans ce débat».

Il faut une solution

Aux yeux du conseiller municipal Pierre Levasseur, ex-directeur général de l’Hôpital Sainte-Croix, le temps est venu de réunir tous les intervenants afin de mettre au point une solution pour conserver «notre autonomie».

«Le ministre Barrette veut que le Centre hospitalier régional de Trois-Rivières se développe en cardiologie et, pour défendre cet investissement, ça prend du volume. Or, la Mauricie, avec sa population de 250 000 habitants, n’atteint pas la masse critique nécessaire de 500 000 personnes à desservir. Mais, avec la population de 230 000 citoyens du Centre-du-Québec, ça lui donne presque le total souhaité. C’est pour ça qu’il tient à réunir les deux régions pour n’en faire qu’une seule, pour ensuite s’assurer que les patients drummondvillois soient obligatoirement dirigés vers Trois-Rivières et non plus vers Sherbrooke.»

Selon M. Levasseur, les gens en général ne sont pas conscients des effets désastreux qui découleront de l’adoption de la Loi 10. «On perdra le CSSS et tout le contrôle sur les services qui lui sont assujettis, soit les services de longue durée, le Centre Jeunesse, le CLSC, les organismes communautaires et tout le côté social. Tout ça sera géré à partir de Trois-Rivières. Disparaîtra également le Conseil des médecins, dentistes et pharmaciens (CMDP) qui voit à la gestion des affaires d’ordre médical, ce qui est un organisme essentiel sur notre territoire. À la limite, certains de nos médecins pourraient se voir forcés d’être de garde à Trois-Rivières», avance-t-il. «Le discours du ministre Barrette plaît à la population, qui entend qu’il va mettre des boss dehors. Mais il y a beaucoup plus que ça.»

Appuyant l’appel à la mobilisation du docteur Gilles Viens, M. Levasseur suggère que tous les intervenants régionaux concernés par la réforme Barrette se réunissent pour préparer un plan. «Il faut mettre au point une solution, peut-être quelque chose comme une structure avec une couleur particulière, qui servira à conserver notre autonomie, car c’est bien ça l’enjeu fondamental: conserver notre autonomie. Et en ce sens, la pression exercée par les médecins est capitale».