Il accroche son pistolet d’essence après 34 ans

Au service des automobilistes, camionneurs et motocyclistes pendant 34 ans, Gaby Saint-Laurent accroche son pistolet d’essence. Le pompiste de 57 ans a pris la décision de ne pas renouveler son contrat de location avec Sonic à la station-service du 2081 rue Saint-Calixte à Plessisville, la dernière à offrir le plein d’essence « avec service » en ville.

Son contrat vient à échéance le vendredi 31 mars 2023. Il servira de l’essence jusqu’à cette date ou jusqu’à épuisement des réservoirs.

« J’avais 23 ans à l’époque quand je me suis engagé avec Sonic. J’avais suivi une formation en mécanique de véhicules légers et je réparais des petits moteurs. Quand l’opportunité de me joindre à Sonic s’est présentée, j’étais alors en chômage. Je m’étais dit que ce serait une belle expérience pour un an ou deux, mais j’ai toujours continué », explique M. Saint-Laurent, locataire des installations depuis le 23 janvier 1989.

« J’ai toujours eu une belle proximité avec les clients et je pense que c’est ce qui va me manquer le plus. La plupart, je pouvais les appeler par leur prénom. Je pense avoir fait une petite différence dans leur vie, car j’aimais prendre de leurs nouvelles, partager leurs joies, leurs peines », raconte le Plessisvillois pure laine.

« Dans certaines familles, j’ai servi les trois générations à commencer par le grand-père jusqu’au petit-fils. J’avais toujours quelques suçons en réserve pour donner aux enfants qui venaient faire le plein avec leurs parents. Pour un autre client, c’est une gâterie que je donnais à son chien pour l’empêcher de japper pendant le service », raconte-t-il tout en montrant la boîte de biscuits en os sous le comptoir-caisse.

M. Saint-Laurent souligne avoir décliné les offres qui lui ont été proposées par la compagnie pour continuer d’opérer la station. « Les défis sont très grands. Il aurait fallu que j’investisse et, avec la pénurie de main-d’œuvre et compte tenu de mon âge, je n’étais plus prêt à m’investir autant », reconnaît-il. « Plusieurs clients sont déçus et s’inquiètent dorénavant à se servir eux-mêmes. Je trouve ça un peu triste, car ils étaient mes amis. »

 

Des habitudes qui ont changé

 

Les habitudes des gens ont également changé au fil des années. Les affaires se passent davantage en périphérie sur la 116 et la compétition est forte. « On est loin de la période où les gens allaient encore changer leur chèque de paye à la caisse populaire et qu’il y avait une file d’automobiles sur la rue Saint-Calixte jusqu’au poste d’essence amplifiée par la présence des feux de circulation du centre-ville », se rappelle-t-il encore.

« Il y a certes la perte des cartes de crédit Sonic qui permettaient aux clients d’obtenir un 3% de rabais qui nous a fait mal depuis l’an dernier, mais il y a eu aussi le télétravail durant la pandémie et les véhicules électriques qui sont de plus en plus présents sur nos routes qui ont aussi fait fondre notre volume d’affaires. Et il ne faut pas oublier que la rue Saint-Calixte sera fermée cette année pour des travaux de réfection près du Claire Fontaine. »

La goutte qui a cependant fait déborder le « réservoir » est la difficulté à recruter des employés. « Juste par exemple, l’an passé, j’étais en vacances en Gaspésie avec des amis pendant la semaine de relâche alors que cette année, je suis au poste et je travaillerai 56 heures parce que je manque de personnel », confie-t-il précisant faire habituellement 50 heures par semaine.

« Je quitte l’aventure, mais je demeurerai éternellement reconnaissant envers ceux et celles qui m’ont encouragé au cours de ces belles années », laisse entendre M. Saint-Laurent.

Au cours de ces 34 ans de services, M. Saint-Laurent raconte avoir été victime une fois d’un vol à main armée. « C’est arrivé à l’un de mes employés alors qu’un individu s’est présenté avec un couteau pour s’emparer du contenu du tiroir-caisse. C’était dans les premières années. Aussi, un autre avait fait un vol d’essence. Il avait couvert sa plaque d’immatriculation, mais les policiers l’avaient intercepté quelques minutes plus tard, d’abord pour cette raison, mais pour découvrir ensuite qu’il était le responsable du vol. »

M. Saint-Laurent entend prendre une pause de quelques mois et profiter de l’été pour faire du vélo tourisme. « Je suis trop jeune pour prendre ma retraite. J’envisage éventuellement de me trouver un petit boulot de 40 heures par semaine quelque part dans la région. »

Bien connu comme pompiste, Gaby Saint-Laurent s’est également impliqué dans sa communauté au fil des ans, notamment dans le Club auto-neige des Bois-Francs.

Quant à l’avenir de la station, M. Saint-Laurent croit que ce n’est pas l’intention de la compagnie de l’offrir à un nouveau locataire et qu’elle pourrait être tentée de la fermer étant donné que les infrastructures sont vieillissantes, mais là tout n’est encore que spéculation. Toutefois, le système automatisé de diesel demeurera fonctionnel pour les membres, surtout des entrepreneurs, qui pourront continuer à utiliser le service.