Dans la foulée du #Metoo : du «positif» et un «grand malaise»

En soi, le mouvement #MoiAussi (#Metoo) qui s’est amorcé l’automne dernier avec une vague de dénonciations d’inconduite et d’agression sexuelles, a été positif, croit Julie Bouchard, consultante en relations de travail et relations humaines. Elle constate toutefois qu’il a aussi engendré un grand malaise… particulièrement dans les milieux de travail.

«Parce que des cas de harcèlement sont loin de se limiter au monde du cinéma. Ils peuvent aussi miner les relations de travail», soutient Mme Bouchard, évoquant tout autant le harcèlement sexuel que le harcèlement psychologique.

Il y aura, croit-elle, un «avant» et un «après» #Metoo, l’«après» suscitant davantage de plaintes. «Et les personnes qui nous surprendront le plus seront celles qui proviennent des milieux de travail, des collègues témoins de gestes de harcèlement. La tendance à se dire que «ça ne me regarde pas» va s’estomper et ça, c’est positif.»

Ces temps-ci la fondatrice de la firme Options GRH offre des conférences sur le harcèlement psychologique en milieu de travail (Développement économique de L’Érable en a accueilli une au début de février) percevant que, dans la foulée du mouvement #Metoo, la question préoccupait les entrepreneurs et gestionnaires. «Les gens veulent être rassurés.»

Elle soutient que dans un contexte de pénurie de main-d’œuvre, les employeurs devront miser davantage sur la prévention. «Parce que s’ils ne font pas attention, ils auront peut-être à se départir de leurs employés les plus performants, le harceleur ou la victime. Avec les gens de la nouvelle génération qui recherchent le bonheur et la possibilité de concilier travail et famille, il y a de fortes chances pour que l’incivilité les incite à partir… et cela avant même de dénoncer.»

Julie Bouchard rappelle que depuis 2004, le législateur québécois a introduit la possibilité de recours en matière de harcèlement psychologique et que les employeurs ont l’obligation de prendre les moyens raisonnables afin de prévenir et d’offrir un environnement qui en est exempt.

Malheureusement, soutient-elle, plusieurs politiques contre le harcèlement s’empoussièrent sur les tablettes. «Et on a complètement oublié l’aspect prévention. Un climat de travail exempt de harcèlement devrait importer tout autant que la sécurité matérielle de son environnement.»

Elle ajoute que la vague de dénonciations a créé de l’incertitude dans beaucoup de milieux quant à la définition même du harcèlement. «Il y a des employeurs qui craignent de perdre leur droit de gérance. Non, ce n’est pas du harcèlement lorsqu’un employeur finit par s’emporter auprès d’un employé à qui il a répété à cinq reprises que ce dernier devait porter son casque de sécurité.»

La présidente d’Options GRH poursuit en énumérant les gestes qui ne relèvent pas du harcèlement psychologique, évoquant, par exemple, les conflits de personnalités. «Dans ce cas toutefois, si on ne prend pas les moyens, ce genre de conflits peut dégénérer en harcèlement. Par exemple, des employés peuvent décider de se grouper pour en isoler un avec qui ils ne s’entendent pas.»

Les conflits de travail, les traits de caractère d’un plaignant ou d’une plaignante ayant tendance à la victimisation ne sont pas, non plus, du harcèlement psychologique.

Ce qui l’est par contre, poursuit-elle, se définit en cinq points : la conduite vexatoire, le caractère répétitif, les paroles, gestes ou comportements hostiles non désirés, l’atteinte à la dignité ou à l’intégrité, le climat de travail devenu néfaste.

«C’est un choix que de ne rien faire, en pensant que le temps va arranger les choses, poursuit la consultante. Mais dans ce cas, il faudra assumer ce choix.»

Sans politique «claire et vivante» de civilité au travail, Julie Bouchard demeure convaincue qu’il sera bien difficile pour un ou une employé-e de confier à son patron les gestes de harcèlement dont il ou elle est victime. «J’ai croisé tellement de personnes dans le désarroi», dit la consultante.

Après des années en relations de travail, notamment à la Ville de Victoriaville, Julie Bouchard a obtenu sa maîtrise en administration de l’Université du Québec à Trois-Rivières il y a trois ans, désireuse de créer son entreprise. Elle offre des services de médiation, accompagne les démarches pour prévenir le harcèlement sexuel et anime diverses formations, ayant obtenu son agrément de la Commission de partenaires du marché du travail.