Et si tous les organismes communautaires fermaient leurs portes…

Au moment d’annoncer son départ de Répit Jeunesse, le directeur général, Claude Raymond, qui complète actuellement l’exercice de redressement qui l’avait amené à la tête de l’organisme, en a profité pour plaider la cause des organismes communautaires; une cause, dira-t-il, souvent mal connue, sinon mal jugée, et que la population a intérêt à mieux connaître.

Les organismes communautaires, dira le directeur sortant d’entrée de jeu et de façon apolitique (l’État n’est pas un parti politique, ce sont des gouvernements qui se suivent), sont des sous-traitants sous-payés au service de l’État qui n’ont surtout rien de plaignards outranciers.

Un sous-traitant dont l’État, justement, ne veut surtout pas se passer tellement il y trouve son compte puisqu’il offre : 1- une main-d’oeuvre bon marché, sans avantages sociaux et autres accommodements, 2- un personnel qui, dans les faits, ne dispose d’aucun moyen pour négocier ses conditions (on ne fait pas la grève pour réclamer un salaire décent quand ce n’est pas la direction de votre organisme ou son CA qui tient le cordon de la bourse),  3- un sous-traitant finalement, et là c’est «la cerise sur le sundae», qui vous subventionne en organisant dans le milieu des collectes de fonds pour payer le service qu’il vous rend. Voilà, dira M. Raymond, la réalité, mais le mal n’est pas là.

Le mal, expliquera-t-il, est que malgré ce constat, les organismes communautaires peinent trop souvent à joindre les deux bouts (et quand ils y arrivent, c’est à partir des collectes de fonds qu’ils organisent pour l’État dans leur communauté) et que s’ils lèvent la main pour demander davantage, on les inscrit sur la liste des lobbyistes.

Fermons tous les organismes, pour voir surgir leur impact réel

Le pire, ajoute le directeur de Répit Jeunesse, est que la population en général est peu informée sur l’impact réel des organismes communautaires et sur le rôle majeur que jouent ceux-ci sur l’échiquier des services sociaux.

En ce sens, il lui arrive de s’interroger à savoir si ce ne serait pas une bonne idée que tous les organismes communautaires ferment leurs portes et remettent leurs clés à l’État. Il part du principe que lorsque l’on veut savoir ce que coûte la qualité, on essaie la non-qualité. Alors, fermons tous les organismes communautaires, on verra bien si ce sont des quêteux ou des organismes qui jouent un rôle essentiel que devrait assumer l’État sans leur présence. En ce qui concerne Claude Raymond, pareille solution provoquerait une véritable crise sociale plus grosse, plus énorme qu’il n’est nécessaire pour témoigner du rôle essentiel des organismes communautaires dans notre société.

Juste à Victoriaville, imaginez que l’on ferme Répit Jeunesse, que l’on mette à la rue ses 700 jeunes, imaginez que l’on ferme la Sécurité alimentaire, le Restaurant populaire, Volte-Face, qui s’occupe des femmes et des enfants victimes de violence conjugale, que l’on ferme la Maison Raymond-Roy, qui accueille les itinérants, Pacte Bois-Francs, qui intervient auprès des jeunes exposés à la criminalité, Action Tox, qui, de son côté, vient en aide aux jeunes exposés à la consommation de drogues et d’alcool. Il y a plus de soixante organismes du genre à Victo. Imaginez qu’on les ferme tous. Ce sera le marasme et c’est toute la population qui va revendiquer.

Imaginez, maintenant, que l’on ferme tous les organismes du Québec. Une chose est certaine, plus aucun travailleur communautaire n’aura à manifester et à sortir ses pancartes, c’est la population qui montera aux barricades.

Et, ajoutera le directeur de Répit, elle montera aux barricades parce qu’elle verra surgir autour d’elle la misère qu’elle voit moins aujourd’hui parce que les organismes communautaires s’en occupent; et elle montera aussi aux barricades parce qu’elle s’inquiètera de cette misère, voire s’en sentira menacée. 

Ce n’est pas pour être gentil avec les organismes communautaires que l’État leur verse des subventions, mais parce que s’il ne le faisait pas il devrait faire le travail lui-même et qu’il lui en coûterait davantage, bien davantage.

D’en donner ne le dégage cependant pas pour autant. L’idée n’est pas de simplement verser de l’argent, mais de le faire à la hauteur des besoins, et ce qui n’est pas le cas : la très grande majorité des organismes communautaires étouffe et doit constamment se battre pour garder la tête hors de l’eau.    

Ceci dit, M. Raymond est conscient que son propos risque peu d’émouvoir l’appareil de l’État. Mais ce n’est pas son intention. Il veut d’abord alimenter la prise de conscience au sein de la population vis-à-vis du rôle que jouent les organismes communautaires au sein de notre communauté, au sein de toutes les communautés. Comme il veut faire remarquer que les services sociaux sont en voie de devenir le parent pauvre du ministère de la Santé et des Services sociaux.

Pour le reste, de conclure M. Raymond, un tel propos peut aussi permettre de mentionner qu’à la sortie d’un climat d’austérité, ce n’est pas l’État qui paiera pour les réductions d’impôts, mais tous ceux et celles dont on a coupé les services. En ce sens, il n’y a pas grand mérite à se montrer généreux quand on donne l’argent des autres même que ça peut être tout à fait questionnable si non douteux. Ceci dit, répète M. Raymond, de façon apolitique. «C’est du principe que je parle, pas des gens qui choisissent de l’appliquer ou non.»