Elle apprend qu’elle est enceinte après la mort de son conjoint

«Je n’ai pas le choix, je ne peux abandonner. J’ai deux enfants qui me regardent chaque matin avec leur petit sourire et j’en ai un troisième dans mon ventre», répond Chloé Laroche-Therrien quand on lui demande comment elle réussit à surmonter son épreuve.

La jeune maman de 23 ans vit un deuil important. Le 1er juillet dernier, son conjoint Francis Poliquin, 24 ans et père de ses enfants, est décédé dans un accident de moto survenu à Notre-Dame-du-Bon-Conseil.

Le lendemain, elle apprenait qu’elle était enceinte de son troisième enfant attendu pour le début du mois de mars. «Francis s’en doutait. Il m’avait d’ailleurs invitée à passer le test», souligne Chloé qui n’a pas connu son père, décédé alors qu’elle n’avait que quatre mois.

«Je suis bien armée pour comprendre ce que vivront mes enfants dans les prochaines années», note-t-elle avec philosophie.

Native de Princeville, Chloé Laroche-Therrien a grandi à Victoriaville. Mais lors du tragique événement, la jeune femme et son copain déménageaient de Daveluyville où ils habitaient pour emménager à Saint-Cyrille-de-Wendover afin de se rapprocher de Drummondville, leur lieu de travail.

À la suite du décès de Francis, la jeune maman n’avait pas la force d’habiter dans sa nouvelle demeure. «J’avais besoin de gens autour de moi, dit-elle. Et les médecins m’ont conseillé de revenir près de ma famille et de mes amis à Victoriaville.»

Ainsi, depuis le début d’août, Chloé et ses enfants habitent dans le quartier paisible d’un nouveau développement, là où elle se sent en sécurité et où elle a accepté de se confier, de raconter son histoire, un exercice libérateur. «Ça fait du bien d’en parler, je trouve qu’il est important de le faire. Francis n’était pas quelqu’un de triste, mais un gars heureux dans la vie. Il était partant pour tout, raconte-t-elle. Même si c’est triste et que ça nous fait vraiment mal ce qui est arrivé, plus on va en parler, plus cela nous fera du bien. Chaque fois que je parle de lui, je ressens un poids de moins sur les épaules.»

«Je me dis aussi, ajoute-t-elle, que si quelqu’un de plus est au courant, il fera peut-être attention à sa vie. C’est important la vie! Tout peut basculer en une fraction de seconde.»

Partir heureux

Chloé Laroche-Therrien se console, un tant soit peu, à penser que son homme est «parti heureux», sans souffrir, la personne l’ayant découvert lui a confirmé qu’il ne souffrait pas. Il ne s’est jamais réveillé. «Il était inconscient. Il est décédé dans l’ambulance, on l’a réanimé et maintenu en vie artificiellement», souligne-t-elle.

La délicate et déchirante décision «du débranchement» incombait à la jeune femme. «Il m’a déjà confirmé qu’il ne voulait pas être maintenu en vie. Si cela arrive, laisse-moi partir avec ma dignité, m’a-t-il dit. Il n’aurait pas été heureux sans qualité de vie.»

Pourtant, en le voyant étendu sur le lit d’hôpital, la jeune femme a tenté d’obtenir un signe. «Je lui parlais, j’essayais de savoir s’il voulait se battre, je lui demandais un petit signe, mais il ne s’est rien passé. Il était tellement beau, paisible. Il avait l’air de dormir, se rappelle Chloé. On l’a finalement débranché et il a cessé de respirer.»

Le jeune homme avait déjà confié à son amoureuse que la moto ne lui faisait pas peur, qu’il aimerait bien partir comme ça. «Je l’invitais à la prudence chaque fois qu’il partait. Oui, oui, me disait-il, je ferai attention. Mais s’il fallait que je parte en moto, eh bien tant mieux! C’est ce qu’il voulait depuis le début, disant que s’il partait en moto, il partirait heureux», relate Chloé.

Les volontés du défunt auront donc été respectées, jusque dans les funérailles. «Les plus belles funérailles que je n’ai jamais vues à l’extérieur avec un show de boucane. On lui a fait honneur, c’était beau, un bel hommage», commente la jeune femme.

Sensibilisation

Chloé Laroche-Therrien ose espérer que la mort tragique de son conjoint puisse éveiller des consciences. «J’espère que les gens réaliseront que la moto, un super beau sport, n’offre aucune protection. J’espère que les gens tireront une leçon de sa mort», indique la jeune femme qui, en moto, grimpait derrière son copain.

«S’il faisait de la vitesse, c’est qu’il connaissait bien la route», affirme-t-elle, ajoutant qu’il empruntait, deux fois par jour pour se rendre au travail, le chemin où il y a laissé sa vie.

La jeune Victoriavilloise ne cache pas sa hâte de connaître le dénouement, les conclusions de l’enquête policière au sujet des circonstances du funeste accident.

L’avenir

«Un jour à la fois», voilà la réponse de Chloé quand on lui demande comment elle envisage l’avenir.

«Chaque jour, je me lève en me disant que la journée ira bien. Mais je ne sais pas comment ça sera dans un an. On ne sait jamais ce qui peut arriver. Avec Francis, nous avions des projets, on bâtissait notre vie de famille. Maintenant, je ne fais plus de projets», confie-t-elle.

Chloé se retrouve maintenant avec toutes les responsabilités. «Francis était le pilier  de la famille, il prenait les grandes décisions. Maintenant, je me ramasse avec le gros rôle»,  note-t-elle.

«Je ne sais pas comment je ferai avec trois enfants, avoue-t-elle. Je vais m’arranger, car c’est tellement le plus beau cadeau. On en voulait trois enfants, c’est ce que j’aurai.»

Par ailleurs, la jeune femme se sait bien entourée. «La famille de Francis est très présente tout comme ma famille et mes amis. Il y a tellement de gens pour m’écouter, passer du temps avec moi. C’est formidable de voir comment les gens deviennent vraiment humains quand un drame survient. C’est vraiment beau de voir ça», fait-elle valoir.

Depuis le départ de son copain, Chloé dit constater un rapprochement chez les gens. «Tout le monde se tient serré.»

Accepter l’aide

Pour l’instant, Chloé Laroche-Therrien estime suffisante l’aide qu’elle obtient. «J’ai appris, toutefois, à ne refuser aucune offre. Il faut le faire quand quelque chose nous arrive. Même avant qu’un drame ne survienne, c’est important d’accepter l’aide d’autrui. En l’acceptant, je constate que les gens veulent aider et se sentir utiles. Cela fait du bien», mentionne-t-elle.

«Un mois avant le décès de Francis, poursuit Chloé, j’ai discuté avec une dame qui me racontait la mort de son conjoint. Elle m’a remerciée de l’avoir écoutée.»

Toujours présent

La jeune mère, par ailleurs, dit croire en l’existence d’une autre vie. «La lumière ne fait pas juste s’éteindre. Il y a une autre vie, quelque chose qui se passe», croit-elle, tout en disant ressentir la présence de son bien-aimé.

«Je sais qu’il est là, sinon je ne serais pas aussi forte, exprime Chloé. Il me donne la force d’avancer, de ne jamais abandonner. Et il fera en sorte que tout aille bien.»

En terminant, la jeune femme insiste sur un message important. «Tous devraient souscrire à une assurance-vie et posséder un testament notarié. C’est la chose la plus importante au monde. Nous n’avions pas d’assurance-vie», signale Chloé.

Sans papiers officiels, les choses se compliquent et rien ne se règle rapidement.

La jeune maman se réjouit toutefois du fait que ses enfants pourront bénéficier, à leur majorité, d’indemnités de la Société de l’assurance-maladie du Québec (SAAQ) en raison du décès accidentel de leur papa. «Cela les aidera pour leur entrée dans l’âge adulte», conclut-elle.