De décrocheur à chef pompier

Il n’y a pas d’âge pour apprendre. À 66 ans, le Victoriavillois François Arel le démontre bien. Lui, le décrocheur, qui a quitté le monde scolaire en cinquième secondaire, a récemment terminé un certificat universitaire en lien avec les opérations d’urgence en sécurité incendie.

Dix cours réussis, ce qui rend fier celui qui occupe, depuis environ cinq ans, le poste de directeur du Service de sécurité incendie (SSI) de la Régie Incentraide (Saint-Rosaire-Saint-Louis-de-Blandford).

Pourtant, même si ses deux grands-pères ont été pompiers, François Arel n’avait jamais pensé le devenir. « L’un d’eux a été pompier à Victoriaville vers les années 30, à l’époque des chevaux. Il était policier-pompier. J’ai une photo, mais je ne l’ai pas connu, il est décédé en 1956 le jour de ma naissance, raconte-t-il. Mon autre grand-père, natif de Québec, a été pompier dans la Vieille Capitale. »

Le jour même où il terminait sa formation Pompier 1, il apprend l’existence d’une médaille de pompier avec un chapeau de Québec appartenant à son grand-père. Cette médaille, François Arel en a vite pris possession et la conserve précieusement.

C’est l’une de ses passions, la photographie, qui l’a finalement mené sur le chemin des incendies. « Depuis ma jeunesse, j’ai toujours fait de la photo. Beaucoup. Je me suis mis à photographier des incendies (plusieurs ont été publiées par le www.lanouvelle.net). J’en diffusais aussi sur des sites de pompiers. On m’avait dit aussi que si je suivais mon cours, je pourrais accéder au périmètre et être plus près de l’action », souligne-t-il.

C’est bien ce qu’il a fait : il franchit toutes les étapes des formations Pompier 1 et Pompier 2. « Les photos m’ont comme donné le goût de devenir pompier. Par la suite, j’ai eu l’opportunité d’entrer comme pompier à la Régie Incentraide », relate-t-il.

L’homme passionné n’allait pas cesser de parfaire ses connaissances et a suivi d’autres formations, dont celle d’officier, de même qu’un cours collégial en gestion d’incendie.

Le certificat

C’est un peu un défi personnel qu’il s’est lancé en entreprenant, il y a un peu plus de cinq ans, les différents cours composant son certificat. « Comme un cadeau que je me faisais en me rappelant que j’avais lâché l’école quand ce n’était pas le temps », indique celui qui a notamment exploité une entreprise de soudure en plus d’avoir été représentant.

François Arel a vraiment apprécié sa formation tenue d’abord en présence, en salle de cours, puis, avec la pandémie, en mode virtuel. « C’est concret, très spécialisé, avec des profs qui ont beaucoup d’expérience », note-t-il.

Du comportement des structures à un cours de droit traitant des dispositions législatives appliquées en passant par le schéma de couverture de risques, la sécurité civile et la direction d’un poste de commandement, François Arel a pu voir différents aspects pour terminer avec la gestion d’un événement d’envergure.

« On nous présentait des situations de grandes villes avec des immeubles de 17 étages. Tu gères une situation avec une centaine de pompiers sans y être habitué. Mais tu dois le faire quand même et le comprendre. Ça te sort de ta zone de confort et amène même un peu de découragement, admet-il. Mais en y mettant du temps, tout se met en place et tu en ressors avec une bonne note. Tes efforts sont récompensés. »

Du travail, il y en a eu. Dans ces formations de 45 heures, chaque heure nécessitait environ trois heures de travail. « On nous donne des bases et ensuite, tu apprends à travailler et à faire des recherches. On avait également des travaux d’équipe avec des gens de partout, de la Gaspésie, de Québec, de Mégantic, de Montréal. C’était très intéressant », commente-t-il.

François Arel a trouvé particulièrement intéressante la sécurité civile. Les connaissances acquises lui ont d’ailleurs été très utiles. « Par exemple, la gestion d’un centre d’opération d’urgence sur le site (COUS) survient lorsque tu as beaucoup d’intervenants, une situation qu’on a vécue au site d’enfouissement à Saint-Rosaire où des gaz se libéraient. De nombreux intervenants s’y trouvaient. Un tel cas nécessite un chef qui coordonne tout le monde. Il y avait un chimiste, des représentants des ministères de l’Environnement du Québec, du Canada et divers intervenants. Il fallait coordonner le tout. On avait appris ça dans le cours. Tout le monde a ses fonctions, mais il y avait un chef », explique-t-il.

Son expérience, François Arel la mettra à profit d’ailleurs en prononçant, en novembre, une conférence au congrès de la sécurité civile en collaboration avec la Ville de Longueuil et Saint-Rosaire.

Le directeur du SSI de la Régie Incentraide a grandement apprécié, par ailleurs, le cours traitant de la structure de bâtiment. « Juste à regarder un bâtiment, tu peux en déterminer l’année, le type de structure, les risques d’effondrement, les signes avant-coureurs et le comportement de la fumée dans un bâtiment. On sait le chemin qu’empruntera la propagation si un feu survient », expose-t-il.

En fait, François Arel a trouvé de l’intérêt dans chacun des cours, même pour les « Notions scientifiques appliquées de l’incendie », un cours comprenant beaucoup de matières, de la chimie, notamment, tellement qu’il s’étonne presque de sa réussite. De quoi le rendre fier de son accomplissement.

François Arel éprouve toujours cette soif d’apprendre. Il compte bien continuer de s’inscrire ici et là à diverses formations. Récemment, d’ailleurs, il n’a pas hésité à suivre un cours spécialisé à Québec sur la gestion d’un « mayday », la situation d’un pompier en détresse. « Dans ce domaine, on ne peut cesser d’apprendre. Tout évolue tellement rapidement, les normes de la santé, de la sécurité. Et avec la fonction de directeur vient l’imputabilité », observe-t-il.

Il est donc important de garnir le coffre d’outils. « Quand tu en as besoin, les outils y sont. Il n’y a pas d’âge pour la formation, insiste François Arel. Et en incendie, il est important de maintenir sa formation à jour et de sortir de notre zone de confort. »

Le chef Arel trouve motivant de donner l’exemple aux plus jeunes. « Ils doivent eux aussi faire des efforts, c’est un travail d’équipe. »

Ce qu’il a appris, François Arel le partage aux membres de sa brigade qui compte plus d’une quinzaine de sapeurs. « Les connaissances apprises, je les ramène chez nous en les adaptant à notre réalité. On n’a peut-être pas de bâtiments en hauteur, mais un tel bâtiment, couché sur le côté, représente un édifice à grande dimension comme on en connaît avec certaines de nos usines. C’est enrichissant et mes pompiers en sont très reconnaissants. Ils aiment ça. Je les ai sortis eux aussi de leur zone de confort avec tout ce bagage, mais ils adhèrent bien à cela. »

La volonté d’être bien formé n’a aucun lien avec la grandeur du service d’incendie, fait remarquer le directeur Arel. « On se remet en question, on s’analyse, on regarde nos erreurs, et ça m’inclut aussi. Je suis parfois intense, j’ai mes défauts. On a tous des choses à améliorer », dit-il, tout en saluant les élus, des gens reconnaissants qui acceptent d’investir, au besoin. « On est bien traité à la Régie Incentraide », signale-t-il.

Les pompiers aussi se montrent reconnaissants envers leur directeur. Ils lui ont d’ailleurs organisé une petite fête surprise au centre communautaire de Saint-Rosaire pour souligner sa réussite académique. « Tous les pompiers y étaient avec les conjointes. Ils m’ont remis un livre avec des photos, des mots de chacun et des remerciements. C’était touchant. C’est motivant pour moi de continuer avec un tel groupe », exprime-t-il.

Oui, comme on dit, il a toujours le feu sacré, le goût de continuer. « J’aime tellement ça, même si parfois ça devient intense, comme lorsque trois importants incendies sont survenus par grand froid en peu de temps. Quand ça a sonné le dernier coup… »

Avec le temps, François Arel a développé un réseau de contacts immense dans le domaine de l’incendie, partout à la grandeur du Québec. « J’ai des contacts avec de grands services, des gens qui m’aident, me prodiguent des conseils. À deux occasions, j’ai vécu l’expérience de casernes à Montréal. On était sorti 16 fois la même journée », se souvient-il, ajoutant qu’il aimerait répéter l’expérience, mais à Québec, cette fois.

Si l’incendie le passionne, d’autres passions l’occupent aussi, comme la peinture, un art qu’il a repris depuis quelques années après une pause. Maintenant, il peint sans arrêt, inspiré par les paysages. En allant voir ses collègues pompiers lors d’un récent incendie à Tingwick, la vue d’une grange a été le point de départ d’un autre tableau.

Ancien sportif ayant réalisé un demi-Ironman, il s’adonne maintenant à la marche, à la randonnée en montagne. Rien ne l’arrête, il s’est inscrit à une épreuve de 20 km en juin.

Quand il découvre une passion, il s’y investit à fond, comme ce fut le cas pour l’aviation pendant plusieurs années, l’amenant à piloter son propre appareil.