Crise dans l’industrie du recyclage? «Un mal pour un bien!»

La décision de la Chine de fermer ses frontières à l’importation de matières recyclables en provenance d’autres pays d’ici la fin de l’année risque de provoquer une crise du recyclage au Québec, pouvait-on lire dans Le Devoir au début de la semaine.

Le quotidien rapportait qu’en 2015 par exemple, 62% des papiers et cartons récupérés prenaient le chemin de la Chine et que, de façon générale, la part des matières recyclables exportées ne cessait d’augmenter depuis 2010. La fermeture du marché chinois pourrait avoir toutes sortes d’incidences dans les centres de tri du Québec aux prises avec un surplus de matières invendues.

Chez Gaudreau Environnement, le vice-président et chef de la direction Claude Charland ainsi que le directeur de la valorisation des matières Nicolas Gaudreau affirment que ce «blocage» de la Chine avait été annoncé il y a quelques mois.

Gaudreau ne dépend pas de l’exportation

Ils soutiennent que si elle provoque une «crise» au Québec, elle n’affectera que très peu les activités de Gaudreau Environnement. «Parce qu’on est dans le berceau du développement durable, il y a longtemps qu’on se colle à des acheteurs locaux pour les matières que nous traitons», dit Nicolas Gaudreau. Il explique que l’entreprise cherche aussi à diversifier ses marchés, évitant de mettre tous ses œufs dans le même panier et qu’elle signe des contrats à long terme.

Elle a aussi commencé à transformer elle-même certaines matières, comme le verre et les sacs de plastique pour en faire des dalles. Une quarantaine de produits différents pourraient être fabriqués avec ces matières pour toutes sortes d’utilisations, même sur des pistes cyclables.

D’ici Noël, l’entreprise devrait annoncer un nouveau projet de transformation de matières récupérées.

90% sur les marchés locaux

Nicolas Gaudreau soutient qu’à 90%, les matières récupérées et traitées par Gaudreau Environnement sont vendues sur le marché local. «Ça fait des années qu’on mise davantage sur la qualité du tri des matières que sur la quantité», souligne M. Gaudreau. «Nos clients reconnaissent la qualité de nos matières», renchérit Claude Charland.

Il donne l’exemple des fibres (papiers et cartons) lesquelles, à 90%, sont vendues à Cascades et à Papier Kingsey Falls. «On a un historique de 50 ans de proximité», souligne M. Charland.

Et c’est avec cette volonté de produire des matières de qualité que Gaudreau Environnement s’est lancé cet été dans l’agrandissement et la modernisation de son usine pour raffiner le tri du verre et du plastique. Les travaux, en cours, devraient temporairement suspendre les activités de tri à partir de vendredi (3 novembre), l’usine devant se relancer à partir du 20 novembre.

Dix pour cent des matières récupérées par Gaudreau sont exportés, mais pas uniquement vers la Chine, précise Nicolas Gaudreau, nommant la Malaisie, la Corée, le Mexique, l’Espagne et la Turquie, notamment pour les pellicules plastiques.

Des «opportunités de développement»

La fermeture du marché chinois créera une saine «pression sur la créativité», estime Claude Charland, forçant la recherche de solutions pour accentuer la transformation des matières. «Cela crée des opportunités de développement.»

Il donne l’exemple des plastiques agricoles qui pourraient être recyclées. «L’enjeu, c’est le nettoyage de ces plastiques», ajoute-t-il. Pour l’heure, ils sont exportés, signale Nicolas Gaudreau, déplorant que leur qualité ne soit pas reconnue à sa juste valeur sur les marchés.

Il estime que, finalement, cette nouvelle crise appréhendée dans l’industrie du recyclage – parce qu’il y en a eu au moins deux autres en 1994 et en 2008, ainsi qu’une «mini» il y a trois ans, recense-t-il -, c’est un «mal pour un bien», en ce sens où elle forcera les centres de tri à se préoccuper de qualité. «Ce sont toujours les mêmes centres qui sont touchés», dit-il.

Du support attendu

Ce que chez Gaudreau Environnement, on attend du gouvernement et de Recyc-Québec, c’est du support afin de développer de nouvelles applications et de nouveaux marchés. «Auparavant, Recyc-Québec finançait l’achat d’équipements spécialisés, comme des trieuses optiques, pour améliorer le tri des matières», ajoute Nicolas Gaudreau.

Claude Charland soutient que développer des marchés nécessite des investissements qui ne se rentabilisent qu’à long terme et que, pour cette raison, les centres de tri ont besoin d’un soutien financier. Si, dans certaines régions, la fermeture du marché chinois devait contraindre des centres de tri à enfouir ou à incinérer un trop-plein de matières, ce ne sera pas le cas dans la MRC d’Arthabaska, assure Claude Charland.

La qualité des matières commence par le tri à la source, rappelle-t-il. «Il faut continuer d’encourager les meilleures pratiques à la maison», parlant par exemple de la nécessité de rincer ses contenants de verre ou de plastique, de séparer ses matières afin qu’elles se retrouvent en vrac dans le bac vert, la consigne valant aussi pour le Publisac qu’on doit entièrement vider de son contenu. Chaque bac a son utilité, insiste-t-il.