Commerçants et consommateurs se distancent du «Black Friday»

Les images chaotiques de consommateurs qui se bagarrent dans les portes pour être les premiers à profiter des aubaines sont devenues synonymes du «Black Friday» (le Vendredi fou) au fil des ans.

Toutefois, la frénésie des emplettes qui balaie habituellement les commerces et les centres d’achats le lendemain de l’Action de grâce américaine semble être en perte de vitesse, maintenant que certains détaillants ont décidé d’abandonner la tradition et que des consommateurs choisissent de faire leurs achats en ligne.

«Dans les années 1970 et 1980, si on voulait se distinguer du lot en tant que compagnie, il fallait participer à cet événement, a expliqué Markus Giesler, de l’université torontoise York. Aujourd’hui, c’est exactement l’inverse.»

Le détaillant de vêtements en ligne ModCloth, par exemple, a annoncé plus tôt cette année que son site serait fermé le jour du Black Friday et que la compagnie donnerait pour 5 millions $ de vêtements à une organisation sans but lucratif.

«Ça a été amusant, Black Friday. Il y a eu les aubaines et les vols, mais cette année nous cherchons les sentiments», a indiqué la compagnie sur son blogue.

Le détaillant de produits pour l’extérieur REI, en revanche, ferme ses magasins pour le Black Friday depuis deux ans, offre un congé payé à ses employés, et encourage la population à participer à une nouvelle tradition en allant plutôt jouer dehors.

Ces marques suivent les consommateurs qui s’éloignent de la consommation de masse, a dit M. Giesler.

Des mouvements auparavant marginaux comme la Journée sans achat (Buy Nothing Day) — une manifestation anticonsommation organisée le jour du Black Friday — le sont de moins en moins, maintenant que les consommateurs choisissent le minimalisme et qu’ils sont plus conscients de l’impact de leurs achats sur l’environnement, leur santé et leur vie.

«Je ne serais pas surpris d’entendre mes voisins dire qu’ils ont renoncé au centre d’achats et au Black Friday», a ajouté M. Giesler.

L’an dernier, les ventes générées pendant le week-end de l’Action de grâce ont chuté de 4,2 pour cent, tandis que l’achalandage reculait de 4,4 pour cent, selon les données de la firme RetailNext.

Deux facteurs semblent avoir modifié la perception qu’a la population du Black Friday, selon JoAndrea Hoegg, de l’Université de la Colombie-Britannique: les ventes durent environ une semaine, au lieu d’une seule journée, et internet permet aux consommateurs de dénicher des aubaines toute l’année, a-t-elle expliqué.

«Les achats semblent moins urgents, dit-elle. On s’énerve de moins en moins que c’est la journée de l’année — ça et le Boxing Day — où on peut vraiment trouver des aubaines incroyables.»

Elle considère néanmoins que la frénésie n’est pas entièrement passée, surtout en ligne. Les consommateurs américains ont dépensé 30,39 milliards $ US entre le 1er et le 22 novembre, selon les données d’Adobe Analytics, qui couvrent 80 pour cent des 100 plus gros détaillants en ligne des États-Unis. Cela représente un bond de 18 pour cent sur un an.

À 17 h jeudi, le jour de l’Action de grâce, la compagnie rapportait des dépenses en hausse de 17 pour cent depuis l’an dernier, soit 1,52 milliard $ US déboursés en ligne.

Pour les consommateurs que l’aspect social du Black Friday laisse indifférents, les achats en ligne sont logiques, a dit Mme Hoegg. «On évite les foules et les aubaines sont essentiellement les mêmes», a-t-elle dit.

Certaines industries profitent d’une renaissance en ligne lors du Black Friday, selon M. Giesler, puisque les firmes technologiques ont la réputation d’offrir des aubaines «légendaires».

Les consommateurs qui veulent un Alexa d’Amazon, un système Hue de Phillips, un thermostat Nest ou d’autres technologies, dit-il, écument le web à la recherche d’aubaines du Black Friday.

«Je n’achèterai peut-être pas un téléviseur géant chez Best Buy, a-t-il expliqué, mais je vais peut-être visiter Amazon ou Nest ou Ecobee pour m’acheter un peu de technologie.»