Cindy Loyer… au-delà des apparences

Il y a près de vingt ans, Cindy Loyer ne jurait que par son apparence, évitait de sortir en raison d’un simple bouton au visage. Non seulement la femme de La Tuque a changé d’apparence, mais elle a aussi changé d’attitude. «J’ai appris à vivre avec ma transformation», a dit la femme de 40 ans.

Le témoignage, la fougue, la résilience de Mme Loyer a bouleversé la cinquantaine de femmes de l’Aféas du Centre-du-Québec ayant assisté à sa conférence à Victoriaville mardi.

Le 22 avril 1998, un accident de la route a fait basculer la vie de celle qui attirait, parfois à ses dépens, les «plus beaux hommes» et qui se prêtait à des séances photos, rêvant de mannequinat.

Elle a raconté sa vie d’avant où seul le «paraître» l’importait, n’hésitant pas à parler de ses trois années de toxicomanie dont elle s’était sortie six mois avant l’accident.

On la regardait brûler

Elle a décrit les circonstances de la collision sur la 155 à Mattawin.

Les premiers intervenants la croyaient morte, la regardant, impuissants et horrifiés, brûler dans sa voiture.

Lorsqu’ils l’ont vu bouger les bras, malgré les risques d’explosion, ils sont parvenus à la sortir de son auto, charriant de l’eau – grâce à une chaudière miraculeusement abandonnée en bordure de la chaussée -, coupant sa ceinture de sécurité avec un canif. «Trente secondes après m’avoir sortie, la voiture explosait!»

Brûlée au troisième degré sur 34% de la superficie de son corps, elle s’est comparée à une «saucisse oubliée sur le charcoal.

«On n’aurait pu dire quelle était, auparavant, la couleur de ma peau. J’étais noire, calcinée. Un traumatisme crânien sévère gonflait ma tête; mon visage avait la grosseur d’un ballon de football.» Défigurée, la belle jeune femme avait irrémédiablement perdu ses cheveux, ses oreilles. Son bras droit – elle est droitière – fracturé est resté soudé à 90 degrés. Tout son côté droit a d’ailleurs été brûlé; sous la force de l’impact, le moteur de sa voiture s’était retrouvé sur la banquette du passager.

Trois fois, elle est morte cliniquement. Pendant trois mois, on l’a maintenue dans le coma. «Ma mère a touché ma main et dit avoir senti que je m’en sortirais… et plus forte qu’avant. Elle avait raison.»

Depuis l’accident, elle a subi 64 opérations. Toutes différentes, pour débrider, pour greffer, pour lui redonner plus de mobilité. «Au début, ma bouche ne fermait pas… Faut souffrir pour être belle, m’avait toujours dit ma mère. Les opérations, je les ai toutes acceptées, parce que chaque fois, elles faisaient une différence.»

Elle a émergé du coma, confuse. Parlant, anglais – elle avait étudié dans une école anglophone – de ses quatre enfants… qu’elle n’avait pourtant pas. «Je ne veux plus revivre cela», a-t-elle dit évoquant l’épreuve qu’a été le sevrage de la morphine.

«Oui, j’ai pleuré»

«Oui, j’ai pleuré», a-t-elle dit lorsque, enfin, elle s’est extirpée de son lit d’hôpital malgré une hanche et une jambe fracturée pour aller déchirer le miroir qu’on avait dissimulé derrière un papier. Elle s’est d’abord examinée minutieusement, comme si elle voulait prendre la mesure de sa nouvelle apparence. «Je me suis demandé pourquoi cela m’arrivait, à 21 ans, après six mois d’abstinence.»

Elle affirme que ces moments d’apitoiement et de révolte n’ont pas duré longtemps, qu’elle s’est vite connectée à Dieu et que, automatiquement, elle a senti une paix l’envahir. «Je me suis dit que j’étais en vie, que j’avais tous mes membres, toute ma tête. Les brûlures, je ne peux les effacer. La vie continue.»

Et elle a ainsi continué, foncé même, affronté tous les regards. Certes, on lui en a jeté de toutes sortes. «On a craint qu’à ma sortie de l’hôpital – jusqu’à la Place Laurier à Québec – la «jungle» qu’est le monde se moque de moi. Je suis différente, oui.» Aux regards curieux, inquiets, voire affolés qu’on pose sur elle, elle réplique par un sourire ou un coup de tête, refusant de se laisser intimider.

Il lui arrive parfois de porter une perruque, des oreilles en silicone, des «gadgets», comme elle les appelle. «J’ai tout ça pour que ça paraisse moins… et mieux.» Elle a blagué en disant que ses oreilles – qu’elle avait déposées sur une table avec des photos – elle ne les portait pas toujours. «Je m’imagine plonger dans une piscine et devoir aviser tout le monde que je cherche mon oreille!»

Loin de se terrer, elle est retournée sur les bancs d’école pour se former en éducation spécialisée – un métier qu’elle aimerait pouvoir pratiquer à temps plein – a été choisie en 2006 porte-parole de la Fondation des pompiers du Québec, laquelle amasse des fonds pour soutenir les grands brûlés. La cause lui tient toujours à cœur et au cœur, s’étant fait tatouer le logo côté cœur.

Elle prononce des conférences un peu partout au Québec. L’an dernier, une autre épreuve l’a affligée, la mort de son conjoint, père des deux enfants qu’elle a eus en 2003 et en 2006.

Cindy Loyer dit faire ce qui la rend heureuse, à son rythme. «Aujourd’hui, les gens qui sont avec moi le sont pour ce que je suis, pas pour ce que j’ai l’air.»

À son auditoire touché par ses propos, elle a dit qu’elle avait choisi de se souvenir que «dans la vie, rien n’arrive pour rien; c’est toujours pour le mieux». Et elle se répète «je m’aime».

Les membres de l’Aféas sont restées sans voix, préférant se faire photographier en sa compagnie.