Camionneur et ultramarathonien, rien d’incompatible pour Serge Gosselin

VICTORIAVILLE. Il ne s’est pas levé un matin en se disant qu’un jour il deviendrait un ultramarathonien. Et, pourtant, le Victoriavillois Serge Gosselin vient de réaliser cet exploit, courir en continu l’équivalent de quatre marathons (160 kilomètres) dans les sentiers montagneux de Bromont.

Il s’est classé au huitième rang. Dans ce genre d’épreuve, ce n’était pas tant la position qui lui importait, que d’avoir pu la compléter!

Parce que la majorité des participants – surtout des hommes – ayant pris le départ (36), le samedi matin du 11 octobre, seuls 10 ont franchi le seuil de l’Ultra Bromont, première compétition du genre à s’organiser au Québec.

Il a couru du samedi matin au dimanche après-midi, de jour comme de nuit, s’arrêtant à quelques reprises pour boire et manger. «Ce serait, sinon, impossible.»

Il a calculé avoir perdu 15 200 calories ce jour-là et s’est trouvé chanceux d’avoir bon cœur et bonnes jambes. «Ce n’est qu’à la fin que j’ai senti du mal dans les cuisses et dans la bandelette du genou.»

À 50 ans, parmi les plus «vieux», Serge Gosselin était particulièrement content de lui. «Quand j’ai su qu’il y avait un ultramarathon au Québec, je me suis inscrit. Ça faisait au moins trois ou quatre ans que je pensais à une compétition de ce genre, mais je n’en parlais pas.»

Il refuse toujours de se considérer comme un athlète, même si, en dix ans d’entraînement, il en a l’allure et l’élan. Il faut voir des photos de lui avant 2004 pour jauger la métamorphose.

Camionneur de métier

Camionneur depuis vingt ans, Serge Gosselin dit que son virage santé, il l’a fait graduellement, «pas à pas», pourrait-on dire.

L’idée de s’entraîner et de manger mieux s’est imposée, presque d’elle-même, sans qu’il se fixe d’objectifs en termes de performances ou de perte de poids. Ses prouesses, pourtant, se chiffrent… et le pèse-personne en témoigne. L’homme de 5 pieds 11 pouces pèse 175 livres, 40 de moins qu’il y a dix ans.

À un certain âge, dit-il, on s’aperçoit qu’à négliger son alimentation et à ne pas bouger, on prend facilement trois livres par an.

Il dit que le travail de camionneur, mais pas que celui-là, n’incite pas son monde à bouger beaucoup non plus qu’à bien s’alimenter. «Il y a des camionneurs qui mangent n’importe quand, parce que c’est facile de le faire quand on conduit. Il y en a d’autres qui ne mangent que dans les trucks-stops. Quand on mange dans les restaurants tous les jours, on est déjà dans le trouble.»

Lui appartenait à ce groupe s’alimentant à des heures irrégulières, sautant parfois carrément des repas… pour s’empiffrer juste avant la nuit. «Aujourd’hui, j’apporte mes lunchs, déjeune, dîne et soupe à des heures régulières.»

Il dit que l’aiguillon de son virage santé lui est venu de toutes parts. D’un gars comme Éric Pépin avec qui il a commencé à faire du vélo de montagne. De toutes les infrastructures et compétitions que Victoriaville organise, le Grand Défi, le Bonjour Printemps, le Triathlon. «Et on a un maire actif», ajoute M. Gosselin, parlant d’Alain Rayes.

Les infrastructures, les occasions, le plaisir de faire de l’activité physique avec un groupe d’amis, tout cela crée, pour lui, un effet d’«entraînement», c’est le cas de le dire.

Serge Gosselin répond «oui» aux invitations qui lui sont lancées, l’été, par son groupe d’amis Facebook, pour de longues randonnées de trois ou quatre heures à vélo. Et il ne se laisse pas rebuter par les conditions météorologiques pour aller courir, au moins trois fois par semaine pendant l’été.

Il a pu intégrer ses activités physiques à son travail qui le mène toutes les semaines vers les États-Unis. Parti pour quatre jours, il repère les sites où il lui sera possible de prendre sa douche une fois qu’il aura couru pendant près d’une heure.

Génétiquement chanceux

Il souligne qu’il est génétiquement chanceux et qu’il jouit d’une bonne santé. «Certains doivent faire un virage en raison d’une maladie. Moi, ce n’est pas une crise de cœur, par exemple, qui m’a obligé à me mettre en forme. Et je n’ai jamais eu l’impression que je faisais des sacrifices en modifiant mon alimentation.»

Père de quatre enfants (de 16 à 27 ans), grand-père de deux petits-enfants, Serge Gosselin n’essaie pas de convaincre ses proches ou ses collègues de courir un ultramarathon. Il sera content de servir de modèle pour ses enfants. «Je ne crois pas que les parents fumeurs encouragent leurs enfants à ne pas fumer…» Quant à des collègues qui lui demanderaient conseil, il leur dirait d’y aller graduellement aussi. Qu’il n’est pas si difficile d’embarquer une caisse de bouteilles d’eau plutôt qu’une caisse de Pepsi.

Il ajoute que grâce à une alimentation saine et l’activité physique «je n’arrêterai pas le temps, mais je ralentirai mon temps et je pourrai voir mes enfants et petits-enfants plus longtemps». Il ne s’est pas fixé d’autres objectifs à atteindre. Il s’élancera peut-être vers un autre Ultra Bromont. Mais pour cela, précise-t-il, «il faut que le squelette suive!».