Au tour des groupes communautaires de faire la «grève»

GRÈVE. L’austérité, c’est le four qu’on a éteint avant même que le plat soit cuit. C’est le cadenas qu’on met sur le porte-monnaie. Au-delà des métaphores d’Isabelle Voyer, coordonnatrice de la Sécurité alimentaire, les mesures d’austérité du gouvernement libéral auraient des incidences multiples sur les organismes communautaires, sur leur financement, sur les services qu’ils dispensent, sur leur survie même.

Et c’est pour réclamer du gouvernement qu’il pose un regard «honnête» sur ce qu’ils font et ce qu’ils valent, comme l’a expliqué Chantal Charest, directrice générale de la Corporation de développement communautaire des Bois-Francs (CDCBF), que des travailleuses et travailleurs d’organismes ont fait la «grève» lundi matin devant la Place Rita-Saint-Pierre.

«On est 1200 groupes communautaires au Québec en arrêt d’activités aujourd’hui et demain pour protester contre notre sous-financement chronique», a expliqué Mme Charest.

À Victoriaville, la grève sociale ne devait durer que deux heures lundi, entre 9 et 11 heures, les «services essentiels» étant maintenus, ceux qu’offrent Roulibus, la Sécurité alimentaire et la cuisine du Restaurant populaire.

Chantal Charest estime que pour une simple mise à niveau, il faudrait que le gouvernement réinvestisse au moins 300 millions $ dans les organismes du Québec.

Certains groupes ont dû encaisser des coupes, comme les Services intégrés pour l’emploi (SIE), organisme d’employabilité pour les femmes. La directrice générale Annie Perreault parle de la coupe de 45 000 $ infligée par le Secrétariat à l’action communautaire et aux initiatives sociales. «Depuis juillet, nous n’avons plus d’intervenante psychosociale pour notre clientèle.»

Plusieurs organismes sont affectés par le sous-financement comme l’Association des locataires des Bois-Francs. Caroline Moreau explique que son budget n’a pas été indexé depuis dix ans. En février dernier, l’Association a failli mettre la clé dans la porte parce qu’elle n’avait aucune nouvelle du gouvernement du Québec et que le financement tardait. Finalement, le gouvernement a convenu d’un protocole d’entente de 18 mois. «Qui se termine en mars 2016. On ne sait pas ce qu’il adviendra de nous par la suite.»

Plusieurs organismes ont dû restreindre leur horaire de travail de sorte qu’un client doit parfois attendre jusqu’à deux semaines pour obtenir un rendez-vous.

Elle poursuit en disant que c’est la survie des organismes de défense de droits comme l’Association des locataires, l’ACEF, l’Association des groupes d’éducation populaire autonome, l’Association des sans-emploi qui est à l’enjeu. «Par nos activités d’analyse politique, de mobilisation sociale, de représentation et d’éducation populaire, c’est sûr qu’on dérange. Mais nous sommes les chiens de garde de la démocratie.»

Mme Moreau ajoute que la «pression», elle la sent alors qu’elle a commencé à recevoir des travailleurs incapables de payer leur loyer.

À la Sécurité alimentaire, Isabelle Voyer accueille aussi des gens désespérés, comme cet homme qui aurait besoin d’entreprendre une thérapie, mais qui refuse de le faire parce que son chèque d’aide sociale sera coupé.

Si les organismes de défense de droits disparaissent, Mme Voyer prédit que de plus en plus de gens en détresse frapperont à la porte d’autres organismes qui n’ont pas développé l’expertise pour les accueillir.

C’est la première fois en plus de dix ans que la Sécurité alimentaire affiche un déficit, déplore-t-elle. «Notre autofinancement est de 65% et nous passons beaucoup de temps en levées de fonds. Heureusement que Victoriaville nous supporte.»

Chantal Charest conclut en regrettant que le gouvernement libéral ne se soit pas approprié cette promesse du Parti québécois d’augmenter le financement des groupes communautaires.