Agressions sexuelles et violence conjugale : un forum plus que nécessaire

Pas moins de 400 personnes participent aujourd’hui (jeudi), au Centre des congrès de l’Hôtel Le Victorin de Victoriaville, au 14e Forum agressions sexuelles-violence conjugale organisé par le comité intersectoriel en matière d’agressions sexuelles et de violence conjugale et le Centre intégré universitaire de santé et des services sociaux de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec (CIUSSS MCQ).

L’événement, qui d’ailleurs se déroule en plein cœur de la Semaine des victimes et survivantes d’actes criminels, réunit des intervenants d’organismes communautaires, des instances gouvernementales, du réseau de santé et de services sociaux, de maisons d’hébergement, de même que des représentants de corps policiers. Le forum propose une dizaine de conférences. « Une programmation chargée et à la fois stimulante », a souligné celle qui agit comme maître de cérémonie, Sophie Bergeron, criminologue et coordonnatrice à l’implantation du tribunal spécialisé en matière de violence conjugale et sexuelle.

« L’importance et la pertinence de cet événement ne sont plus à prouver. Les statistiques parlent d’elles-mêmes », a signalé, dans son mot d’ouverture, la présidente-directrice générale adjointe du CIUSSS MCQ, Nathalie Boisvert. Ainsi, au cours de sa vie, une femme sur trois et un homme sur six subiront au moins une agression sexuelle. 

En 2022, au Québec, pas moins de 14 femmes ont perdu la vie dans un contexte de violence conjugale. Et au cours des 10 dernières années, 464 crimes relatifs aux homicides et aux tentatives de meurtre ont été commis dans un contexte conjugal au Québec. « Vous savez mieux que quiconque que ces drames ont des conséquences qui peuvent perdurer sur des années pour les victimes et leur entourage. Notre engagement envers la prévention de ces violences est plus nécessaire que jamais », a fait valoir Mme Boisvert, tout en précisant qu’il est primordial de continuer à mettre en place des actions en ce sens en collaboration avec tous les partenaires.

La PDG adjointe du CIUSSS MRC a salué tous ces conférenciers et conférencières aux parcours variés et qui sont tous investis au quotidien afin d’enrayer les agressions sexuelles et la violence conjugale. « Je vous remercie de partager vos compétences et votre expérience avec nous. Les multiples sujets abordés lors du forum démontrent bien le dévouement des différents intervenants qui tissent la toile du filet de sécurité des personnes aux prises avec cette réalité. Votre participation nous permettra de partager nos connaissances et d’unir nos forces afin d’échanger sur des pistes de solution. Nous nous inspirerons ainsi mutuellement pour vivre de meilleures pratiques au quotidien dans nos milieux. Merci à tous de faire la différence », a-t-elle conclu.

Différents thèmes

Le forum aborde le sujet des agressions sexuelles et de la violence conjugale sous de nombreux aspects. Du bracelet antirapprochement à l’évolution de la concertation en violence conjugale au Québec en passant par la violence chez les personnes trans binaires et non binaires, les enjeux entourant la reconnaissance des hommes hétérosexuels subissant la violence, la récidive des adolescents et la distinction entre la violence conjugale et la maltraitante, les thèmes traités sont nombreux.

Le forum a pris son envol avec les conférencières Céline Rossini et Karine Barrette au sujet du contrôle coercitif en contexte de violence conjugale. Comme cela s’est fait ailleurs dans le monde, dont au Royaume-Uni et en Écosse, des démarches sont en cours au Québec, ont-elles noté, afin de criminaliser le contrôle coercitif qui se fait invisible et insidieux. Empruntant l’image de l’iceberg, Céline Rossini a expliqué que le contrôle coercitif est l’aspect non émergé, invisible. « Si on ne le dépiste pas assez tôt, les acteurs auront une vision erronée de la situation. Il existe des boîtes à outils pour permettre un dépistage et ensuite mettre en place un filet de sécurité », a-t-elle exposé.

Insidieux, invisible, le contrôle coercitif n’a qu’un seul but : contrôler, rendre dépendante la victime et la priver de sa liberté. « Ses effets sont dévastateurs parce que ce sont des actes qui se répètent dans le temps », a confié la conférencière.

Les personnes exerçant un contrôle coercitif n’hésitent pas à humilier les victimes, à les surveiller constamment, à les harceler. « Ce sont de grands manipulateurs. Ils sèment le doute dans l’esprit des victimes, les coupent de leurs réseaux sociaux, professionnels. Ils peuvent les empêcher de sortir de la maison, d’avoir un cellulaire. Et le harcèlement s’amplifie après une séparation, ce qui conduit à des situations à haut risque. », a-t-elle souligné. Le contrôle coercitif comporte différentes formes de violence : physique, sexuelle et économique. Cette dernière forme y est omniprésente.

La conférencière invite à voir autre chose que la pointe de l’iceberg et à considérer l’invisible, les manifestations que prend le contrôle coercitif.

Et les impacts sont importants : perte d’identité et de confiance, hypervigilance, isolement, sentiment de ne jamais pouvoir échapper au conjoint, sentiment d’être pris en otage. Et les enfants aussi sont victimes du contrôle coercitif. « Ils n’ont pas besoin d’être directement témoins d’épisodes de violence pour en subir les conséquences. Ils vont grandir dans un climat de tension qui va affecter de façon quotidienne leur bien-être », a fait remarquer Céline Rossini. Aux intervenants, Karine Barrette leur a parlé du savoir-être, de l’attitude à adopter avec les victimes, de l’importance de se placer dans un mode d’accueil, d’écoute et de non-jugement. « Il faut savoir que personne n’est à l’abri de ça. On n’a pas nécessairement le contrôle sur toutes les conclusions pouvant survenir aux victimes, mais on l’a certainement sur l’attitude qu’on peut avoir envers elles », a-t-elle soutenu, ajoutant que les intervenants n’ont pas à tout supporter sur leurs épaules. « S’il faut un village pour élever les enfants, ça prend aussi un village pour accompagner les victimes. Il y a des gens qui ont des expertises complémentaires à la vôtre », a-t-elle noté.

La conférencière a rappelé aussi l’importance du réseau des maisons d’aide et d’hébergement, des ressources gratuites et confidentielles et qui s’adressent aux victimes de toutes formes de violences et de contrôle coercitif. « C’est vraiment un milieu enveloppant et soutenant. Différents services y sont offerts. » Karine Barrette s’est réjouie, en terminant, de constater le grand nombre de participants au forum. « Vous provenez de différents secteurs. Et on détient tous des pièces du casse-tête qu’on peut mettre ensemble pour assurer un meilleur filet de sécurité. Ce n’est pas parce que ce n’est pas encore criminalisé que le contrôle coercitif n’a pas d’impacts. »