À la découverte du Jardin aux quatre vents

Vicky Champagne s’y connaît en agriculture, elle qui a grandi sur une ferme laitière à Saint-Jean-de-Bréboeuf près de Thetford Mines. Aujourd’hui, bien installée depuis 2013 sur une propriété du rang 11 à Saint-Christophe-d’Arthabaska, elle privilégie la permaculture.

« L’agriculture traditionnelle, la monoculture, je trouve que ça appauvrit les sols. Il y a trop d’intrants, trop de choses, les engrais chimiques, les fertilisants, les arrosages pour détruire les insectes et tout », fait-elle remarquer.

Différentes lectures notamment l’ont menée vers la permaculture. Un film aussi intitulé « Tout est possible » ou en anglais « The little big farm ». »Il m’a profondément inspirée, car, en sept ans, en partant d’une terre polluée, sèche et aride, ils en ont fait une terre de toute beauté où tout a repris vie », souligne-t-elle.

La nature est intelligente, observe Vicky Champagne. « C’est ce qui m’intéresse dans la permaculture. La nature a toujours existé. Elle était là avant nous. La nature est capable de s’autoréguler. Les principes éthiques de la permaculture, c’est prendre soin de la terre, de l’humain, de réguler et de partager de façon équitable », note Vicky qui a suivi une formation en permaculture en Gaspésie.

« Un enseignant nous a expliqué qu’aussitôt que nous touchons à quelque chose, on finit par impacter autre chose puisque tout est interrelié. C’est cela la biodiversité, expose-t-elle. Voilà pourquoi l’humain doit limiter ses interventions. Il faut qu’il y ait le moins d’interventions humaines possible. »

La permaculture constitue une forme de culture permanente. « Au lieu de faire comme un jardin habituel où on recommence chaque année avec le rotoculteur, nous aménageons des buttes autofertilisantes. Le jardin, en fait, on le travaille une fois, explique Vicky Champagne. Ensuite, il reste en butte et il n’y a plus d’intervention humaine. On laisse la synergie s’opérer avec les bactéries, les champignons et toute la vie va revenir. »

Un tel jardin est aussi appelé, dit-elle, le jardin des paresseux. « On le fait une fois comme il faut et ensuite, on n’a qu’à l’entretenir. On n’a qu’à rajouter des feuilles, à effectuer un peu de désherbage au début. C’est vraiment facile à gérer, assure Vicky Champagne. Il n’y a pas de perte de contrôle comme on avait avant avec nos planches. »

C’est donc ce que la résidente de Saint-Christophe-d’Arthabaska a fait chez elle, sur une portion de sa terre de 240 acres. Elle l’a appelé le Jardin aux quatre vents. Elle a commencé seule par un premier jardin en 2020. « L’année suivante, j’ai rencontré deux connaissances devenues deux bonnes amies. Deux personnes qui habitaient la ville. Je leur ai offert, comme propriétaire du terrain, de partager avec eux une parcelle de terre. Elles ont été enchantées de ça », confie-t-elle. 

Depuis, quatre autres personnes ont joint le groupe composé maintenant de sept membres.

« Avec la permaculture, on crée un écosystème de A à Z. Quand on a commencé, il n’y avait pratiquement pas d’abeilles, pas de grenouilles. Il n’y avait pas de vie, se souvient-elle. Mais depuis qu’on a commencé ce genre de jardin, la vie reprend. On a aménagé des plans d’eau, ce qui fait qu’on y voit maintenant des oiseaux, des grenouilles, des couleuvres. On a beaucoup moins de limaces. Les oiseaux viennent manger des insectes et on a plus de pollinisateurs parce qu’on a implanté des plantes médicinales, des fleurs et des fruits. Cela permet d’attirer tous nos alliés, tous nos pollinisateurs pour réaliser le travail de fertilité, d’où l’appellation de jardin autofertile. »

S’il faut environ cinq ans pour l’atteinte du plein potentiel, les impacts positifs se font déjà sentir en un an.

Sur les buttes aménagées pour la culture, le groupe y place des feuilles qui viendront nourrir les champignons, les vers de terre et les bactéries que Vicky appelle « nos alliés ».  « Le bon couvert de feuilles d’érable permet aussi de garder le sol humide. Cultiver de cette façon, c’est intelligent parce qu’on n’a pas besoin d’arroser, observe-t-elle. On pourrait connaître trois semaines de canicule sans aucun problème. »

Avec les buttes, les pluies abondantes n’affectent pas la culture qui se trouve surélevée.

Vicky et son groupe ont également prévu des boîtes à chauves-souris, de même que des nichoirs pour les oiseaux de proie. « Parce que l’an passé, on avait beaucoup de petites taupes. On se doit d’inviter nos alliés à venir créer l’écosystème. Pour cela, il leur faut des conditions propices pour que tout se mette en place comme il faut », mentionne-t-elle.

Le partage d’une expérience enrichissante

Leur expérience, Vicky et ses acolytes Manon, Noëlla, Guylaine, Marcel, Gilbert et Guy souhaitent la partager. « On veut dire aux propriétaires de terres à quel point l’expérience est enrichissante pour tous, tant pour le propriétaire que pour les personnes n’ayant pas cette chance de posséder un petit coin comme ça. On favorise ainsi l’autonomie locale. Ça nous permet d’avoir des produits frais. Nous transformons également nos produits. On fait cela ensemble. Ça nous permet de tisser des liens », fait-elle valoir.

Pour Vicky Champagne, le véritable bonheur repose sur la qualité des liens qu’on tisse ensemble. « C’est ce que le Jardin aux quatre vents nous permet de faire. D’avoir des échanges enrichissants, d’avoir aussi à faire face à de petits défis et d’être en mesure de les relever ensemble. »

Les citadins, qui ne disposent pas de grands terrains, peuvent à leur mesure s’adonner à la permaculture. « On peut planter en hauteur avec les tuteurs », confie-t-elle.

Vicky Champagne ne cache pas son désir, sa soif de partager ses connaissances, d’où la tenue de journées portes ouvertes et la page Facebook Jardin aux quatre vents.

En août 2023, malgré le mauvais temps, pas moins de 100 personnes avaient répondu à l’invitation. « Cela nous est tellement demandé qu’on en tient une autre les 15 et 16 juin avec des conférences notamment au programme », précise la propriétaire.

Activité-bénéfice

Toutes les personnes intéressées par ce concept de permaculture sont conviées, le dimanche 17 mars, à un dîner-spectacle qui se tiendra au Complexe Dupré de Princeville.

Réjean Roy, un homme, qui s’y connaît en la matière, prononcera une conférence sur la permaculture et répondra aux questions de l’auditoire.

« Nous pourrons aussi témoigner de notre expérience, mentionne Vicky. On est en train de produire des plans pour expliquer ce qu’on veut faire comme améliorations. On va tout expliquer. »

Les gens peuvent se présenter dès 11 h. Les allocutions débuteront à 13 h suivie de la conférence de Réjean Roy. Par la suite, on fera place à un spectacle musical avec Stéphane Bergeron. « Il s’agit d’une activité d’autofinancement, car on réinvestit tout dans le jardin. On veut réinvestir l’argent pour rendre le jardin encore plus efficace, fonctionnel, avoir des installations finalement pour bien recevoir les gens », fait savoir Vicky Champagne.

Il est question entre autres de l’aménagement d’une petite serre afin de pouvoir cultiver l’hiver.

Le Jardin aux quatre vents souhaite recevoir des groupes scolaires sur ses terres. « Il est important d’inculquer les notions aux enfants pour que tous sachent que chacun a son rôle à jouer. On a tous besoin les uns les autres, plaide Vicky. Tout est important, la limace, les vers, les microbes, les champignons. Ce qu’on pense qui peut être nuisible produit aussi des bienfaits. Un de mes profs disait : laissez faire la nature, vous verrez qu’elle va se replacer et s’équilibrer. »