1 M $ pour faire des «garde-manger vivants» avec les surplus de poissons

Après plusieurs semaines de négociations et la mort de 32 tonnes de poissons, les gouvernements fédéraux et provinciaux accordent finalement une aide d’urgence aux pisciculteurs du Québec afin que leurs surplus puissent être ensemencés dans les plans d’eau publics.

Le projet de «garde-manger vivant» des producteurs, qui doivent composer avec de nombreux surplus cette année en raison d’une importante diminution de leurs ventes, a ainsi finalement trouvé écho auprès des gouvernements. Des sommes de 408 000 $ et de 612 000 $, respectivement octroyées par le provincial et le fédéral, ont été annoncées ier matin par le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs du Québec, le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec et le ministère de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire du Canada. 

Pour Normand Roy, président de la Table filière de l’aquaculture en eau douce du Québec (TFAEQ) et propriétaire de la ferme piscicole des Bobines, l’ouverture dont ont fait preuve les gouvernements quant à cette problématique est «la plus belle nouvelle de la journée», même si cette contribution est deux fois inférieure à la somme initialement demandée. 

«Marie-Claude Bibeau, la ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire du Canada, a quand même eu une oreille attentive à l’égard des pisciculteurs québécois, même s’ils ne relèvent pas de son ministère, dit celui qui rappelle que les aquaculteurs sont plutôt considérés comme des pêcheurs au niveau fédéral. Les gouvernements ont trouvé quand même une façon de livrer la marchandise. C’est certain qu’ils n’ont pas demandé le montant qu’on demandait, mais on respecte ça. Ça a été de longues négociations.» 

«Maintenant, la balle est dans le camp des producteurs, ajoute-t-il. Ce sont eux qui auront à décider ce qu’ils font avec le montant accordé.» 

Rappelons que l’Association des aquaculteurs du Québec (AAQ) et la Table filière de l’aquaculture en eau douce du Québec sonnent l’alarme depuis le mois d’avril. Les principaux clients du marché de l’ensemencement, les pourvoiries, ont été nombreuses à réduire ou à annuler leurs commandes en raison de la pandémie ce printemps, alors que cette période est normalement cruciale pour l’industrie.

L’annulation de la Fête de la pêche cette année, qui représente habituellement un revenu de 450 000 $ pour les producteurs aquacoles — dont 300 000 $ provient normalement du ministère de la Forêt, de la Faune et des Parcs — a frappé d’autant plus fort, témoigne M. Roy.

Dans La Tribune du 19 juin, ce dernier confiait craindre le pire alors que les journées chaudes se faisaient de plus en plus nombreuses et intenses. Il dénombrait alors 200 tonnes d’omble de fontaine à écouler dans toute la province. 

Une partie des poissons auraient ensuite pu être vendus depuis la réouverture des pourvoiries, tandis qu’une trentaine de tonnes a péri en raison de l’entassement dans les bassins et des grandes chaleurs. 

Les modalités du programme, comme les plans d’eau qui seront ensemencés et les délais de réalisation du projet, ne sont pas encore connues. 

Ce genre d’opération est d’autant plus complexe, précise d’ailleurs M. Roy. «C’est plus difficile, parce qu’on vit encore une canicule. Il faudra faire les bons choix pour pas qu’il n’y ait de mortalité massive dans les cours d’eau. L’idéal, si on avait voulu régler tous ces dossiers-là, ça aurait été de le faire en juin.»

Un programme d’indemnisation? 

Si la totalité de la contribution du gouvernement n’est pas utilisée pour l’ensemencement, M. Roy souhaiterait que l’argent serve à compenser les pertes déjà encourues chez les éleveurs de poisson.

Il souhaiterait également que les gouvernements se montrent ouverts à la création d’un fonds d’indemnisation pour les producteurs piscicoles afin de minimiser les impacts financiers sur ces petites entreprises si une telle situation se reproduisait. 

«Ça va être urgent de doter les pisciculteurs d’un programme de stabilité des revenus au même titre que les agriculteurs du Québec, plaide-t-il. Je pense que la porte est ouverte pour qu’on ait accès à des programmes comme Agri-stabilité et Agri-Québec Plus, qui sont offerts par la Financière agricole du Québec. En ayant accès à ces programmes-là, l’aide d’urgence serait donnée en fonction de la situation financière de chacune des fermes, tandis qu’en ce moment, on reçoit une aide générale.»

La Tribune