Vers l’agriculture circulaire, l’agriculture du futur

Depuis environ une année s’est entamé un projet de recherche pour produire, à partir de matières résiduelles, des insectes décomposeurs, destinés à l’alimentation animale.

C’est la Cité de l’innovation circulaire qui met en relation les différents acteurs et chercheurs de cet ambitieux sujet de recherche qui intègre une chaîne de valeur circulaire impliquant le concept de biométhanisation, l’élevage d’insectes et la production de microalgues.

Nicholas Fecteau, conseiller au développement de stratégies durables et circulaires à la Corporation de développement économique Victoriaville et sa région (CDEVR), qui a piloté la conception et la mise en œuvre du projet de zone d’innovation, a indiqué, d’entrée de jeu, que ce projet exploratoire venait en complément au modèle actuel. Il y a en effet, déjà en marche, certaines initiatives pour valoriser les rejets de la biométhanisation dans les champs, de la culture de microalgues et de plus en plus de production d’insectes.

Le projet dont il est question, de son côté, se résume bien par son titre : Valorisation circulaire des digestats solides et liquides de biométhanisation par la production de microalgues et l’élevage de larves d’insectes décomposeurs comestibles. Il s’agit donc d’un concept de bioéconomie circulaire locale, à circuit court, qui propose une symbiose industrielle révolutionnaire, selon les dires des principaux acteurs.

Ce qui le différencie des autres initiatives du genre, c’est qu’on vise à réaliser les trois activités sur un même territoire, un même parc industriel ou un même site. Pour ce faire, un consortium d’entreprises et d’universités s’unit pour explorer la combinaison agricole.

On y retrouve ainsi Simon Barnabé, directeur de la Chaire de recherche municipale pour les villes durables de la Ville de Victoriaville, Grant Vandenberg, directeur du Groupe de Recherche en Recyclage Biologique et Aquaculture (GREREBA), Marie-Hélène Deschamps, notamment titulaire de la Chaire de leadership en enseignement en production et transformation primaire d’insectes comestibles, Kokou Adjallé, codirecteur scientifique du laboratoire de biotechnologies environnementales de l’INRS, Céline Vaneeckhaute, directrice de l’Équipe de recherche sur l’ingénierie des procédés verts et des bioraffineries à l’Université Laval, Marc-André Déry, chercheur chez Innofibre-CCTT en technologies environnementales, Nutrimago, startup née du désir de Frédéric Marier d’offrir une nouvelle source de protéine durable pour l’alimentation animale, les complexes locaux de biométhanisation, la Coop carbone et finalement la Cité de l’innovation circulaire. Plusieurs intervenants donc réunis dans un même métaprojet.

Circulaire

La biométhanisation, déjà bien en place dans certains milieux, décompose la matière organique, mais génère toutefois des sous-produits dont la gestion est coûteuse. Il s’agit de digestats solides et liquides. Les solides, selon le projet d’étude, pourraient être intégrés au régime alimentaire des insectes qui eux, par la suite, sont donnés comme nourriture aux animaux de la ferme qui, de leur côté, fournissent les fumiers et lisiers qui alimentent, complétant le cercle, les centrales de biométhanisation.

Une autre boucle du circuit inclut le biogaz, dont le CO2 peut être utilisé pour la production de microalgues, de même que la partie liquide des digestats (de la biométhanisation), qui sera source de carbone inorganique supplémentaire pour les larves d’insectes comestibles.

Une partie des microalgues pourrait également être conditionnée en une pâte thermoformable utilisée afin de fabriquer des contenants 100% compostables. Pour aller encore plus loin, comme si c’était possible, les exuvies d’insectes (qui sont les restes d’exosquelettes) pourraient également être introduites dans la pâte tel un additif permettant d’accélérer sa décomposition. Finalement, le frass des insectes (déjections, mues, etc.) a un fort potentiel comme produit fertilisant, amendement de sol ou intrant pour la fabrication du compost.

Si l’économie circulaire vise le plus possible le « surrecyclage » des matières, le projet ici décrit rejoint parfaitement cet objectif. « Il y a plusieurs chemins possibles et des entreprises s’y intéressent », indique Nicholas Fecteau.

Bien entendu, il reste encore beaucoup de travail et d’études à faire avant de voir, au même endroit, les trois productions se compléter, s’entremêler, au bénéfice de tous. En effet, les avantages sont nombreux à cette agriculture du futur. Elle implique une amélioration de la qualité de l’eau (grâce aux microalgues), la réduction de l’utilisation de plastiques pour l’emballage (avec la pâte de microalgues) ou le développement économique (avec des nouvelles entreprises vertes).

L’élevage d’insectes est également une avenue à considérer sérieusement. En effet, plutôt que de donner aux animaux de la ferme des aliments cultivés de A à Z, l’utilisation d’insectes a des avantages non négligeables. La population mondiale augmente, tout comme la demande en protéines animales. Suivra donc, immanquablement, une augmentation des prix et des enjeux en ce qui concerne la sécurité alimentaire. Ainsi, la valorisation du digestat liquide et solide provenant de la biométhanisation, au bénéfice de la production d’insectes, se veut une solution verte qui, comme le souligne Nicholas Fecteau, vient s’arrimer aux besoins du milieu. « L’agriculture du futur, ce n’est pas que l’ultra-technologie », fait-il valoir. En effet, la biométhanisation, la culture algale et la production d’insectes sont des procédés biologiques primaires. « L’innovation, c’est le maillage, l’ouverture à la créativité, le tout complémentaire avec ce qui existe déjà », conclut-il.