Sauver le papillon monarque un à la fois

À la Maison de fin de vie Marie-Pagé qui a pour emblème le papillon monarque, les bénévoles ont adhéré à cette initiative de sauver ce papillon en déclin. Pour cette deuxième année, pas moins de 453 papillons ont été rescapés.

Tout a commencé, raconte la directrice générale Nathalie Provencher, avec une bénévole Nathalie Faucher qui lui a un peu transmis sa passion. Elle-même avait été initiée par Yolaine Rousseau, une experte dans le domaine. « Martine a commencé ça chez elle, m’en a parlé et j’ai voulu le faire aussi. Je savais qu’il y avait de quoi de beau à faire avec les résidents », confie-t-elle.

Ça a commencé lentement l’an dernier, puis ça a fait boule de neige. « Plusieurs bénévoles, mais aussi des employés, se sont lancés dans la sauvegarde des papillons monarques. Ça me parlait beaucoup parce que le papillon monarque est notre emblème ici à la Maison Marie-Pagé », souligne Nathalie Provencher.

L’aménagement d’un jardin figure dans les plans l’an prochain. « On veut aménager un jardin d’asclépiades, la plante où l’on retrouve les œufs des monarques », indique la directrice générale.

L’œuf constitue le point de départ pour sauver un monarque. Trouver l’œuf n’est pas toujours une mince affaire. « Juste trouver les œufs, c’est une aventure », témoigne une bénévole. « C’est méditatif », ajoute une autre. « C’est tellement plaisant quand tu en trouves un, car ils sont rares », renchérit Nathalie Provencher.

La chenille du papillon monarque se nourrit seulement de l’asclépiade, une plante que l’on retrouve souvent le long de la piste cyclable et le long des fossés, notamment. « Il faut d’abord trouver l’œuf que la femelle dépose sur la feuille de l’asclépiade. On les garde ensuite jusqu’à la naissance des chenilles qui deviennent ensuite chrysalides, puis monarques. Ce processus s’échelonne sur environ un mois », explique Mme Provencher.

De quoi faire le bonheur de tous les résidents. Nathalie, la directrice générale, en garde dans son bureau. « Dès que le papillon éclot, on l’apporte au résident dans sa chambre. On le sait quand ils vont éclore parce que le cocon devient noir. On l’amène alors dans la chambre pour l’éclosion en présence du résident. On a des histoires merveilleuses avec les familles », confie-t-elle.

Il y a aussi toute une symbolique avec le papillon, note la bénévole Martine Faucher. « Je trouve que le processus symbolise bien la naissance et la mort, de l’œuf jusqu’à l’éclosion du papillon monarque représentant la transformation, la vie spirituelle, exprime-t-elle. Il est arrivé à Nathalie de parler à une grand-maman, à sa fille et à sa petite-fille et leur expliquer la mort avec cette symbolique. C’est très significatif ici pour la Maison. »

Il est possible, note Nathalie Provencher, de garder le papillon deux ou trois heures parfois dans les chambres. « Ça permet aux résidents de pouvoir s’émerveiller. Comme je le dis souvent, cela vaut bien un médicament le temps de l’émerveillement. Il y a une signification pour eux, la naissance du papillon, sa transformation », exprime la directrice générale.

À défaut du cocon, le papillon lui-même est parfois apporté dans la chambre du résident pour qu’il l’ait avec lui quelques heures. Si son état de santé le lui permet, le personnel de la Maison l’amène à l’extérieur pour libérer le monarque.

« Il arrive qu’on le libère au décès et la famille procède à l’envol », note Nathalie Provencher qui salue, au passage, l’engagement de Yolaine Rousseau pour son soutien, elle à qui l’on doit l’aménagement d’un espace pour les papillons monarques au parc Ginette-Genois.

L’importance de la biodiversité

Depuis plusieurs années, Yolaine Rousseau, qui possède une formation scientifique, sensibilise par des ateliers-conférences à l’importance du papillon monarque, une espèce menacée d’extinction.

« Je sauve des papillons aux abords de la piste cyclable, par exemple, aux endroits où ça va être coupé, piétiné. Mon effet papillon se répand un peu partout au Québec. La biodiversité et l’environnement me tiennent à cœur », plaide-t-elle, tout en signalant justement que l’asclépiade dont a besoin le papillon monarque est une plante avec une grande biodiversité. « Il s’agit donc d’une plante  tellement importante à protéger. Le papillon monarque se trouve à donner un coup de pouce pour tous les autres insectes, donc pour toute la biodiversité », fait valoir la scientifique.

Malheureusement, de nos jours, cette plante que l’on trouvait en abondance se fait moins présente en raison notamment du développement urbain, des pesticides et herbicides utilisés en agriculture et de la monoculture. « Quand on ne cultive qu’une seule essence, il n’y a jamais de prairie, jamais autre chose, ce qui enlève toute chance aux asclépiades », indique un bénévole de la Maison Marie-Pagé.

Les papillons monarques quittent le Québec vers la fin de septembre pour émigrer vers le Mexique avant de revenir en juin.

Yolaine Rousseau fait savoir qu’il faudrait replanter un milliard 700 millions de plants d’asclépiades communes dans la trajectoire migratrice du papillon monarque parce que les dernières nouvelles ne sont guère réjouissantes. « Si on ne fait rien, dit-elle, il va disparaître. Les derniers communiqués cet été sont assez alarmants. Il est déclaré en voie totale d’extinction. »

Mais la Victoriavilloise refuse d’abdiquer, bien au contraire. « Mon objectif, c’est de redonner à la nature ce qu’on lui a enlevé, précise-t-elle. Voilà pourquoi j’ai commencé bénévolement à faire des platebandes, ici, à la Maison Marie-Pagé, avec l’asclépiade incarnate. C’est aussi cette variété que j’ai demandée à la Ville pour que tout le monde puisse la planter dans leur platebande parce qu’elle ne va pas se multiplier comme l’asclépiade commune. Ainsi, tout le monde, tous les citoyens, peuvent poser un petit geste pour redonner à la nature ce que nous lui avons enlevé. »

Yolaine Rousseau se réjouit de constater qu’après l’ouverture manifestée par la Ville de Victoriaville, les initiatives se répandent. « Au Québec, c’est en train de produire l’effet papillon que je souhaitais. C’est encourageant, des municipalités adopteront notre modèle où l’on donne aux citoyens gratuitement des plants d’asclépiades incarnates. Ce que je fais aussi lors de mes ateliers. L’asclépiade est facile à faire pousser dans les platebandes. On en donne trois par citoyens. Dans une platebande c’est suffisant pour séduire une femelle du papillon monarque », fait-elle remarquer.

L’œuf peut être déposé sur ou sous une feuille, mais principalement sous la feuille », explique l’experte qui a sauvé, cet été, plus de 500 papillons.

Elle salue tous ces bénévoles de la Maison Marie-Pagé qui ont fait de même en rescapant 453 papillons. « Ce sont de petits gestes qui font une différence, note-t-elle. Sans l’intervention des bénévoles, ces œufs, ces toutes petites chenilles ne seraient pas devenues papillons. On sauve un papillon à la fois dans les endroits où les plants seront susceptibles d’être coupés, écrasés, ou aspergés de pesticide. »

Yolaine Rousseau insiste sur la nécessité, en 2022, de protéger la biodiversité. « Le fait de parler du papillon monarque, c’est comme un prétexte pour sauver la biodiversité, car les gens l’aiment ce papillon, il est beau, orange. C’est ce qu’il faut protéger aujourd’hui et dans nos milieux urbains. »

Il est donc important, selon elle, avant d’aménager les platebandes, de se questionner à savoir si, ce qu’on y plantera, servira à la faune, aux oiseaux, aux insectes et même aux humains. « Pourquoi planter quelque chose qui n’a pas d’utilité? Il faut penser autrement en 2022 pour aider la biodiversité », conclut-elle.