La route des sommets : première étape réussie pour Jean-Christophe et Éloi 

Partis depuis le 2 février pour faire l’ascension des cinq plus hauts sommets de l’Amérique du Sud, Jean-Christophe René et Éloi Larrivée (originaires de Ham-Nord) sont revenus au pays le 22 juin. Ils ont donc complété la première étape de leur ambitieux projet intitulé « La route des sommets », dont l’objectif est de faire des randonnées à vélo (ou en ski de fond) et de grimper les cinq plus hautes montagnes dans chaque continent.

C’est la tête remplie d’images, mais aussi d’expériences que Jean-Christophe René a raconté une partie de ce périple. Au départ, il devait être fait à trois, mais s’est finalement réalisé, pour les deux premiers sommets du moins, à cinq. Mais après la deuxième ascension, le groupe s’est séparé, n’ayant pas les mêmes visées et objectifs. Jean-Christophe et Éloi ont donc fait la majorité de l’expédition en duo (on peut donc parler des « 2 Mousquetons » plutôt que les « 3 Mousquetons », nom que le trio s’était donné à l’origine). Ils sont parvenus, au final, à grimper sept sommets (plutôt que cinq), et ce, en beaucoup moins de temps que prévu (cinq mois plutôt que sept). Et pour se déplacer entre les montagnes, ils ont utilisé le vélo, ce qui représente environ 7000 km de route. « Après deux mois, on s’est dit qu’on pouvait raccourcir la durée de l’expédition en accélérant le rythme et en enchaînant les montagnes », explique-t-il en confiant également qu’ils s’ennuyaient de leur famille et du Québec.

Lorsqu’on demande à Jean-Christophe (qui, soit dit en passant est venu à l’entrevue en vélo, comme s’il n’en avait pas fait assez au cours des derniers mois) cinq mots pour résumer cette aventure incroyable, il énonce, après une courte réflexion : dépassement, souffrance, fierté, solidarité et émerveillement.

Une belle expédition qui aura toutefois eu son lot de difficultés. Ainsi, dans un environnement hostile et désertique, ils ont dû tous les jours planifier pour le ravitaillement en eau et en nourriture, ce qui n’était pas toujours évident. Débarqués à Santiago au Chili, ils ont traversé ce pays ainsi que la Bolivie, le Pérou et l’Argentine à vélo, avec tout leur matériel, en parfaite autonomie. Et sur l’ensemble de l’épopée, ils n’ont pris que trois ou quatre jours de pause, souvent obligés pour des blessures ou des difficultés d’approvisionnement (en nourriture ou en argent). « Nous avons pris une vraie journée après l’ascension de l’Aconcagua », mentionne Jean-Christophe. Il faut dire que leur objectif était de se dépasser et de performer. 

Des hauts et des bas

Et malgré les désagréments, causés notamment par l’altitude (des maux de tête pour Jean-Christophe et des nausées pour Éloi), ils n’ont pas lâché et sont parvenus à relever ce défi de taille qu’ils s’étaient imposé. Si les escalades des montagnes n’étaient pas de tout repos pour le duo, s’y rendre à vélo n’était pas, non plus, une partie de plaisir. Des jours et des jours à monter sans arrêt, d’autres à monter puis redescendre des cols de montagne, sur des routes qu’on pourrait davantage qualifier de sentiers de VTT ici, ont marqué le quotidien des deux hommes. « C’est au Pérou qu’on a vécu le bout de vélo le plus dur. J’avais étudié les montagnes, mais pas regardé les routes. Ça a été une grosse surprise », résume-t-il en précisant qu’il leur a parfois été nécessaire de pousser, purement et simplement les vélos, ralentissant, on s’en doute, leur progression. Ajoutons à cela près d’un mois où il y avait du gel le soir tellement il faisait froid. Cela rendait difficile l’installation des bivouacs et la cuisine.

Il ne faut pas non plus oublier les bris de vélo, pas toujours évidents à faire réparer (Jean-Christophe a brisé son cadre de vélo), et la nourriture pas facile à se procurer dans de petits villages reculés où ils étaient toutefois accueillis avec curiosité, mais chaleur. Ils ont été impressionnés de la générosité des villageois qui même s’ils n’ont pas grand-chose, étaient toujours prêts à partager avec les étrangers à vélo. Ils ont même été hébergés chez l’habitant, sans frais.

Côté nourriture, c’était assez frugal, notamment par le manque de diversité des provisions disponibles. « Nous avons mangé beaucoup de riz et de patates », résume-t-il. Mais c’est l’approvisionnement en eau qui a été le plus grand problème. « Pour les ruisseaux, il n’y en a plus à 3500 mètres d’altitude. Et pour la neige, elle se retrouve à 5000 mètres. Il y a donc 1500 mètres à prévoir », dit-il encore. Alors, souvent, en plus de tout le matériel de camping, d’escalade et la nourriture, il fallait ajouter 10 litres d’eau à transporter. 

Le duo a également dû faire face à un problème de communications, ce qui a rendu les échanges avec leurs proches assez difficiles. « En montagne, nous n’avions aucun contact. À un moment, nous sommes restés 14 jours sans communications », raconte-t-il. Inutile de dire que les familles avaient bien hâte d’avoir des nouvelles. Et quant au spot (appareil de géolocalisation), il ne fonctionnait pas toujours.

Une épreuve mentale

Bien entendu, pour faire ce genre de périple, il faut un mental d’acier. Pour les deux Centricois, il a fallu une bonne dose de courage et de détermination pour arriver au bout de l’aventure. Surtout quand on vient de grimper une montagne et qu’on réalise qu’il faudra parcourir 4700 km en pédalant pour atteindre la prochaine. 

Avec cette expédition, Jean-Christophe souhaitait prendre de l’expérience pour la suite, les autres étapes de cette route des sommets qu’il souhaite réaliser. Il voulait également sortir de sa zone de confort. De ce côté, c’est aussi mission accomplie. Il est revenu la tête remplie de souvenirs et d’anecdotes. Parmi elles, il raconte qu’il ne faut pas pédaler et vérifier son cellulaire en même temps. En effet, ce faisant, il est entré en collision avec une voiture, s’infligeant une coupure au genou dont il lui reste une cicatrice.

Il se souvient aussi de cette tempête de neige, lors de l’ascension de la troisième montagne, alors qu’il s’est mis à neiger à 6500 mètres d’altitude. « Quelqu’un de normal serait retourné en bas », estime-t-il. Mais pour le duo, pas question de rebrousser chemin avant d’avoir atteint le sommet, cela même s’ils s’enfonçaient dans la neige jusqu’aux genoux. « Rendu au sommet, je n’avais plus d’eau et la tempête faisait rage, on ne voyait rien. Une chance que nous avions le GPS du cellulaire (avec la batterie qui descendait plus rapidement que nous) pour nous guider sinon nous nous serions perdus », se souvient-il. Ils ont retrouvé leur camp après une journée de plus de 15 heures de montée et de descente et Jean-Christophe n’avait plus d’eau depuis un bout. Impossible alors d’allumer le réchaud à cause de la tempête pour fondre la neige. Il en a donc mis dans ses bouteilles qu’il a fait fondre en les plaçant sur son corps. « J’ai réussi à me faire 500 ml d’eau », dit-il en riant.

Il faut aussi noter qu’Éloi aurait pu être détroussé de son argent et de son téléphone cellulaire, entouré par trois individus dans un village. Heureusement, il s’est défendu et ne s’est rien fait voler à ce moment. Côté budget, le périple aura coûté, comme prévu, environ 12 000 $. « Ce n’est pas cher pour l’expérience vécue », justifie-t-il.

L’expédition aura permis aux deux hommes de développer des compétences comme le sens des responsabilités, la gestion du risque, le leadership, la persévérance, mais surtout de montrer qu’il est possible de réaliser ses rêves. En ce sens, Jean-Christophe et Éloi envisagent de coécrire un livre pour raconter ce voyage incroyable et offrir des conférences par l’entremise de la Fondation santé globale, qu’ils souhaitent ainsi appuyer. Celle-ci éduque les jeunes à de saines habitudes de vie par la pratique régulière d’activités physiques, principalement en plein air.

De plus, même s’il vient tout juste de rentrer au pays, cela n’empêche pas Jean-Christophe de planifier la suite de ce défi d’escalade. En effet, il songe déjà à la prochaine étape qui devrait être l’Antarctique, question de s’isoler encore un peu plus et vivre des conditions extrêmes. « Mais je ferai une expédition de préparation au Groenland avant (ski-montagne) », annonce-t-il. Pas de date arrêtée encore pour l’Antarctique, mais il pense à 2023, peut-être, pour le Groenland. Et pour la suite de son défi, Jean-Christophe est toujours prêt à le réaliser avec son ami d’enfance et partenaire de ce défi, Éloi Larrivée.

Les sept sommets atteints par Éloi et Jean-Christophe, la hauteur, le pays et un descriptif : 

–        Marmolejo (6109 mètres), frontière Argentine-Chili, « le premier 6000 mètres »

–        Aconcagua (6961 mètres), Argentine, « le sommet des Amériques »

–        Bonete Chico (6759 mètres), Argentine, « la montagne du blizzard »

–        Monte Pissis (6792 mètres), Argentine, « la plus belle montagne »

–        Ojos del Salado (6891 mètres), frontière Argentine-Chili, « la montagne de sable »

–        Sajama (6542 mètres), Bolivie, « le sommet de la Bolivie »

–        Huascaran Sùr (6768 mètres), Pérou, « le sommet technique »