Grand Union : un chantier surveillé, une histoire populaire

Le plus surveillé des chantiers victoriavillois, celui de la restauration du Grand Union, a donné lieu à la plus courue des annuelles conférences de la Société d’histoire et de généalogie de Victoriaville, dimanche matin. Un record de quelque 430 personnes se sont déplacées pour entendre l’histoire de ce monument ouvert depuis 1890. Ex-journaliste et éditeur, Raymond Tardif s’est fait discret. Son récit, il l’a mis dans la bouche de trois comédiens.

Tour à tour, les François Roberge, Yves Payette et Linda Leblond ont incarné trois de la longue lignée des propriétaires de l’hôtel.

Le premier, Thomas J. Samson, homme aux mille idées, mais peu fortuné, a d’ailleurs dû vendre à regret son cher hôtel à Joseph DeBigarré en 1892, ayant fait faillite à deux reprises.

Personnifié par Yves Payette, Damase Champagne, «plus bleu que le ciel», le «plus bleu dans la province de Québec après Maurice Duplessis», a raconté ses 30 longues et belles années au «château Grand Union» lui qui en a été propriétaire avec son épouse Léophile Rouleau à partir de 1938. C’est lui qui a parlé du fameux coffre-fort de l’Union nationale qui se trouvait au sous-sol de l’édifice, une chambre forte dotée de trois cadenas. Le premier ministre Duplessis, le grand argentier du parti, Gérard Martineau et Damase Champagne possédaient chacun une clé.

Ce coffre-fort, les propriétaires suivants l’ont retrouvé… mais sans trésor, a raconté Linda Leblond incarnant Rollande Luneau.

La vraie dame Luneau se trouvait d’ailleurs dans l’assistance, l’étiquette d’une bouteille de vin, rappelant à chacune des tables qu’avec son mari Philippe (mort en 1987), puis avec sa fille Maryse, le Grand Union a été sa «maison» pendant quarante ans, de 1961 à 2001.

Par la voix de la comédienne, Mme Luneau a dit que ses 40 ans à l’hôtel constituent ses plus beaux souvenirs. Elle y a été heureuse et se réjouit que l’édifice soit rénové.

Elle a rappelé que c’est d’abord à quatre qu’en 1961, son mari Philippe, son frère Rolland, Cécile (épouse de Rolland) et elle-même se sont totalement investis dans les opérations quotidiennes de l’hôtel. «On n’était pas riches», les deux couples ayant décidé de se contenter d’une seule voiture. À l’époque, le premier et le deuxième étage abritaient toujours 32 chambres. Un des trois salons permettait aux voyageurs de commerce de présenter leurs échantillons. C’est avec les Luneau que s’est ouverte la taverne du Grand Union et que s’est amorcée, en 1962, la fameuse tradition des «bines» du vendredi. Un pense-bête du cuisinier retrouvé sur un mur rappelle, en quelques chiffres, les proportions d’eau et de haricots.

Par le texte livré par les comédiens, on a pu prendre la mesure des recherches menées par M. Tardif, sa «conférence» s’émaillant de trouvailles, de photos, d’anecdotes, de pointes d’humour.

Le Grand Union constitue à la fois un témoin de la petite et de la grande histoire, né au temps où les curés et les tenants de la tempérance se liguaient fort contre les «boissons enivrantes», a rappelé le personnage de Thomas J. Samson qui avait d’abord exploité l’Hôtel Canada (incendié en 1897, il était situé en face de ce qui allait devenir le Grand Union).

L’édifice a abrité toutes sortes d’activités, servant de «bunker» pour les réunions de l’Union nationale, même de cabinet pour des professionnels de la santé. Comme un chirurgien-dentiste offrant ses services même pendant la «nuitte».

On a fait lever, pour les applaudir, des gens qui ont longtemps fait partie du «fidèle personnel» de l’hôtel.

Animé avec humour par la comédienne Brigitte Charpentier qui n’a pas raté de taquiner le député Lefebvre sur sa demande en mariage en pleine Assemblée générale, le déjeuner-conférence s’est amorcé avec un hommage du président de la Société Noël Bolduc à la mémoire de Jacques Brière. La conférence lui était dédiée, lui qui a été un membre fondateur de la Société, un grand bâtisseur et un fin raconteur, a souligné M. Bolduc.

Outre le député Lefebvre, le maire de Victoriaville, André Bellavance et le député Alain Rayes également présents, ainsi que les actuels propriétaires du Grand Union, Guy Aubert et Max Sévégny.

Les élus leur ont exprimé leur gratitude pour ce «legs» qu’ils sont en train de faire à la communauté de Victoriaville, un «investissement dont ils ne verront jamais le bout», a souligné le député Lefebvre. «Samson a fait faillite, mais nous on va s’en sortir!», a affirmé M. Sévégny.

Et au député Alain Rayes qui plaisantait en suggérant aux propriétaires d’augmenter le prix du loyer du député Lefebvre vraisemblablement appelé  à se retrouver au pouvoir à la prochaine élection, M. Sévégny a répliqué que ce serait la «communauté qui s’occuperait de la couleur» du prochain gouvernement.

Le député Lefebvre s’est permis une allusion à l’imminente campagne électorale, disant que si les contributions en argent «liquide» n’étaient plus autorisées comme au temps de l’Union nationale qui les conservait dans la cave du Grand Union, il pouvait accueillir les chèques. Comme quoi, le Grand Union donne toujours lieu à des échanges à saveur politique.