Découvrir le verger et ses variétés autres

Le site est magnifique. « Avec la vue de la terrasse, on a le plus beau bureau en ville », se plaît à dire l’équipe du Verger biologique du Boisé des frères. La récolte de pommes a été très bonne cette année. D’excellentes pommes bio de variétés autres que les marques que l’on retrouve sur le marché. Des variétés que les consommateurs ont intérêt à découvrir. Petite incursion au cœur du verger.

Une visite guidée avec des gens qui s’y connaissent bien en la matière : Noémie Gagnon Lupien, chercheuse au CETAB+ du Cégep de Victoriaville, Pauline Peralta et Pierre-Luc Simon, tous deux techniciens.

Le verger couvre trois hectares en production sur une superficie de cinq hectares au total. « L’expansion va continuer, assure Noémie Gagnon Lupien. On est encore en développement et en renouvellement. »

Il s’agit ici d’une production biologique. La transition a commencé en 2010, ce qui a mené en 2013 à la première production certifiée bio. « Depuis que le CETAB et le Cégep ont pris en main la gestion du verger, nous sommes en production biologique. On a respecté la transition réglementaire de trois ans pour y arriver », explique la chercheuse.

Le choix de la production biologique s’explique aisément puisqu’il correspond au créneau du Cégep. Et on a opté pour des variétés qui se font plus résistantes que des variétés commerciales face à la maladie appelée la tavelure du pommier. « On est confronté à cette maladie très problématique chez la majorité des variétés commerciales de pommes, des variétés très sensibles à la tavelure. Et c’est extrêmement difficile à gérer en production biologique, affirme Noémie Gagnon Lupien. Ce n’était donc pas la voie d’avenir pour la pomme bio de continuer à produire ces variétés où on fait face à beaucoup de défis avec cette maladie présente partout. On a donc choisi d’aller vers des variétés résistantes ou peu sensibles à la tavelure. »

Il existe ainsi des pommiers possédant un gène de résistance à cette maladie, ce qui nécessite moins de traitement. « C’est donc plus écologique, plus agréable aussi pour l’équipe, car faire les traitements, c’est quand même énergivore », relève la chercheuse.

Reste que cela fait en sorte qu’il s’agit de variétés de pommes moins connues. Au niveau de la mise en marché, l’équipe du verger doit travailler à les faire connaître. « On parle de variétés dont les gens n’ont jamais entendu parler. Ça nous amène à travailler à la mise en marché et à faire découvrir ces variétés en espérant que les autres producteurs bio emboîtent le pas », souhaite Mme Gagnon Lupien.

Le verger a fait découvrir et goûter au public les diverses variétés en tenant un kiosque sur place. D’ailleurs, sa dernière vente de la saison se tiendra le mardi 15 novembre. Ses produits se retrouvent aussi à Mon Marché et à La Manne.

Le travail de terrain

Il y a cinq ans, certains s’étaient inquiétés de l’abattage d’arbres. C’est qu’il avait fallu éliminer près de 200 pommiers ravagés par une bactérie, des arbres qu’on a cependant renouvelés. « Plusieurs de ces arbres avaient une quarantaine d’années et arrivaient à leur fin de vie utile, note la chercheuse. Maintenant, on a des arbres qui ont 5 à 7 ans et qui commencent à produire. »

Le renouvellement s’effectue par parcelle, explique-t-elle. « Des arbres meurent à travers d’autres pour diverses raisons, les insectes, la maladie. Le renouvellement se fait à travers les rangs. Mais quand on est en présence d’une parcelle avec des arbres d’une quarantaine d’années, on renouvelle le bloc au complet », précise-t-elle.

Dans les vergers plus modernes, on plante des arbres plus petits et de façon un peu plus dense. On réduit l’espacement entre les arbres afin de procurer une productivité maximale à l’hectare. « On a ainsi plus d’arbres en production à l’hectare. Le but étant de produire le plus sur moins d’espace. On maximise la production », justifie Noémie Gagnon Lupien, précisant aussi qu’on dispose les arbres pour faciliter la récolte en mécanisant des opérations.

Si l’équipe a opté pour des parcelles plus modernes que ce qui a été fait jusqu’à maintenant, elle compte bien cependant, dans cinq ou six ans, effectuer un renouvellement à la façon d’une vieille parcelle comme c’était auparavant pour l’esprit d’époque avec des arbres qui n’ont pas besoin de tuteur ni câblage.

En production bio, pour faire face aux ennemis, comme les insectes et les rongeurs, le verger n’a pas accès aux produits utilisés en production conventionnelle. « Il faut être un peu plus créatif, reconnaît la chercheuse. La gamme de produits est différente. Cela demande plus de suivis. Nous devons passer au bon moment, bien connaître nos insectes et les cycles, car le traitement est moins efficace, mais il est moins dommageable pour la santé, pour l’environnement. »

Par ailleurs, la vision de la production biologique amène à penser le verger dans son écosystème, d’où l’importance des aménagements fleuris. Fleurir le couvre-sol pour créer une espèce d’équilibre naturel avec les ravageurs et les prédateurs qui s’occuperont des insectes indésirables. « Cela fait partie de nos projets d’ajouter des fleurs et des nichoirs partout dans le parc », fait savoir Mme Gagnon Lupien.

L’équipe du verger peut compter, au plus fort de la saison entre mai et août, sur deux stagiaires de deuxième année en gestion d’entreprise agricole qui viennent mettre la main à la pâte. « Des étudiants de l’INAB (Institut national d’agriculture biologique) viennent également nous aider de façon ponctuelle pour différentes tâches. Cet automne, on avait un ou deux étudiants par jour pendant plusieurs semaines », indique Pierre-Luc Simon.

« Après la récolte, on effectue des tâches pour fermer le verger. On fait la tournée, on ferme l’irrigation, on s’assure que tout est correct, on tond le gazon très court pour éviter les problèmes de mulots, on réalise des inventaires et on protège les troncs en les badigeonnant », énumère Pauline Peralta.

Parlant de récolte, le Verger biologique du Boisé des frères s’en sort généralement bien d’année en année. « Ce n’est pas une culture qui est difficile. On s’en sort quand même assez bien avec les gels tardifs, observe Noémie Gagnon Lupien. La seule année où on a vécu une grosse problématique liée à la météo, c’est l’an dernier, alors qu’on a connu à la fin mai deux nuits de gel, ce qui nous a fait perdre presque l’entièreté du verger. »

À titre de chercheuse en culture fruitière, elle voit à la planification des activités de recherche et de jumelage avec l’enseignement. Comme un verger, dit-elle, nécessite une vision à long terme, une réunion prochaine permettra de réfléchir au renouvellement à venir, ce qu’on souhaite acheter et la séquence des travaux, entre autres. « On travaille à bien préparer la parcelle, car c’est là pour longtemps. On prend le temps de bien faire les choses, de penser à la quantité d’arbres qu’on veut, aux variétés aussi qu’on veut aller chercher dans notre séquence de récoltes », explique-t-elle.

Actuellement, le verger cultive pas moins de 28 variétés de pommes, mais aussi des poires (17 variétés). Toutefois, la parcelle est jeune et, en raison de nombreux insectes cette année, le rendement n’était pas au rendez-vous. « Les poires ont moins de ravageurs, mais c’est plus long avant de produire. Le défi, constate la chercheuse, est qu’il y a moins de connaissances, très peu, en fait.                                                                                                                  On part avec moins de guides, moins d’informations. On est totalement en expérimentation. On s’attend à en avoir l’année prochaine. On se croise les doigts. »

Ouverture au public à l’occasion

Le public peut avoir accès au verger à des moments précis. Si le parc est clôturé, c’est que les nombreux cerfs de Virginie bouffaient les jeunes arbres, mais aussi parce que l’équipe y mène des projets de recherches et des tests.

Au cours de l’été, on y accueille des écoles et des camps de jour en plus de tenir des journées portes ouvertes et de vente où les gens peuvent profiter de la terrasse et se promener dans le verger.

« C’est un site historique qui a son charme. Il y a une ambiance, une âme qu’on ne retrouve pas ailleurs, clament les intervenants. C’est pourquoi on est content de pouvoir ouvrir les portes de temps à autre, on se trouve chanceux. »