Apiculture urbaine : une interdiction dénoncée à Chesterville

La règlementation entourant l’interdiction de l’élevage d’abeilles en milieu urbain préoccupe Valérie Nault, une résidente de Chesterville qui possède, depuis 2019, deux ruches chez elle sur sa propriété de 50 000 pieds.

Le règlement en question, qui n’est pas nouveau, limite l’élevage des abeilles dans les seules zones agricoles et agroforestières, ce qui signifie une interdiction de l’apiculture urbaine dans les zones habitation et commerciale.

Pourtant, Valérie Nault soutient, comme elle le fait elle-même, qu’une apiculture urbaine dans le respect des normes exigées par le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec est tout à fait possible. « On peut facilement encadrer l’élevage d’abeilles sur son territoire sans pénaliser les citoyens en fonction de leur zonage, par exemple par l’émission de permis. Alors, pourquoi pénaliser le citoyen qui habite, ou exerce, en zone habitation et commerciale s’il respecte le règlement du MAPAQ et que son terrain lui permet les distances réglementaires? », se questionne-t-elle.

Lors de leur séance, lundi soir, les élus de Chesterville ont agi pour clarifier une règlementation déjà existante. « C’est une plainte du voisinage qui a amené l’ancien conseil à se pencher sur la possibilité d’aller un peu plus loin avec le règlement », a indiqué le maire Vincent Desrochers qui connaît l’apiculture ayant déjà travaillé dans le domaine. « Je n’ai aucun problème avec ça. Ce n’est pas dangereux pour la plupart des gens », a-t-il confié.

Le règlement au sujet des abeilles ne date donc pas d’hier. « Le règlement est en place depuis 2011 dans un règlement de zonage. Cette règlementation découle des affectations contenues dans le schéma d’aménagement de la MRC. Ainsi, même si on voulait autoriser l’apiculture dans le périmètre urbain, on ne pourrait le faire. Il faudrait d’abord que des modifications soient apportées au schéma de la MRC. Les dispositions stipulent que les usages agricoles, comprenant l’apiculture, ne peuvent se faire en zone urbaine et de villégiature », a expliqué Félix Hamel-Small, inspecteur en bâtiment et en environnement à Chesterville et à Tingwick.

La résidente affirme cependant qu’avant d’installer ses ruches, on lui avait fait savoir qu’il n’existait aucune règlementation relativement à l’élevage d’abeilles. Or, l’existence d’un règlement depuis 2011 fait en sorte que l’apicultrice urbaine ne peut détenir un droit acquis. Mais la Municipalité n’entend pas agir contre elle tant que tout se passe bien. « Si aucune plainte n’est adressée, on n’interviendra pas », a fait savoir le maire Desrochers, tout en précisant que l’interdiction, finalement, ne touchait que 1% du territoire, soit le village et la route du Relais, un secteur de villégiature.

Pas de référendum possible

La citoyenne de Chesterville aurait bien voulu que les citoyens puissent se prononcer sur la possibilité d’encadrer l’élevage d’abeilles sur toutes les zones de manière équitable, d’où sa demande adressée à la Municipalité pour la tenue d’un référendum. Une demande qui s’accompagnait de 29 signatures, dont 14 de son secteur.

Cependant, la Municipalité a jugé non valide cette demande de référendum. De fait, comme le signale un représentant de la direction régionale du Centre-du-Québec du ministère des Affaires municipales et de l’Habitation, puisque le projet de règlement ne venait pas changer les possibilités d’élevage d’abeilles, un référendum ne pouvait porter sur ce sujet. « Rien de nouveau n’est amené. On ne fait que clarifier la règlementation pour en faciliter, au besoin, l’application. Comme aucun changement ou aucune nouvelle interdiction n’est apporté, la demande d’un référendum ne pouvait être valide », a renchéri l’inspecteur en bâtiment et en environnement.

Valérie Nault se désole d’un tel règlement « à une époque où la protection de l’environnement est d’actualité, dans une région où on se vante d’être le berceau du développement durable ». « Ne serait-il pas cohérent d’ouvrir un débat public sur les orientations que nous aimerions prendre pour le futur au lieu de passer des règlements du genre? », s’interroge-t-elle.

Dans sa demande à la Municipalité, Valérie Nault a fait valoir l’importance de l’apiculture pour l’agriculture. « Considérant que les abeilles sont les plus grands pollinisateurs, 40% des produits alimentaires contenus dans notre assiette proviennent directement ou indirectement du travail des abeilles par la pollinisation des fruits, légumes et autres plantes », souligne-t-elle, tout en signalant la réglementation existante au Québec pour l’apiculture urbaine élaborée par des spécialistes du MAPAQ.

L’apiculture urbaine, fait-elle valoir, peut être considérée comme « un acte aidant la biodiversité et la protection de l’environnement ».

Alors que le déclin des abeilles préoccupe à l’échelle mondiale, la citoyenne estime regrettable que Chesterville, une municipalité rurale et agricole, ne permette pas l’agriculture urbaine sur son territoire villageois tandis qu’elle est permise, selon elle, dans les grandes villes du Québec. « La très grande majorité des villes et municipalités du Québec reconnaissent l’importance de l’apiculture comme moyen de favoriser un environnement diversifié et équilibré », précise-t-elle.

À la MRC d’Arthabaska, le directeur général Frédérick Michaud explique que les municipalités ont le pouvoir de réglementer l’élevage d’abeilles. « Au Québec, plusieurs municipalités ont encadré l’apiculture urbaine notamment à la suite de plaintes en lien avec les personnes allergiques, entre autres », a-t-il signalé.