Alain Rayes siégera comme indépendant

Le député de Richmond-Arthabaska, Alain Rayes, a annoncé qu’il tournait le dos au Parti conservateur du Canada (PCC) pour siéger comme indépendant à la Chambre des communes.

Sa décision, il l’a fait connaître dans une vidéo qu’il a publiée mardi après-midi, désireux de s’adresser directement aux citoyens de sa circonscription pour les informer de sa décision et l’expliquer. Son choix de quitter la famille conservatrice découle, dit-il, d’une profonde réflexion. Celle-ci mûrissait déjà dans son esprit depuis quelques semaines et même quelques mois à la suite d’échanges avec des citoyens et citoyennes. Mais cette réflexion s’est amplifiée à partir de l’élection de Pierre Poilievre à la direction du PCC.

Alain Rayes s’est livré à une introspection personnelle sur les valeurs et les convictions qui l’animent et qu’il a toujours voulu défendre sur la place publique, mais aussi au sein de son parti, à savoir les enjeux touchant la loi et l’ordre, la défense des institutions démocratiques malmenées présentement, les enjeux environnementaux, sans compter les valeurs conservatrices toujours présentes, comme l’économie, la saine gestion des finances publiques et un État efficace au service des citoyens. « Avec l’arrivée de la pandémie, tout ce discours sur la place publique et ces propos sur les réseaux sociaux m’ont aussi questionné sur la façon de faire de la politique, sur la façon même que l’on s’adressait entre nous et la façon dont les gens nous le retournaient via les médias sociaux », note-t-il.

Alain Rayes est même devenu émotif en évoquant l’intimidation vécue par Eric Lefebvre, le député sortant de la CAQ dans Arthabaska. « Ça s’additionne avec ce qui s’est passé avec Chrystia Freeland et d’autres élus, avec les messages que j’ai reçus depuis quelques semaines. Ça me heurte profondément, j’en ai des frissons, ça vient me chercher », commente-t-il, avouant même s’être questionné à savoir si un retrait de la politique de sa part n’allait pas leur donner raison. « Mais j’ai le goût de me tenir, de continuer à travailler pour les citoyens, mais j’ai le goût de le faire dans un environnement positif, constructif et rassembleur », fait-il savoir.

De se retirer de la politique ne constituait donc pas une option pour l’élu de Richmond-Arthabaska. « J’ai encore la flamme politique en dedans de moi, même si elle s’est éteinte un peu avec le temps en raison d’un certain désabusement. J’ai le goût de la retrouver, car j’aime la joute politique, j’aime servir les citoyens, je sens que j’ai des atouts pour pouvoir contribuer dans la société. Et en même temps, je veux les mettre à profit positivement », souligne-t-il.

Fidèle à ses valeurs et à ses convictions, Alain Rayes a donc conclu qu’il ne pouvait plus continuer avec les conservateurs. « J’en arrive à la conclusion, si je veux être honnête avec moi-même et authentique envers les citoyens que je représente, que je ne me reconnais plus dans la direction que prend le PCC en ce moment. Je serais malhonnête de continuer dans cette avenue », exprime-t-il en entrevue téléphonique avec le www.lanouvelle.net. Alain Rayes ne croit pas qu’il aurait pu jouer d’influence en demeurant au sein du parti. « Je ne sens plus que j’ai cette opportunité en ce moment. Les membres ont fait un choix que je respecte, mais il ne me rejoint pas », précise-t-il.

Un autre élément a joué dans sa réflexion : la place que le parti est prêt à laisser aux progressistes. « C’est une frange que j’ai défendue dans mon organisation, signale-t-il. En ce moment, j’entends un chef et certains de mes confrères, dont Andrew Scheer, qui laissent sous-entendre qu’avec 68%, il ne leur revient pas d’adapter leur discours, mais c’est aux progressistes de rentrer dans les rangs. D’un côté, j’entends le chef parler d’unité, mais je n’ai pas le sentiment que le PCC est sincère dans sa volonté d’ouvrir sa vision pour inclure plus de gens préoccupés notamment par l’environnement et les autres enjeux », observe-t-il.

Cuisante défaite

Depuis quelques semaines, Alain Rayes, qui a fait campagne pour Jean Charest, voyait venir la défaite sans penser cependant qu’elle serait si grande. Il l’attribue à différents facteurs. « Ça faisait plus de 10 ans que Jean Charest était à l’extérieur de la joute médiatique et puis, avant la campagne, il était complètement absent des réseaux sociaux. De plus, fait-il valoir, on affrontait un adversaire redoutable. On ne l’a jamais nié, on savait qu’on se lançait dans un défi immense. Pierre Poilievre préparait le terrain depuis des années. »

À son avis, le nouveau chef a réussi « de façon magistrale » a fédéré tout le mécontentement ambiant.  « Il l’a fait avec des façons avec lesquelles je ne suis pas nécessairement d’accord, comme le ton qu’il a utilisé. Je dois toutefois reconnaître qu’il a réussi, il a gagné la course. Mais moi je ne me reconnais plus là-dedans. Et il ne faut surtout pas croire que la majorité de la population pense de cette façon », soutient-il. Reste qu’Alain Rayes ne croit pas que le Parti conservateur du Canada puisse se diviser. « L’unité y est, le résultat de Poilievre est sans équivoque. Des gens comme moi, il n’y en aura pas beaucoup qui feront ce choix. Et je le respecte, chacun prend sa décision. Il s’agit d’une décision très personnelle.  Ma décision,  je l’assume et je suis très serein », affirme-t-il.

Avenir personnel

Alain Rayes terminera son mandat, celui de représenter les citoyens de sa circonscription, mais après, il ne sait pas ce que lui réserve l’avenir. « C’est tellement loin, mentionne-t-il. Mais à court terme, ma réelle préoccupation, c’est de prendre soin de moi et de mes proches. » Les deux dernières années avec la pandémie et les derniers mois marqués par la course à la chefferie ont été extrêmement durs.

Le député veut prendre soin de lui et des siens, mais souhaite également retrouver la flamme qu’il avait à l’intérieur pour continuer en politique. « On verra après, il y a la politique municipale, provinciale, fédérale, mais d’autres façons existent pour s’impliquer, même à l’extérieur des arènes politiques. C’est clair je veux continuer à m’impliquer en politique, mais est-ce obligé de le faire comme élu? Le temps le dira, c’est beaucoup trop loin », conclut-il.