Murin : le dernier accusé évitera-t-il la prison?
Arrêté en lien avec le projet Murin, Guillaume Pouliot-Gosselin, 25 ans, de Sainte-Clotilde-de-Horton, saura le 12 janvier le sort que lui réserve le juge Bruno Langelier de la Cour du Québec.
Au cours des représentations sur la peine, mercredi après-midi au palais de justice de Victoriaville, la poursuite a réclamé une peine ferme de détention de plus de deux ans (26 mois) tandis que la défense a invité le magistrat à envisager une peine autre que l’emprisonnement continu.
Le ministère public, représenté par Me Ann Marie Prince, a d’abord fait entendre l’enquêteur au dossier, le sergent Stéphane Bellerive de l’équipe d’enquête régionale de la SQ basée à Drummondville.
Le policier a expliqué le début de l’enquête en août 2013 à la suite de plusieurs informations obtenues. «L’enquête visait une cellule opérant dans le secteur de Daveluyville, Defoy et Saint-Valère, un groupe dirigé par Jason Mercier. L’enquête a révélé qu’une douzaine de personnes gravitaient autour de lui», a indiqué le sergent Bellerive.
Selon lui, tout partait de chez la tête dirigeante, et ce, tous les jours. Guillaume Pouliot-Gosselin a été vu régulièrement chez le dirigeant du groupe qui contrôlait quatre endroits à Saint-Valère, Notre-Dame-de-Lourdes et deux places à Aston Jonction.
Questionné sur le rôle de l’accusé dans l’organisation, l’enquêteur qualifie Guillaume Pouliot-Gosselin comme un homme de main au même titre que Francis Gignac.
Lorsque les policiers ont lancé une phase d’infiltration, Pouliot-Gosselin a transigé 7 g de cannabis pour 50 $ à un agent d’infiltration.
Guillaume Pouliot-Gosselin a aussi agi comme conducteur de Jason Mercier lors d’une importante transaction de 100 livres de cannabis orchestrée par la police au Madrid à Saint-Léonard-d’Aston le 9 avril 2014.
Lorsqu’un autre accusé Nicolas Sévigny s’est pointé avec la marchandise, les policiers sont intervenus, pendant que Mercier et Pouliot-Gosselin se sont poussés. «Mais ils ont été arrêtés environ une heure plus tard», a précisé le sergent Bellerive.
Une récidive
Alors qu’il se trouvait en liberté provisoire, en attente de la suite des procédures du projet Murin, l’accusé a, de nouveau, été arrêté, en octobre 2016 lors d’une intervention policière à Saint-Cyrille-de-Wendover où il résidait à l’époque.
La perquisition a alors permis la saisie de 1156 g de cannabis, 26 g de haschisch et 8,5 kg de cannabis en vrac non trimés, de même que certains équipements pouvant servir, selon l’enquêteur, à démarrer des plants.
En défense
L’avocat Me Guy Boisvert a fait témoigner son client en défense. Le jeune homme possède sa propre compagnie d’entretien de plancher depuis octobre 2014 et voit à l’entretien des planchers de deux commerces à Victoriaville et Drummondville.
Deux contrats qui lui rapportent, a-t-il noté, 6000 $ par mois.
Interrogé à savoir pourquoi il a récidivé, l’accusé a précisé qu’il avait contracté une dette de 16 000 $ qu’il n’arrivait pas à payer à la tête dirigeante du Murin. «Je ne veux pas de conflit avec lui», a-t-il dit.
Puis, en larmes, il a raconté qu’il travaille pour ses enfants. «Ça me fait mal au cœur si je ne peux plus les voir», a confié le jeune homme qui a vécu d’éprouvantes épreuves dans son enfance et plus récemment avec le décès d’un de ses enfants.
Contre-interrogé par la poursuite, Guillaume Pouliot-Gosselin a expliqué que c’est à la suite d’une information que lui a révélée un chasseur, une connaissance, qu’il a récolté 70 plants de cannabis dans un bois de Sainte-Clotilde-de-Horton pour les ramener chez lui.
Il avait l’intention, a-t-il avancé, de les donner à Jason Mercier pour éponger sa dette. «Je suis inquiet pour la dette. Je ne sais pas ce que ça fera», a-t-il dit, tout en indiquant qu’il n’a pas eu de contact avec les autres accusés depuis les arrestations.
Le jeune homme avoue continuer à consommer, reconnaissant ne pas avoir entrepris de démarches pour l’aider. «Mais j’ai maintenant compris pourquoi je consomme. J’ai l’intention d’arrêter tout simplement. Je ne l’ai pas encore fait», a-t-il mentionné.
Plaidoirie de la Couronne
La procureure aux poursuites criminelles et pénales, Me Ann Marie Prince, s’est dite préoccupée par la récidive et qualifie de nébuleuses les réponses de l’accusé et d’invraisemblable sa version avec le chasseur et le pot dans le bois.
«C’est inquiétant aussi le fait que cette récidive survient alors que Monsieur a un travail. Je ne vois pas comment on peut être rassuré. Il y a matière à demeurer inquiet avec un niveau élevé de risque de récidive», a-t-elle plaidé.
Me Prince a aussi fait valoir que l’accusé était un homme de main de la tête dirigeante. «Et ce projet Murin était quelque chose d’organisé. On parle d’une production quasi industrielle», a-t-elle souligné.
Et s’il était prêt de la tête dirigeante, a-t-elle poursuivi, il a tout de même agi seul au moment de sa récidive. «C’est une initiative personnelle», a confié la représentante de la poursuite inquiète aussi de voir le jeune homme continuer à consommer et qu’il n’ait pas entrepris de démarches pour s’en sortir.
Ainsi, après avoir exposé les peines reçues par les autres accusés dans le dossier, Me Ann Marie Prince a suggéré au Tribunal d’imposer 15 mois de détention pour la participation à Murin, 10 mois pour la récidive et un mois pour le bris de condition pour un total de 26 mois consécutifs d’emprisonnement.
Et en défense…
Avant même de tremper dans des activités illicites, Guillaume Pouliot-Gosselin avait été engagé par Jason Mercier pour des travaux légitimes. Normal, donc, qu’on ait pu le voir souvent avec la tête dirigeante. «Puis, une certaine relation de confiance s’est développée, il lui a fourni de l’argent pour l’achat d’un camion et d’un VTT et lui a aussi demandé de travailler pour une autre organisation», a expliqué Me Guy Boisvert.
L’avocat a fait valoir aussi que de dures épreuves ont marqué l’existence de son client. «Il a engourdi le mal qui le ronge depuis des années. Il ne vient pas inventer des mots et des pleurs. Il est capable de se mobiliser. Il n’a pas encore cessé de consommer, mais il nous dit qu’il comprend maintenant pourquoi. Il a fait un bout de chemin», a indiqué Me Boisvert.
Le criminaliste a rappelé que le juge a le devoir d’imposer une peine individualisée. «Est-ce que la dénonciation d’un trafic de stupéfiants doit l’emporter sur la réhabilitation déjà entreprise et qu’il pourrait continuer en purgeant une peine autre qu’une détention ferme?», a-t-il lancé.
«Il ne l’a pas eu facile, a-t-il continué. Vous avez un individu qui se tient debout, qui a un travail pour faire vivre sa famille. Il ne se laisse pas décourager. Il aurait des difficultés énormes à se relever d’une peine d’emprisonnement», a conclu Me Boisvert.
Après avoir entendu les parties, le juge Langelier s’accorde une période de réflexion et fera connaître sa décision le 12 janvier. Il a fait savoir au jeune homme qu’il devait envisager toutes les possibilités et l’a invité à se préparer en conséquence.