Des vies brisées par la vitesse au volant

VICTORIAVILLE. «Mon fils n’a plus de vie. Sa vie a été complètement détruite.» La mère d’un jeune homme grièvement blessé dans un accident de la route à l’été 2012 a livré, mercredi matin, un témoignage empreint d’émotions lors des représentations sur la peine à infliger à Didier Terancier, le conducteur du véhicule impliqué dans la violente embardée.

Le Lavallois de 40 ans a reconnu, le 27 octobre, sa culpabilité à des accusations de conduite dangereuse causant des lésions.

Avant le témoignage de la dame, le procureur aux poursuites criminelles et pénales, Me Maxime Laroche, a d’abord rappelé les faits survenus aux petites heures matinales le 24 juillet 2012 sur le boulevard Arthabaska à Victoriaville, non loin du restaurant Tim Hortons du centre commercial La Grande Place des Bois-Francs.

L’accusé, qui conduisait une voiture Lexus, et ses deux occupants, un jeune homme et une jeune femme, revenaient d’une fête à Thetford Mines.

En arrivant à Victoriaville, des patrouilleurs de la Sûreté du Québec ont capté un excès de vitesse et se sont mis en route pour intercepter le véhicule. «Mais le conducteur a accéléré et il a pu atteindre, selon la SQ, une vitesse de 200 km/h, a indiqué Me Laroche. La voiture aurait été soulevée du sol pour prendre la direction du fossé et percuter un arbre. Deux témoins, au Tim Hortons, ont vu le véhicule passer à une vitesse folle.»

La jeune femme, qui prenait place à l’arrière, somnolait et n’avait pas bouclé sa ceinture. Elle a été éjectée pour se retrouver dans le gazon. «Elle a subi de multiples fractures à la colonne vertébrale. Elle subit toujours des séquelles, des migraines quotidiennes», a précisé le représentant de la poursuite.

Le passager avant, lui, fait face à un tragique destin. «Il est paralysé, il a perdu l’usage de ses jambes», a confié Me Maxime Laroche.

La preuve relevée par la SQ démontre, selon lui, que «la vitesse astronomique» à laquelle circulait Terancier constitue une conduite dangereuse.

Témoignage émouvant

Le jeune homme, devenu paralysé, n’assistait pas aux représentations sur la peine et ne tenait pas à se faire entendre, a fait savoir Me Laroche.

Par contre, la mère du jeune homme a témoigné des impacts importants sur leur vie. «Je n’ai plus le même fils, plus rien n’existe comme avant. J’aimerais tellement que ça revienne comme avant, le prendre dans mes bras, et lui dire : tu vas retrouver tes jambes, mais je sais que c’est impossible», a-t-elle souligné, racontant, avec émotions, les nombreuses embûches, difficultés et épreuves.

«Monsieur le juge, je ne vous raconte pas de mensonges», a-t-elle exprimé. «Je n’en ai aucun doute», l’a rassurée le juge Bruno Langelier, compatissant avec la dame qu’il écoutait attentivement.

«Mon fils, père d’une fillette de 5 ans, n’accepte pas ce qui lui arrive. Il ne peut plus avoir de vie amoureuse. Quand je vais l’aider chez lui, il s’enferme dans sa chambre. Il ne veut plus non plus venir à la maison. Faites votre vie et oubliez-moi, nous dit-il, oubliez la mienne.»

Les parents du jeune homme sont ébranlés. «La seule chose qu’on fait, on pleure. On s’entraide, a-t-elle mentionné. Son père se dit incapable de vivre sans voir marcher son fils.»

La maman s’est dite contente que son fils soit vivant. «Mais à quel point… », a-t-elle noté, non sans manifester sa plus grande crainte, celle de voir son fils mettre fin à ses jours pour abréger ses souffrances. «Nous, on souffre, mais imaginez sa souffrance à lui», a-t-elle confié au juge Langelier.

La mère du jeune homme de 26 ans a dénoncé ce qui est à l’origine du drame. «Pour une connerie de vitesse de voiture, des vies ont été brisées», a-t-elle précisé.

Le magistrat a questionné la dame pour connaître son opinion sur la peine à imposer, conscient, a dit le juge Langelier, «qu’aucune peine ne réparera les torts causés».

«S’il pouvait passer du temps avec la personne à qui il a causé les dommages, il verrait toute la souffrance, a-t-elle indiqué. C’est un pensez-y bien. Il faut arrêter au lien d’accélérer.»

Le président du Tribunal a remercié la dame de son témoignage. «On peut constater l’ampleur d’une grande détresse lorsqu’elle est exprimée. Cela peut faire comprendre les impacts d’une étourderie, d’une catastrophe», a commenté le juge Langelier.

«Il n’y a rien de plus dissuasif qu’un tel témoignage», a renchéri Me Laroche de la poursuite.

L’accusé regrette

Didier Terancier a lu les deux lettres rédigées à l’intention de deux victimes.

«Pas un jour ne passe sans que j’y pense… Le mal que j’éprouve ne s’apaisera jamais. J’ai beaucoup de remords, je regrette tellement ce que j’ai fait. Je m’excuse sincèrement. J’espère qu’un jour vous pourrez me pardonner», a-t-il dit, notamment.

L’accusé a affirmé avoir vécu une dépression qui l’a amené à suivre une thérapie qui se poursuit aujourd’hui.

Suggestion commune

Les procureurs de la défense et de la poursuite ont proposé au magistrat une suggestion commune prévoyant un emprisonnement de 23 mois, une période de probation de 12 mois et une interdiction de conduire de trois ans.

En défense, Me St-Onge a fait valoir les facteurs aggravants, certes, le nombre de victimes et les conséquences horribles, mais aussi les facteurs atténuants, le plaidoyer de culpabilité, son absence d’antécédents judiciaires et les projets qu’il mijote au niveau professionnel. «Il a entrepris des démarches pour un programme professionnel parce qu’il sait que le taxi, c’est fini pour lui. En tenant compte des différents facteurs, je pense qu’il s’agit d’une peine juste», a-t-il signalé.

Le juge Bruno Langelier devrait, a-t-il souligné, entériner cette suggestion, mais il a tenu à s’accorder un moment de réflexion pour analyser l’ensemble du dossier. «Sans vouloir prolonger votre supplice, a-t-il dit aux familles présentes, je veux prendre un moment pour y réfléchir. Mais probablement que le Tribunal ne s’écartera pas de la suggestion des parties.»

Le magistrat fera connaître sa décision le 11 décembre. Il pourrait lire aussi les propos que le jeune homme paralysé a écrits, si ce dernier consent à la lecture publique.