Les doutes sur l’identité de Buffy Sainte-Marie ébranlent les Premières Nations
Les doutes soulevés quant à la sincérité de Buffy Sainte-Marie auprès des Premières Nations ébranlent la communauté dont elle prétend faire partie.
Un reportage de la CBC selon lequel l’ascendance de la chanteuse ne serait peut-être pas autochtone a relancé le débat sur qui peut parler au nom de qui.
Eleanore Sunchild, avocate et professeure autochtone, souligne que Sainte-Marie n’a pas utilisé ses revendications d’identité pour obtenir des avantages, contrairement à d’autres soi-disant «prétendants».
Tracy Robinson, membre d’un groupe autochtone qui s’est prononcé dans des cas similaires, affirme que Sainte-Marie a une longue histoire d’implication auprès de la communauté crie Piapot de la Saskatchewan, qui la défend.
«C’est comme dire aux gens que le Père Noël n’existe pas», a déclaré Mme Robinson.
Mme Sainte-Marie a déclaré jeudi, avant le reportage de CBC, qu’elle ne savait pas qui sont ses parents biologiques et qu’elle se considérait comme «une fière membre de la communauté autochtone avec de profondes racines au Canada ».
Beaucoup défendent la musicienne très appréciée, affirmant qu’elle n’a jamais utilisé son héritage autochtone pour progresser et qu’elle entretient des liens solides et de longue date avec une communauté crie de la Saskatchewan.
D’autres disent que si Mme Sainte-Marie ment sur son passé, cela a pour effet de fait taire ceux qui ont subi des torts.
«Cela tait notre voix authentique et enlève des espaces aux peuples autochtones qui en ont vraiment besoin», a déclaré Crystal Semaganis, une survivante de la rafle des années 60, qui fait référence aux milliers d’enfants autochtones qui ont été adoptés dans des familles éloignées de leur culture d’origine.
Des controverses sur des individus se prétendant Autochtones ont éclaté ces dernières années. Certains défenseurs des Autochtones estiment que de la sorte, les imposteurs privent d’opportunités et de ressources ceux à qui celles-ci sont réellement destinées.
Le cas de Mme Sainte-Marie est différent, a déclaré Eleanore Sunchild, avocate et professeure autochtone.
«Il y a une grande différence entre les gens qui savent qu’ils ne sont pas autochtones, mais qui continuent de raconter de fausses histoires, et les gens comme Buffy qui, honnêtement, ne savent pas d’où ils viennent», a-t-elle nuancé.
Loin d’en tirer profit, Mme Sainte-Marie a pris des risques en raison de ce qu’elle croyait être son identité, a déclaré Mme Sunchild.
«Elle (plaidait pour la cause autochtone) alors qu’il était dangereux de le faire. Elle s’est mise en première ligne», a-t-elle relevé.
La validité d’un acte de naissance contesté
De plus, Mme Sainte-Marie entretient des liens anciens et intimes avec ce qu’elle appelle sa communauté natale, la Première Nation Piapot, au nord-est de Regina.
«Elle sera toujours notre tante et personne ne peut rien y faire», a déclaré sa nièce Ntawnis Piapot.
Cette dernière a déclaré que sa famille soutenait Mme Sainte-Marie et elle a qualifié la présentation, par CBC, de l’acte de naissance américain de la chanteuse de «tenue de registres coloniaux».
Mme Sunchild a également remis en question la véracité du document, affirmant que de nombreux documents de cette époque avaient été falsifiés.
«J’ai vu des adoptés avec des actes de naissance avec des noms et des lieux qui correspondent à ceux des parents adoptifs, a-t-elle déclaré. Je sais que les archives ne sont pas exactes.»
Mais être adopté dans une famille n’est pas la même chose que d’être nommé pour parler au nom de qui que ce soit, a déclaré l’écrivain et journaliste autochtone Drew Hayden Taylor.
« C’est leur droit », a-t-il déclaré. « Mais ce membre de ma famille peut-il parler au nom de l’ensemble de la nation autochtone ? C’est une autre discussion. »
Il a néanmoins soutenu que les communautés autochtones pouvaient décider de leur appartenance.
«Auparavant, c’était la culture dominante qui décidait de tout. Cela change maintenant», a-t-il soutenu.
Quelque chose ne cadre peut-être pas dans le récit de Sainte-Marie sur son passé si les médias s’intéressent à son histoire, a-t-il ajouté.
«Là où il y a de la fumée, il y a du feu. Une bonne partie de la communauté autochtone canadienne est admiratrice de Buffy et cela jette un gros nuage noir sur cette communauté», a-t-il dit.
L’histoire de CBC, si elle est vraie, est douloureuse, a-t-il déclaré.
Vendredi, le fil des médias sociaux de la chanteuse comptait des dizaines de messages exprimant son soutien, et Hayden Taylor a déclaré que Mme Sainte-Marie était plus qu’aimée par de nombreux peuples autochtones.
«Elle a passé tellement d’années dans le cœur des peuples autochtones d’Amérique du Nord que je ne pense pas que cela affectera du tout sa (statut)», a-t-il avancé.
Le Collectif des femmes autochtones a dénoncé d’autres cas d’identité douteuse, mais Mme Robinson a qualifié l’histoire de CBC de «vérité inattendue» venant de l’extérieur de la communauté autochtone. Elle craint que le débat sur ses conclusions ne divise les peuples autochtones.
«Cela traumatise les gens parce que c’est une vérité inattendue. Les peuples autochtones se sentent attaqués. La seule chose que nous pouvons vraiment apprendre de cela concerne nous-mêmes et notre propension à nous diviser», a-t-elle fait valoir.
Mme Semaganis a déclaré que Mme Sainte-Marie peut continuer à être un phare de créativité et de droits de la personne, mais que la situation devra peut-être changer.
«Tout le monde aime Buffy Sainte-Marie. J’aime Buffy Sainte-Marie. Les chansons qu’elle a écrites viennent d’un lieu spirituel et j’honore sa famille Piapot qui l’a adoptée», a-t-elle affirmé.
«Je sais qu’il faudra du temps à mon peuple pour l’accepter, mais j’espère que les gens feront de la place dans leur vie pour la vérité et que nous pourrons continuer à aimer Mme Sainte-Marie», a-t-elle ajouté.