Crimes sexuels présumés : René Bergeron subit son premier procès

Le premier des trois procès de René Bergeron, arrêté le 10 février, s’est tenu, mardi, au palais de justice de Victoriaville, un procès en lien avec des accusations d’agression sexuelle et de voies de fait, des gestes qui seraient survenus le 6 décembre 2020 à Warwick.

La procureure de la poursuite, Me Cynthia Cardinal, a fait entendre un seul témoin, la plaignante, une jeune femme âgée de 18 ans.

Au préalable, en début d’audience, Me Cardinal a plaidé la pertinence d’un télé-témoignage, c’est-à-dire un témoignage dans une autre salle du palais de justice pour éviter à la plaignante de témoigner devant l’accusé.

Après avoir entendu les arguments de la représentante du ministère public et ceux de l’avocat de René Bergeron, Me Jean-Philippe Anctil, la juge Dominique Slater de la Cour du Québec, qui préside le procès, a considéré qu’il était dans l’intérêt de la justice de permettre le télé-témoignage sans nuire à l’accusé qui, a-t-elle conclu, « ne perd aucun droit ».

Le témoignage a alors pris son envol, un témoignage frappé d’une ordonnance de non-publication interdisant de révéler l’identité de la présumée victime et toute information permettant de la découvrir.

La plaignante a répondu aux questions de Me Cardinal, d’abord pour établir le contexte pour en arriver ensuite au 6 décembre 2020, journée où les gestes reprochés auraient été commis.

La jeune femme, émotive, a demandé et obtenu une pause à un certain moment. Quelque 20 minutes plus tard, le témoignage a repris. Elle a raconté des faits qui se seraient produits dans le véhicule de l’accusé, un Jeep bleu, dans un secteur boisé.

René Bergeron, a-t-elle relaté, aurait consommé (de la drogue), avant de lui détacher son soutien-gorge pour ensuite l’embrasser vigoureusement. « Avec sa langue dans le fond de ma gorge », a-t-elle relaté.

La plaignante a fait part d’un certain black out, de difficultés à se rappeler. Elle s’est toutefois souvenue que l’accusé aurait posé sa main sur ses parties intimes. 

Le quinquagénaire, a-t-elle raconté aussi, lui aurait retiré l’élastique qui lui faisait une couette et lui aurait fait savoir qu’il préférait les cheveux lousses.

Son dernier souvenir, a-t-elle confié, remonte à son arrivée chez elle, l’accusé étant sorti du véhicule pour l’aider à monter ses sacs. « Il m’a demandé si mon père était là, puis il est reparti », a-t-elle indiqué.

Chez elle, la jeune femme ne se sentait vraiment pas bien, « comme si je voyais flou et je ne sentais plus aucune partie de mon corps ». Dans son bain, elle a raconté avoir « comme des hallucinations ».

Questionnée par Me Cardinal, la plaignante a exprimé son malaise de voir l’accusé consommer dans son véhicule. La peur, a-t-elle expliqué, et le fait qu’elle se trouvait au milieu de nulle part sans savoir où elle se trouvait, ont fait en sorte qu’elle est demeurée dans le véhicule.

Au lendemain des événements allégués, la jeune femme se sentait « à off », comme un lendemain de brosse avec des nausées et l’envie de dormir.

Contre-interrogatoire

Pendant un peu moins d’une demi-heure, l’avocat de René Bergeron, Me Jean-Philippe Anctil a contre-interrogé la plaignante qui a admis avoir participé, la veille des faits présumés, à une soirée bien arrosée où se trouvait notamment l’accusé.

Les gestes de René Bergeron auraient été posés par-dessus ses vêtements, a-t-elle précisé.

Aux questions de l’avocat, la plaignante a offert peu de réponses , n’ayant pas de souvenirs notamment sur la durée des prétendus gestes, sur de possibles paroles de part et d’autre, sur ce qu’elle aurait fait pour faire cesser la situation et sur la façon dont elle aurait repoussé l’accusé au moment où il l’aurait embrassée.

La plaignante a reconnu aussi avoir menti au sujet d’une blessure au poignet pour ne pas inquiéter son père.

Défense

En défense, Me Anctil a appelé son client à la barre pour qu’il puisse livrer sa version des faits.

L’homme de 51 ans a nié les gestes qu’on lui reproche, mais, comme il consommait beaucoup de cocaïne à l’époque, il reconnaît s’être arrêté à la halte de la route Kirouac dans la courbe à 90 degrés tout près du bois et de la piste cyclable du Parc linéaire. Il a fait un arrêt pour consommer et a discuté avec la jeune femme. 

La consommation l’a sauvé, a-t-il soutenu. « Après une pof, tu es sur un nuage. Tu es conscient, lucide, tu ne vois que le positif. C’est grâce à ça si je suis là, sinon je serais mort », a exprimé l’accusé qui, en 2020, a connu au plan personnel la pire année de sa vie.

En contre-interrogatoire, Me Cardinal l’a longuement questionné sur sa consommation, mais aussi sur certaines contradictions. Interrogé sur la durée de l’arrêt à la halte de la route Kirouac, l’accusé a d’abord affirmé qu’il était impossible qu’il y soit demeuré une heure, parlant plutôt de 15 ou 20 minutes, avant de reconnaître que, finalement, c’était plausible puisqu’il avait pris deux pofs de coke.

La représentante du ministère public l’a aussi confronté avec certains propos tenus aux policiers lors de sa déclaration vidéo.

Plaidoiries

En défense, Me Jean-Philippe Anctil s’est dit convaincu de l’absence, ici, d’une preuve hors de tout doute raisonnable, évoquant « les gros manques dans la version de la plaignante ». « Elle a été imprécise, souvent floue. Elle a été incapable de donner des précisions, disant ne pas se souvenir. On est dans un procès d’agression sexuelle, c’est sérieux. On ne peut pas être imprécis. Il y a tellement de manques dans cette histoire. Elle offre toujours des réponses évasives », a-t-il fait valoir.

Pourtant, a-t-il noté, les faits reprochés sont récents. « On n’est pas en 1985. Il est question du 6 décembre. On parle d’un jour, d’un événement qui n’a pas duré longtemps. On doit se rappeler de tout ça. Pour avoir une preuve hors de tout doute raisonnable, il faut une preuve convaincante sur tous les éléments essentiels de l’infraction. On est loin de ça », a-t-il conclu, affirmant que « tout milite en faveur de l’acquittement tant sur le chef d’agression sexuelle que sur celui de voies de fait ».

De son côté, Me Cynthia Cardinal a rappelé qu’en présence de versions contradictoires, le Tribunal doit les analyser en fonction de l’ensemble de la preuve présentée.

Certains éléments correspondent, a-t-elle noté, comme le lieu des présumés gestes. « Madame ne connaît l’endroit, mais il correspond à celui décrit par Monsieur. Même chose pour la durée. La plaignante affirme que ça lui a paru long. Monsieur parle d’une heure », a-t-elle exposé.

La procureure de la poursuite a qualifié le témoignage de la plaignante de « sincère et crédible ». « Elle n’a pas cherché à en rajouter. Elle a été honnête, mentionnant ce dont elle se rappelait. Oui, certains souvenirs sont incomplets, d’autres sont clairs. Elle doit être crue », a-t-elle conclu

Le procès terminé, la juge Slater a pris l’affaire en délibéré. Elle pourrait, vendredi, faire connaître la date où elle rendra son verdict dans cette affaire

Par ailleurs, un deuxième procès a été fixé au 7 septembre, un procès d’une journée. Les parties tenteront également, vendredi, de trouver des dates pour un troisième procès d’une durée de deux jours, celui-là.