Aide médicale à mourir : de l’inquiétude chez les organismes d’aide en santé mentale

Le Regroupement des organismes de base en santé mentale des régions de la Mauricie et du Centre-du-Québec (ROBSM) s’inquiète devant le projet d’élargissement de la loi concernant les soins de fin de vie concernant les demandes réalisées pour seul motif de troubles de santé mentale.

L’organisme s’oppose à l’accès à l’aide médicale à mourir pour seul motif de trouble de santé mentale pour les personnes vivant avec de telles problématiques, notamment en raison du caractère irrémédiable de la maladie qui ne peut être confirmé par aucune donnée probante.

« Un trouble de santé mentale n’a pas une évolution linéaire comme un cancer ou une sclérose en plaques, par exemple. Ce n’est pas quelque chose qui se mesure. Quand une personne apprend qu’elle a une maladie mentale, elle n’est pas en mesure n’avoir une idée claire du processus qui suivra », explique Jonathan Lacasse, codirecteur du ROBSM. « On craint aussi la discrimination et la stigmatisation que ça va amener. Dans les pays où c’est légal, on remarque que ça touche un certain type de clientèle plus vulnérable. Et l’aide médicale à mourir, ça demeure un suicide assisté. Ça envoie un drôle de message quand on martèle aux personnes vivant avec un trouble de santé mentale que le suicide n’est pas une option. Ça envoie un message aux gens que s’il n’y a plus d’espoir, c’est la dernière alternative qu’il reste », ajoute-t-il.

C’est une inquiétude majeure, car la notion de l’espoir demeure au coeur du rétablissement.

« En ce qui me concerne, côté santé mentale, j’entends des voix. Bien que rétabli à 90%, depuis quelques années, il reste un 10% pendant lequel, presque quotidiennement, les voix me disent de me suicider. Je les ignore tout simplement et dédramatise la situation. Je crois donc à une vie épanouie où le suicide n’est pas une solution, tout comme l’aide médicale à mourir qui est, pour moi, un suicide déguisé et institutionnalisé », mentionne René Sicard, pair aidant communautaire pour le ROBSM 04-17.

« N’oublions pas qu’un trouble de santé mentale est plus difficile à diagnostiquer, rappelle, pour sa part, M. Lacasse. Il y a très peu de données probantes au niveau de la santé mentale. »

Le codirecteur du ROBSM 04-17 préférerait voir davantage de soutien à la recherche dans le domaine afin de mieux outiller les différents intervenants et favoriser l’apprentissage sur ces maladies.

« Dans un contexte de sous-financement chronique en santé mentale, ça nous porte à nous questionner. Élargir la loi reviendrait à offrir une solution irrémédiable quand la personne n’a peut-être pas pu bénéficier de tous les services dont elle aurait eu besoin. Il y a également des disparités régionales : avoir accès à un psychiatre à Montréal ou sur la Côte-Nord, ce n’est pas la même chose », plaide-t-il.

Jonathan Lacasse souligne cependant que le débat vient reconnaître la souffrance psychologique au même titre que la souffrance physique. « Ça montre que la souffrance psychologique est importante et légitime. Mais -peut-on s’assurer que l’aide médicale à mourir ne devienne pas un outil d’intervention?», conclut-il.

Le ROBSM regroupe près d’une trentaine d’organismes communautaires en santé mentale sur le territoire de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec. Il a pour mission, par et pour ses membres, de permettre à la population d’avoir accès à une gamme variée de services communautaires et alternatifs en s’appuyant sur la formation, la concertation du milieu et la représentation.