Une jeune entrepreneure qui voit sa vie et son entreprise fleurir en temps de pandémie

En ces temps de pandémie, où tout est remis en question dans nos vies quotidiennes et comme société, qu’en est-il de l’avenir de l’agriculture? Et de la relève? Est-elle si différente? Trouvera-t-elle des solutions aux innombrables défis de l’agriculture?

Dans l’entrevue qui suit, je vous présente le parcours inspirant de Lizianne Fortier, consultante en marketing et en communications qui a fait le choix inusité de devenir agricultrice.

Cette jeune entrepreneure a osé faire le grand saut de la ville à la campagne pour accomplir son rêve, celui de devenir floricultrice et consultante en marketing pour des entreprises agricoles. Elle est nouvellement propriétaire d’une ferme florale spécialisée dans la culture des pivoines, la Pivoinerie Lili. Voici les motivations de cette jeune femme entrepreneure qui a fait le choix de s’établir différemment, et ce, malgré la pandémie.

Quelles sont les raisons qui ont motivé vos choix de devenir une entrepreneure agricole dans un domaine peu conventionnel?

Au cours de ma carrière, j’ai travaillé pour de nombreuses grandes entreprises et j’ai obtenu plusieurs diplômes. Je croyais bien que ma vie serait urbaine, dans une «tour à condos» au centre-ville de Montréal, avec un emploi prestigieux parmi des actionnaires réputés. Travail, métro, pas de dodo! Des dirigeants incroyables m’ont pris sous leurs ailes, dans mon objectif de devenir vice-présidente d’une grande entreprise renommée avant mes 40 ans.

J’ai fait mon chemin en entreprise en poursuivant ce but. Je me suis démarquée par mes performances, par ma personnalité, par mes idées audacieuses. J’ai même gagné plusieurs prix!

Puis, la vie m’a donné une bonne jambette, un moment d’arrêt obligatoire causé par une maladie qui a soudainement entraîné mon père dans le coma, se battant pour sa vie pendant plusieurs mois. Ce combat contre la maladie a duré finalement quatre ans. Mon père est décédé d’une bactérie à 59 ans. Au cours de cette dure épreuve, un nouvel homme est entré dans ma vie – un bel agriculteur! On se serait cru dans l’émission L’amour est dans le pré! Pareil, et même encore plus beau! Entre les dodos sur les chaises d’hôpital, les voyages d’affaires, le travail de 60 ou 70 heures par semaine, la ferme laitière de mon conjoint et puis la mort de mon papa, un temps d’arrêt a été nécessaire.

J’avais besoin de travailler différemment, de m’accomplir comme humain, comme maman, comme entrepreneure. Changer ma vie, vivre ma vie, au lieu de courir sans arrêt après le temps qui passe finalement beaucoup trop vite. Je me suis jurée qu’avec mes compétences et mes aptitudes, j’allais transformer ma vie professionnelle positivement et celle des autres autour de moi. J’ai mis mon condo du centre-ville en vente, j’ai déménagé ma maison, ma vie et mes idées de grandeur dans la MRC d’Arthabaska. Après avoir travaillé durant 15 ans en marketing et en communications, notamment en télécommunications, dans le domaine sportif, dans le monde municipal ainsi que dans le secteur agricole pour une fédération de l’UPA, j’ai enfin décidé de concrétiser un rêve qui m’était cher, devenir entrepreneure en démarrant ma pivoinerie et devenir consultante en marketing, principalement pour des entreprises agricoles.

J’ai démarré ma ferme florale à Saint-Albert, dans la région du Centre-du-Québec. Une petite ferme de fleurs avec une grande mission : semer du bonheur!

Cultiver des pivoines à partir de zéro, c’est un long chemin et beaucoup d’investissements financiers, d’espace de terrain, d’apprentissages, de jus de bras, de patience et l’ambition de croire en ses projets. Une fois les racines de pivoine mises en terre, il faut attendre un minimum de trois ans avant de pouvoir récolter commercialement les premières fleurs. Je le vois, mon beau gros champ de fleurs dans quelques années, rempli de visiteurs, de mariés, d’enfants, de sourires et de bonheur.

La pivoine est, à mon humble avis, la plus belle des fleurs, offrant des centaines de coloris. Elle est odorante, joufflue, noble, généreuse, princière et elle se distingue par sa grâce.

J’ai démarré ma ferme de pivoines à titre d’entrepreneure et j’accompagne, comme consultante, les agriculteurs dans leur mise en marché et leur plan de marketing, afin de faire fleurir aussi leurs entreprises.

Grâce au réseau Agriconseils, j’accompagne mes clients dans le développement d’une stratégie de marketing efficace, différente et novatrice. C’est vraiment très stimulant, puisque je collabore avec des entrepreneurs qui bouillonnent d’idées et de projets et qui innovent en agriculture. Avoir un plan de commercialisation et un plan marketing est crucial pour assurer le succès et la croissance d’une entreprise. De plus, la pandémie a rapproché les Québécois des fermes et ils veulent acheter des produits créés par des familles d’ici.

Quels sont les scénarios envisagés pour surmonter les défis en cette période de pandémie?

Cette année, l’industrie florale a été fortement ébranlée en raison de l’annulation de la très grande majorité des mariages. Mes fleurs seront en vente prochainement et j’escompte bien profiter de l’engouement qu’il y aura, pour les grandes vagues de mariages et d’événements lorsque la vie normale reprendra – bientôt, espérons-le.

De plus, la pandémie nous force à revoir nos façons de commercialiser les produits, d’aller à la rencontre de la clientèle, d’organiser l’achat en ligne, de faire une mise en marché différente et d’«encourager fortement» la migration de certaines activités de marketing vers le Web et les médias sociaux.

Tant pour ma pivoinerie que pour mes clients en agriculture, cela permet de nous dépasser dans les nouvelles idées de marketing. D’un point de vue personnel, je crois que la pandémie permet aussi de nous questionner sur la place que nous accordons à notre vie de travail par rapport à notre vie de famille, sur ce que nous aimons vraiment. Oui, j’ai beaucoup de projets pour l’avenir, mais je fonce de façon plus calme et plus bienveillante. En agriculture, on ne peut forcer la nature à aller plus vite et on ne contrôle pas à 100% le résultat final, car on est dépendant de plus grand que soi et on doit aussi faire confiance à la vie et trouver des solutions devant l’inconnu et l’inattendu.

Quelles sont les particularités de votre réseau actuel comparativement à votre ancien réseau?

La communauté mondiale des floriculteurs est généreuse tant en information, en conseil et en temps. J’ai suivi des formations et je suis membre de plusieurs groupes de discussion sur les réseaux sociaux et c’est la première fois que je fais partie d’une communauté d’affaires qui croit réellement que chaque entreprise a sa place et sa raison d’être. Il existe un esprit de partage que j’ai rarement vu dans un milieu d’affaires.

Chaque ferme florale a sa place. Depuis quelques années, partout dans le monde, il y a un énorme engouement pour les produits locaux. Les fleurs ne font pas exception. Au jardin comme en bouquet, les fleurs locales et de saison ont la cote au Québec. Je suis chanceuse d’avoir déjà créé un excellent réseau avec ces femmes et ces hommes qui m’appuient dans la réussite de ma ferme florale. J’ai très hâte de commencer la vente de mes pivoines.

Comme le montre le parcours inspirant de cette jeune agricultrice, la relève d’aujourd’hui est de plus en plus compétente et elle trouve des solutions aux innombrables défis que pose l’agriculture par son ouverture d’esprit, son ouverture sur le monde, sa capacité d’adaptation et sa grande capacité à innover. Cependant, la relève devra mettre plus d’efforts pour préparer un plan d’affaires, trouver des solutions de financement, bâtir un réseau, organiser la mise en marché, car les initiatives de démarrage d’entreprise ont lieu bien souvent dans des productions où les marchés sont peu développés. Les nouveaux venus doivent plus que jamais posséder un haut degré d’habileté et de connaissances pour réaliser leur rêve de s’établir en agriculture.