Des requérants inquiets des projets des fermes Lansi et Landrynoise

La commission d’enquête du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), présidée par Joseph Zayed, a entrepris, mardi soir, en mode virtuel, la première partie de l’audience publique sur les projets d’augmentation des cheptels laitiers des fermes Lansi et Landrynoise, toutes deux situées à Saint-Albert.

La Ferme Lansi, avec des investissements de 200 M $, augmenterait, d’ici 2055, son cheptel de 550 à 2400 vaches.

De son côté, la Ferme Landrynoise vise à augmenter de 2800 à 5200 le nombre de bêtes d’ici 2030, projet qui commande des investissements entre 30 M et 50 M $.

La présente audience publique a été ordonnée par le ministre de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, Benoît Charrette, à la suite de demandes formulées par trois requérants.

Sarah Lamontagne (Capture d’écran)

Du nombre, Sarah Lamontagne est d’avis que les projets n’envisagent que ce qui est prévu dans les règlementations pour éviter la contamination de l’eau, limiter les nuisances sonores et les odeurs, et protéger les bandes riveraines et les milieux naturels. Elle estime que c’est nettement insuffisant dans le contexte actuel. «C’est nettement insuffisant, car de bien meilleurs projets en nombre et en qualité ne pourraient se réaliser si les fermes Lansi et Landrynoise ou toutes autres fermes laitières conventionnelles continuent leur expansion dans notre région», a-t-elle plaidé, ajoutant que «si nous sommes devant le BAPE, c’est que le ministre a jugé que les projets d’une telle envergure ne peuvent être uniquement déterminés par le respect des règlements de l’économie».

La requérante a fait valoir la nécessité d’une «production diversifiée, écologique et locale. «Pour y arriver, on a besoin de terres abordables et disponibles. Un changement de vision s’impose et on doit prendre action pour un milieu rural dynamique et habité par des familles et des exploitants diversifiés»,  a soutenu Sarah Lamontagne.

Les projets Lansi et Landrynoise, selon elle, ne sont pas compatibles avec «cette vision d’une campagne dynamique et diversifiée, car ils contribuent au phénomène selon lequel le nombre de petites fermes diminue au profit de la croissance des grosses exploitations».

La requérante croit que l’économie régionale se fragilise si elle se base sur des productions et une industrie peu diversifiées.

Elle pointe aussi l’augmentation de la valeur des terres qui rend leur achat très difficile pour une relève. «Selon ma propre expérience, l’expansion des fermes laitières de la région m’a empêché d’acquérir une terre à un prix décent», a-t-elle exprimé.

Enfin, il serait pertinent, a-t-elle noté, de rendre les terres accessibles pour une grande diversité de petites fermes et d’y inclure des femmes qui démontrent de l’efficacité dans leurs décisions, notamment avec la protection de l’environnement.

Louis Lacroix (Capture d’écran)

Un autre requérant, Louis Lacroix, a exposé ses motifs pour justifier sa demande.

S’il se questionne au sujet de l’augmentation du transport lourd de lisier et de fumier sur les routes de la région, l’homme s’inquiète de l’accaparement par deux grandes entreprises et le risque que causerait la concentration de la propriété foncière dans les mêmes mains. «Cela pourrait limiter la possibilité d’installation en agriculture pour d’autres joueurs et joueuses», a-t-il signalé.

Louis Lacroix dit souhaiter, par ailleurs, un éclaircissement sur les impacts de l’accroissement et de la place des grandes fermes dans le paysage laitier québécois en tenant compte de l’ensemble des critères du développement durable. «Si ces projets, un à un, peuvent avoir un impact acceptable, il faudrait prendre l’ensemble des projets d’agrandissement pour évaluer les impacts au complet», a-t-il soutenu, précisant que quatre des cinq dernières consultations du BAPE concernaient des projets visant une hausse des cheptels laitiers.

Enfin, la troisième requérante, Camille O’byrne, tout en disant comprendre l’intérêt économique et social pour les initiateurs des projets, estime que des aspects socioéconomiques n’ont pas été étudiés dans l’étude d’impact. «À première vue, a-t-elle souligné, les risques de dégradation de l’environnement physique, social et économique sont plus importants que les gains évoqués…»

Camille O’byrne (Capture d’écran)

La jeune femme a fait part de ses inquiétudes sur différents points, dont la hausse du prix des terres empêchant l’accès à une relève non apparentée, la mainmise de l’industrie laitière sur les terres agricoles qui empêche les projets agricoles diversifiés de s’établir et de prospérer.

Son inquiétude se manifeste aussi vis-à-vis la disparition de fermes de taille plus modeste «qui entraîne une désertification humaine des campagnes et la fragilisation du tissu social local».

La suite

La séance, mardi soir, a permis aussi un rappel des deux projets avec les propriétaires des fermes et leurs personnes-ressources.

Des projets qui dépendent de l’achat de quotas et de l’achat ou de la location de terres.

Globalement, les intervenants ont rappelé les impacts plutôt faibles de ces projets sur l’eau, les sols, la végétation et l’émission des gaz à effet de serre et la mise en place de différentes mesures d’atténuation.

Le président de la commission d’enquête du BAPE a ajourné l’audience à 22 h 35, annonçant qu’elle allait reprendre à 13 h 30, mercredi, pour examiner notamment la problématique des eaux de surface et souterraines, des odeurs et de la contamination.

«Et on reviendra aussi en soirée pour permettre les derniers questionnements des participants et de la commission», a indiqué Joseph Zayed.

Une deuxième partie de l’audience publique suivra le 10 novembre, 19 h, pour l’audition des personnes, des groupes, des municipalités ou des organismes souhaitant présenter un mémoire ou exprimer verbalement leur opinion.

La commission d’enquête dispose de quatre mois pour réaliser son mandat. Le BAPE remettra son rapport au ministre au plus tard le 11 février 2021. Le ministre Benoît Charrette disposera ensuite de 15 jours pour le rendre public.