Paiements hypothécaires : le pire scénario se dessine

Le programme de report des paiements, consenti par le gouvernement fédéral en raison de la pandémie de COVID-19, arrive à échéance cet automne. L’explosion de la dette hypothécaire déboucherait sur une grosse crise si Ottawa ne fait rien.

La menace majeure est issue des différentes formes de sursis offertes sur les paiements. De nombreux acheteurs ont interrompu ou suspendu les versements en raison de la COVID-19. Ils devraient reprendre avec la fin des ententes de report ou d’abstention, mais une frange importante de débiteurs n’aurait pas encore retrouvé la santé financière.

Selon l’association des banquiers canadiens, 13 banques membres ont accordé des sursis et des sauts de paiements à plus de 775 000 particuliers au 31 juillet, ce qui représente environ 16% de leurs portefeuilles hypothécaires. Seulement 23% des bénéficiaires du programme ont repris les versements.

«Ça me surprendrait que le gouvernement ne fasse rien», espère Denis Doucet, porte-parole de Multi-prêt hypothèque, persuadé que l’écho de l’alerte retentit à Ottawa. De plus, la Société canadienne d’hypothèque et de logement (SCHL) vient de publier un rapport évocateur : les reports de paiements hypothécaires ont atteint 1 milliard de dollars chaque mois au printemps. Le total mensuel de ces paiements au Canada est de 1 333 milliards de $, selon une estimation d’Equifax Canada.

«Il plane toujours le risque d’une augmentation importante des prêts hypothécaires en souffrance au troisième ou au quatrième trimestre de cette année, à l’échéance des ententes de report», signale Audrey-Anne Coulombe, agente principale à la SCHL.

Elle y ajoute que «les difficultés découlant des pertes d’emplois et de revenu, combinées à des mesures de distanciation physique qui ont limité la capacité des acheteurs de visiter des propriétés en personne, ont contribué à la baisse de la demande de logement.»

Certains secteurs sont encore très vulnérables. C’est le cas des opérateurs de l’hôtellerie, des voyages et du tourisme qui seront les premiers à être à la merci de leurs créanciers en cas de deuxième vague.

Ottawa doit trouver une formule

«J’ai un logement préfinancé à 90% et je dois payer 1500 dollars par mois. Sans revenu stable, je ne pourrai plus honorer mes engagements en octobre», explique un acheteur sous anonymat au téléphone. D’autres s’abstiennent d’y penser, encore moins d’en parler.

«C’est le scénario d’un paquet de maisons saisies et qui n’auront pas de preneur», indique Denis Doucet. Il estime qu’à l’image de la Prestation canadienne d’urgence (PCU), les reports des paiements hypothécaires connaîtront une fin peu tumultueuse. M. Doucet suggère que le programme subisse une révision afin que les banques renouent avec les recettes et le retour progressif du capital. Les nouveaux critères d’admissibilité pourraient être resserrés sur la base des informations que les banques ont sur leurs clients, afin que le gouvernement n’apporte de l’aide qu’à ceux qui en ont réellement besoin. À titre d’exemple, il est possible qu’un travailleur de la santé ait connu sa période de vaches grasses au plus fort de la pandémie.

Dans le pire des scénarios, il faudra que la SCHL s’appuie sur une police d’assurance assez robuste pour racheter des propriétés issues de l’excès de méventes ou de cas d’insolvabilité.

«Laisser l’immobilier par exemple aux Chinois aurait des enjeux plus importants et rendrait la situation plus complexe. On n’a aucune indication, mais ils vont certainement sortir une formule pour éviter une catastrophe», subodore M. Doucet dans l’illustration des cas de figure.

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