Financement de l’INAB : le Cégep fourbit ses armes

Avec quelque 250 étudiants après trois années seulement, l’Institut national d’agriculture biologique (INAB), un projet de 18 M $, dépasse «les plus folles espérances»,  a exprimé le directeur général du Cégep de Victoriaville, Denis Deschamps, à l’occasion de la séance virtuelle du conseil d’administration. Et pourtant, a-t-il déploré, l’INAB ne dispose toujours pas d’un budget de fonctionnement adéquat et pérenne.

Mais dans l’actuel contexte de la COVID-19, Denis Deschamps sent qu’il y a un momentum à saisir. «Un élément qui pointe très fort à tous les niveaux, local, régional et national, c’est l’importance de tout ce qui touche le bioalimentaire et le monde agricole au Québec. Le discours fait état de souveraineté alimentaire, de politique bioalimentaire, du fait qu’on soit autonome et non dépendant d’autres régions pour nos besoins», a-t-il exprimé.

Dans l’esprit des dirigeants du Cégep, l’INAB constitue l’un, sinon le véhicule par excellence au Québec pour l’atteinte des objectifs au niveau national. «L’INAB, a précisé M. Deschamps, forme la moitié  des étudiants en agriculture inscrits dans un Cégep au Québec.»

Denis Deschamps, directeur général du Cégep de Victoriaville (Photo www.lanouvelle.net – Archives)

Au-delà des nombreuses démarches effectuées à ce jour, le Cégep estime être rendu à une étape où il doit se faire entendre davantage. «Taper sur le clou et mettre davantage de pression pour qu’on puisse arriver à nos fins», a-t-il plaidé.

Aux représentants gouvernementaux, les dirigeants du Cégep mettent notamment en lumière le fait que les centres d’études collégiales, qui font office de satellites à des collèges, touchent un financement d’environ 600 000 $ ou 700 000 $. «Plusieurs de ces centres offrent des formations, comme les sciences humaines, sciences de la nature et comptabilité et gestion. Des programmes donc qui n’ont pas le caractère lourd d’un programme agricole comme le nôtre, a fait remarquer Denis Deschamps. Et souvent, ces centres ont moins d’étudiants que les 250 de l’INAB. Pourquoi ces établissements en périphérie disposeraient d’un financement de cette nature alors que l’INAB ne l’aurait pas?»

C’est pourquoi, Denis Deschamps croit en la nécessité d’aller plus loin dans les démarches. C’est le sens d’ailleurs d’une résolution adoptée par le conseil d’administration.

Dans cette résolution, le Cégep déplore les blocages actuels qui mettent en péril la viabilité à long terme de l’INAB et la santé financière du Cégep.

Il demande au ministère de l’Enseignement supérieur (MES) une allocation fixe particulière pour la reconnaissance de son expertise et de sa formation en agriculture biologique et en agriculture urbaine.

Le conseil d’administration interpelle ainsi la ministre du MES (Danielle McCann), le ministre de l’Agriculture et responsable du Centre-du-Québec, André Lamontagne et le député d’Arthabaska, Éric Lefebvre, très informé de l’évolution du dossier.

La présidente du CA, Virginie Bonura (Photo www.lanouvelle.net – Archives)

La résolution mandate aussi la présidente du CA, Virginie Bonura, et le DG Denis Deschamps à faire toutes représentations médiatiques et politiques nécessaires dans ce dossier auprès des élus locaux, régionaux et provinciaux. «Un Cégep, tout récemment, a obtenu un financement pour son centre d’études collégiales après six ans d’opération, je pense. Moi, je vous le dis tout de suite. Je n’ai pas le goût d’attendre six ans, a assuré M. Deschamps. L’INAB, avec ses besoins, avec ce qu’on y fait, avec l’ensemble des choses qu’on doit dépenser pour assurer le modèle pédagogique de formation, il serait opportun et pertinent qu’on ait un budget de fonctionnement pour nous appuyer dans les 18 millions $ qu’on a investis dans la bâtisse et en équipements. Je veux challenger le ministère pour qu’on reconnaisse la particularité du modèle de l’INAB dans sa mission. C’est un incontournable, même dans la stratégie que souhaite se donner le gouvernement dans les prochaines années.»

Pour la nouvelle présidente Virginie Bonura, le temps est effectivement venu pour que d’autres actions soient menées pour exercer une pression. «Cependant, il faut être stratégique dans ce qu’on va faire, profiter du momentum, voir à mettre des efforts avec une stratégie de communication. On ne fera pas ça n’importe comment», a-t-elle confié.

Normand Poniewiera, directeur de l’INAB (Photo www.lanouvelle.net – Archives)

Directeur de l’INAB, Normand Poniewiera a fait valoir cette particularité dans la philosophie du Cégep, dans sa façon de vouloir enseigner l’agriculture, une formation axée sur la pratique qui n’est pas nécessairement reconnue, selon lui, par le ministère.  «Ça coûte plus cher, en effet, mais c’est le modèle qu’on doit avoir. On en fait la  démonstration, c’est un succès. Le modèle prôné à Victoriaville répond à un besoin pour les jeunes, pour la relève, dans un contexte de pandémie où les agriculteurs ont fait savoir qu’ils manquaient de main-d’œuvre. Nous, on forme la relève de demain. On est à pleine capacité. Je me demande ce qu’on doit faire de plus pour prouver au ministère que le modèle fonctionne. C’est ce que veulent les jeunes et c’est ce que désirent aussi les producteurs en termes de formation», a-t-il exposé.

De plus, a-t-il ajouté, en production animale, la construction d’un pavillon permet de montrer aux jeunes une diversité de productions (sangliers, chevreaux, lapins, agneaux), non seulement la production laitière.

Le directeur des études, Christian Héon, a rapidement saisi la balle au bond. «Il s’agit là d’ailleurs d’un objectif du ministère de diversifier les productions. Nous avons été l’un des premiers collèges, un des plus rapides à diversifier l’enseignement des productions. Ils doivent faire quelque chose, sinon ils vont avoir l’air fou tantôt», a-t-il lancé.