Les premiers défis d’Erin O’Toole à la tête du Parti conservateur

L’ancien pilote de 47 ans marqué aux couleurs très à droite, arrive dans un contexte de relance économique à la veille d’un vote de confiance à la Chambre des Communes.

Loin d’un hélicoptère de l’aviation royale, Erin O’Toole doit désormais piloter l’opposition officielle que ses partisans et lui avaient contribué à remettre entre les mains d’Andrew Scheer en 2017. Il avait terminé troisième cette année-là et contrairement à Maxime Bernier, il est resté fidèle au chef de sa formation politique.

L’ancien ministre des anciens Combattants a 5 semaines pour définir le cap avant la reprise assortie du discours du Trône et éventuellement de la stabilité ou non du gouvernement minoritaire.

«Vous avez mis votre foi en moi pour diriger ce parti historique et je suis honoré et touché », a-t-il déclaré avant d’ajouter : « je vous promets que je ne vous laisserai pas tomber.»

Erin O’Toole montrera encore mieux ses couleurs quand il aura formé son cabinet fantôme. Des questions perdurent sur la qualité de ses ressources tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du parti. Toujours est-il qu’il gagnerait à ériger un ralliement plus fort en réservant une niche à son poursuivant immédiat Peter Mackay et aux forces vives de la coalition nationale pour la vie, à qui il doit sa victoire.

«Jamais cette coalition n’avait autant bien fonctionné», a relevé le député bloquiste Louis Plamondon, en commentant cette victoire d’Erin O’Toole. Il n’écarte pas la nécessité pour le nouveau chef de recruter «quelques grosses pointures» pour se donner plus de prestige.

Vers le discours du Trône

Ce n’est pas fini, Erin O’Toole devra se prononcer sur le discours du Trône et le budget. Les pronostics sur les prochains épisodes au Parti conservateur varient selon les grilles de lecture. Il est un peu tôt pour savoir si le nouveau chef ira à l’élection cet automne.

«Je n’ai pas l’impression qu’il en a envie», lance le député Louis Plamondon qui soupçonne M. O’Toole d’être «à l’aise avec le budget.» L’urgence n’est pas l’équilibre budgétaire. Dans le même temps, le doyen de la Chambre des Communes note que le nouveau chef de l’opposition officielle «doit montrer qu’il a une vision à long terme qui inclut le rétablissement des finances.» Sa désapprobation au discours du Trône oblige les libéraux à se confier au NPD déjà «en négociation pour un bonbon.»

Dans ses premiers mots, Erin O’Toole s’est montré préoccupé par les enjeux économiques de l’heure et notamment la relance de l’économie durement affectée par la pandémie.

«Je ne vais pas juste critiquer les libéraux. Nous allons proposer une vision d’un Canada plus fort, plus uni et plus prospère», a-t-il lancé, promettant de défaire le gouvernement en automne si nécessaire.

«Les positions conservatrices seront ainsi clarifiées et alimenteront des débats utiles afin que les Québécois fassent des choix dans la perspective du temps qu’il reste au gouvernement Trudeau», a posté le chef di Bloc québécois, Yves-François Blanchet sur son fil Twitter.

Très à droite ?

 En élisant Erin O’Toole à la tête de leur parti, les conservateurs ont encore manqué l’opportunité que leur donnait Peter Mackay d’aller vers le centre. Le choix de ce député ontarien qui s’est présenté comme étant un chrétien catholique remettrait des questions telles que l’avortement, les mariages gays ou encore l’environnement sur la table. Face aux caciques de l’aile dure, il a précédemment opté pour la liberté de conscience en cas de débats. Son président de campagne Alupa Clarke le décrit comme «un homme très proche des gens qui a voté en faveur des projets de loi LGBTQ à la Chambre des Communes.»

«Que vous soyez hétérosexuel ou gai, que vous n’ayez jamais voté conservateur ou que vous n’ayez même jamais voté, que vous priiez le vendredi, samedi, dimanche ou jamais, que vous soyez nouveau canadien, vous avez une place chez les conservateurs», a lancé Erin O’Toole dans son discours de victoire.

Selon M. Plamondon, la première victoire vient de l’aile nationaliste qui prime au-delà de l’identité québécoise. Le parti conservateur a encore du chemin au Québec où les sondages le situent aux alentours de 16 %, soit moins de 10 sièges. Le député bloquiste se souvient des progressistes conservateurs et des années Mulroney que le Québec n’a plus connues.

«On aurait dit que Peter Mackay partait tellement sûr de gagner que son équipe n’a pas fait les efforts qu’il fallait» dit-il, ajoutant qu’il était considéré comme étant beaucoup trop au centre.

Erin O’Toole n’a pas non plus toutes les cartes

«Il faut qu’il soit respectueux des juridictions provinciales, mais encore faut-il en avoir les moyens», relève le doyen de la Chambre qui note également que l’absence de l’environnement dans les débats serait aussi une faiblesse. Alupa Clarke défend sur ce dernier aspect, des dizaines de pages dans le programme connu sur le tard.

Il reste à dissiper quelques incertitudes sur le projet du corridor énergétique transcanadien d’Andrew Scheer. Il devrait permettre d’acheminer du pétrole de l’Ouest à l’Est et d’exporter l’hydroélectricité du Québec dans le reste du pays. Les prochains jours éclaireront davantage sur l’ère O’Toole et détermineront l’allure de la courbe conservatrice au Canada.