Sangliers : une des «pires espèces envahissantes»

Il y a une bonne raison qui explique pourquoi le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs surveille d’aussi près les élevages de sangliers au Québec : le sanglier est l’une des espèces envahissantes les plus néfastes au monde et seulement quelques individus en liberté pourraient implanter pour de bon l’animal sur le territoire.

La liste des conséquences de la présence de sangliers en nature est longue. Ils sont notamment reconnus pour causer des dommages importants aux récoltes.

«C’est un animal omnivore qui mange des racines, donc il creuse et détruit l’habitat, explique Yannick Bilodeau, biologiste et responsable de la faune terrestre et ses habitats pour le ministère. Il peut détruire de bonnes portions de champ. Ce n’est pas une espèce qu’on veut avoir.»

M. Bilodeau donne l’exemple d’un signalement à Durham-Sud où un groupe de sangliers a saccagé un hectare de maïs.

Les sangliers sont aussi des prédateurs efficaces et peuvent se nourrir de petits reptiles, d’oiseaux nichant au sol, d’œufs et même de petits animaux selon le Ministère. Ils peuvent également, à l’occasion, tuer et manger des faons de cerfs de Virginie. Les experts estiment que chaque sanglier à l’état sauvage détruit plus de 4 hectares de terres humides au cours de sa vie, ce qui représente huit terrains de football.

Aux États-Unis, la lutte aux sangliers et les dommages causés coûtent 1,5 milliard de dollars annuellement.

Pas de population sauvage pour l’instant

Il n’y a aucun sanglier en nature au Québec pour le moment. Or, il arrive souvent que des animaux s’échappent de leur enclos. Le Ministère intervient à ce stade puisque l’animal peut se reproduire très rapidement.

Dans des conditions optimales, les laies (femelles du sanglier) peuvent se reproduire dès l’âge de 6 mois et avoir deux portées de 2 à 8 (et parfois 12) marcassins tous les 12 à 15 mois.

«C’est une espèce qui s’adapte facilement à son milieu, explique M. Bilodeau. Un secteur peut tripler sa population en une seule année. Au Québec, on sait que l’espèce peut s’accoupler en nature, donner naissance en nature et élever des petits en nature. Elle est capable de traverser l’hiver. C’est un animal qu’on retrouve même en Sibérie. »

Importance des signalements

Au Québec, c’est près d’une trentaine de signalements qui sont faits chaque année.

«Les cas qui nous sont rapportés sont des animaux qui se sont échappés d’élevage, admet M. Bilodeau. Il est aussi possible d’en posséder personnellement. Ce sont souvent ces cas-là qui se retrouvent en nature en raison des problématiques liées aux clôtures ou à la manipulation.»

Le Ministère a même une équipe dédiée au sanglier. Dès qu’un signalement est rapporté, l’équipe se rend sur le terrain pour capturer l’animal à l’aide d’appâts et de cages.

«Il faut que les gens s’enlèvent ça de la tête, ce n’est pas normal de voir un sanglier au Québec, résume le biologiste. C’est important de le signaler le plus rapidement possible parce que les sangliers se déplacent beaucoup.»

Ce qu’il faut savoir

Les sangliers peuvent s’accoupler avec les porcs domestiques, ce qui crée une sous-espèce appelée sanglichon. Elle est aussi très néfaste.

Les animaux capturés sont tous valorisés pour la viande et donnés à des organismes communautaires.

Le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec estime à près de 50 le nombre de producteurs au Québec faisant l’élevage d’au moins un sanglier, mâle ou femelle.

L’espèce est présente dans au moins 38 états américains, dont au New Hampshire. Au Canada, l’Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba sont actuellement aux prises avec des populations établies de sangliers.

La chasse, pas une bonne idée

En sachant qu’il s’agit d’une espèce indésirable, est-ce que la chasse pourrait être un moyen de se débarrasser des sangliers s’ils s’implantent au Québec? La réponse est un non catégorique.

«Si tu tires dans un groupe de sangliers, les groupes familiaux se scindent et le stress les amène à s’accoupler davantage, indique Yannick Bilodeau, biologiste. Ce sont des animaux intelligents et méfiants, ils deviennent nocturnes et on ne les voit plus.»

«Plusieurs états aux États-Unis ont tout simplement banni la chasse aux sangliers, poursuit-il. On prend par exemple le Tennessee qui avait une petite population de sangliers. Ils ont ouvert la chasse sans limites et à longueur d’année en 1999 pour s’en débarrasser, mais le résultat a été une explosion et une dispersion des populations.»

La Tribune