La motivation du voyage

L’industrie du voyage est bien malmenée depuis le début de la pandémie. Pour Marie-France Béliveau, copropriétaire d’Escapade – Voyages et Aventure de Victoriaville avec Nathalie Grenier, l’espoir de pouvoir recommencer à voyager motive ses journées.

D’ailleurs, elle se rend au bureau chaque jour puisqu’il y a encore du boulot à faire. En effet, des voyages, s’étirant jusqu’en juin, doivent encore être déplacés ou annulés pour ses clients. Bien entendu, pour le reste, c’est assez tranquille, mais elle ne désespère pas de pouvoir reprendre les voyages d’ici quelques semaines et, malgré tout, se considère chanceuse dans les circonstances.

C’est à la mi-février qu’à l’agence de voyages, on s’est aperçu que quelque chose s’en venait. «Il y avait des annulations d’événements corporatifs en Europe», se rappelle-t-elle. Donc à partir de ce moment-là, il a fallu commencer à annuler des choses pour lesquelles il n’y avait pas nécessairement de politiques d’annulations jusqu’à présent.

Puis il y a eu ce groupe qui devait partir en croisière au Japon et ceux qui, à la semaine de relâche, avaient prévu partir en Égypte en famille ou en croisière. Tout a été annulé sans qu’il n’y ait de mécanismes en place. «Quand j’ai vu le premier ministre Legault faire son budget le 10 mars, comme s’il ne se passait rien, moi j’étais déjà dans l’urgence planétaire et j’avais l’impression d’être folle», se souvient-elle. Mais Marie-France et Nathalie étaient déjà dans l’anticipation et ont pu voir venir, notamment avec les banquiers, avant les autres. Un plan de match a rapidement été élaboré afin de passer à travers, ce dont on ignorait alors les répercussions.

Déjà, à ce moment (entre le 8 et le 12 mars), à l’agence, on avait commencé la distanciation sociale et incitait les clients qui revenaient de voyage à respecter la quarantaine de 14 jours. Puis à partir du 12 mars, ç’a été la ronde des rapatriements, annulations et quarantaine. «Y compris pour trois employés de l’agence (sur huit) qui revenaient de croisière», a-t-elle expliqué.

Le domaine du voyage a subi, dès le départ, les effets de la désorganisation due à la pandémie. Mais dans tous ces inconnus, Marie-France et toute son équipe ont fait ce qu’il fallait afin de ne pas avoir sur la conscience des gens qui auraient pu attraper la maladie à cause d’un de leurs voyageurs. «Je me sentais un devoir lié à ça et quand j’ai vu le peu de cas dans la région, j’étais heureuse de voir que les clients s’étaient responsabilisés», a-t-elle indiqué. Parce que sans la quarantaine de ces voyageurs, le bilan aurait été probablement bien pire.

À partir de la mi-mars, il y avait encore beaucoup de voyages dans le sud prévus jusqu’ à la mi-avril dont il a fallu s’occuper. «Et les politiques ont changé ce qui a pu ébranler le lien de confiance», déplore-t-elle.

Aujourd’hui, chez Escapade, il ne reste qu’une personne salariée (à la comptabilité). Les deux propriétaires sont au poste afin de passer à travers les 450 passagers prévus (depuis le 13 mars) et faire le mieux pour chaque dossier. Cela nécessite plusieurs appels et informations puisque les politiques des voyagistes varient. «Il faut faire un suivi personnalisé. Nous habitons dans une belle ville et nous croisons les gens partout. Il faut tout faire pour nos clients. On leur demande de nous faire confiance», estime-t-elle. À ce jour, environ 90% des dossiers ont été réglés, ce qui représente un véritable travail de moine.

Le plus ironique, c’est que lorsqu’ils ont acheté l’entreprise qui était en bonne santé, les deux propriétaires savaient qu’elles en auraient pour neuf ans de traversée du désert. «À la 7e année, on s’était dit qu’on regarderait ce qu’on pourrait en récolter. Et on arrivait dans cette année. Nous avons doublé la valeur d’affaires et avions une année extraordinaire grâce aux efforts faits avec l’équipe», note Marie-France.

Et le 13 mars, lorsque tout s’est arrêté, 80% de la saison des voyages était complétée, ce qui a aidé, en quelque sorte. «Mais il faut que ça reparte. J’ai hâte de voir comment la reprise va se faire», dit-elle encore.

Un autre œil

Marie-France Béliveau, qui a été longtemps directrice générale de la Chambre de commerce et d’industrie Bois-Francs-Érable, regarde avec attention ce qui se passe du côté des commerces et industries qui reprennent leurs fonctions tranquillement.

Après la confusion créée dans tous les milieux de travail avec le confinement, les choses s’adaptent, mais tout cela nécessite de la patience. «Je crois que nous n’en avions plus», a-t-elle remarqué. Surtout que dans le domaine du voyage, surtout en ces moments incertains, plus on attend, plus c’est payant pour le consommateur. C’est du moins ce que Marie-France a remarqué, elle qui baigne là-dedans depuis trois mois.

Mais pour ce qui est de ce qu’elle voit dans la région, elle déplore les inégalités dans le milieu des affaires, notamment pour la mise en place des mesures gouvernementales. De même, elle s’inquiète pour l’état psychologique des entrepreneurs qui vivent avec toute cette crise, un niveau d’anxiété élevé. «Ce ne sera pas facile et on va pleurer. Il y a des entreprises qu’on aime d’amour et qui ont contribué à l’histoire de la région (parce qu’une entreprise, ce n’est pas qu’un volume d’affaires, ça fait partie de la communauté) qui vont avoir de la difficulté à se relever», annonce-t-elle.

Ces entrepreneurs, comme elle d’ailleurs, ont dû s’adapter rapidement au confinement. «Depuis le 12 mars, ils ont tout fait pour sauver leur peau et celle de leurs employés. Ils n’ont pas nécessairement eu le temps d’innover, de s’asseoir et de réfléchir à la suite», estime-t-elle.

Maintenant, ils ont la responsabilité de repartir avec des nouvelles règles et des gens qui veulent revenir au travail ou non. «La Chambre a un grand rôle à jouer, de «monitorer» les entreprises avec les comptables et les institutions financières», croit-elle. Et la proximité de tous ces intervenants, dans la région, devrait en aider plusieurs à passer à travers.

Cette crise lui aura permis de constater qu’il faut trouver, dans son entourage, la personne qui va nous donner une autre perspective de la situation. «Demain, on ne le maîtrise jamais. Il faut vivre le moment présent.»

L’espoir du voyage

Pour ce qui est du voyage, Marie-France garde espoir de pouvoir reprendre le large. Air Canada reprend certains vols pour l’Europe ce qui lui laisse entrevoir un prochain périple dans un avenir pas trop lointain. Après tout, c’est pour le voyage qu’elle est devenue entrepreneure!