En quarantaine après un enrichissant voyage

Depuis leur retour au Québec, mardi matin, 23 élèves de cinquième secondaire et 3 accompagnateurs de l’école Monique-Proulx de Warwick se retrouvent en isolement pour une durée de 14 jours. Une réalité qui frappe de plein fouet après un enrichissant stage humanitaire de deux semaines au Nicaragua.

Le groupe a séjourné à Nandaime. Des familles de quartiers plutôt défavorisés ont hébergé les jeunes sylvifrancs.

Quand les participants ont pris le départ à destination du Nicaragua, la situation concernant la COVID-19 n’avait rien à voir avec l’actuelle pandémie. «Quand nous sommes partis, ce n’était pas la folie furieuse. Il n’y avait, je pense, que quatre cas au Québec. On était loin de la pandémie et aucune règle n’avait encore été imposée», raconte l’enseignant Étienne Bergeron, accompagnateur des jeunes avec le responsable Alexis Gagnon et Emmie Nolet, une technicienne spécialisée.

Aucun cas de la COVID-19 n’a été recensé jusqu’ici au Nicaragua. «La question sanitaire ne faisait pas partie de l’équation là-bas. Ce qui nous préoccupait le plus, c’était les tensions politiques. Mais le pays est relativement stable», souligne l’enseignant et conseiller municipal warwickois.

Étienne Bergeron, enseignant et conseiller municipal (Photo gracieuseté)

Pour vivre pleinement leur expérience humanitaire, les élèves n’avaient aucunement accès à leur cellulaire. Aucun d’eux n’avait conscience de ce qui se passait avec le coronavirus. Seuls les accompagnateurs suivaient la situation de près.

Aussi, quand il a été question de la quarantaine imposée aux personnes qui rentraient au pays, les accompagnateurs ont rapidement communiqué avec Marquis Bradette, directeur de l’école secondaire.

De concert avec la direction d’école, la commission scolaire et les parents, il a été convenu de ne pas révéler la situation aux jeunes. «On craignait de briser le stage, de l’emmener complètement ailleurs, de créer aussi plus d’inquiétude, d’angoisse et d’anxiété. Les jeunes ont donc vécu normalement leur stage. Nous, les accompagnateurs, regardions la situation évoluer», indique Étienne Bergeron.

Puis, les adultes ont passé en deuxième vitesse quand il a été demandé, aux citoyens canadiens à l’étranger, de rentrer au pays le plus tôt possible. «La situation n’était vraiment plus la même, observe M. Bergeron. Nous avons alors vérifié la possibilité de revenir plus tôt. On a communiqué avec notre agence de voyages et avec la compagnie aérienne. Mais c’aurait été plus compliqué. Et on était à pratiquement 48 heures de notre retour. De plus, on se savait en sécurité sur place.»

Les accompagnateurs ont informé les jeunes la veille du retour, dimanche soir, à la suite d’une soirée culturelle qui se voulait aussi le dernier au revoir. «Après l’activité, on s’est assis ensemble et on leur a appris la nouvelle, les informant que la situation avait rapidement évolué, qu’ils allaient devoir être isolés pendant 14 jours, sans entrer en contact avec leurs proches. Nous avions cette préoccupation de bien les informer, d’être transparents, de leur signifier qu’on ne contrôle pas la situation, mais qu’on ne contrôle que notre façon de réagir à la situation», relate M. Bergeron.

Oui, l’annonce a créé un choc important.  «Il y aussi le fait qu’ils venaient de vivre deux semaines émotives. Un tel périple brasse beaucoup de valeurs chez les jeunes amenés à s’interroger sur leur société et sur eux-mêmes pour apprendre à se connaître, fait valoir l’accompagnateur. De plus, il s’agissait de leur au revoir avec les familles. C’était très émotif, mais positivement.»

La nouvelle a donné lieu à moult questions, à des pleurs, à de l’inquiétude. «On a passé une bonne heure à répondre à leurs interrogations», se rappelle Étienne Bergeron.

Même un peu plus tard, alors que tous se retrouvaient au même endroit pour dormir (un genre de centre communautaire), les accompagnateurs, pendant environ 90 minutes, allaient rencontrer les élèves regroupés en petits groupes. «On gérait certaines situations de crise, on échangeait avec eux, en les rassurant du mieux qu’on le pouvait. Et j’ai pu alors observer que ces jeunes faisaient preuve de beaucoup d’empathie. L’inquiétude qu’ils exprimaient allait vers leurs proches et leurs familles», témoigne l’enseignant.

Photo de groupe (Photo gracieuseté)

Après une nuit de sommeil, les jeunes étaient tous positifs, fébriles aussi de revenir au pays. «Les jeunes nous ont aussi remerciés de ne pas les avoir informés de la situation liée au coronavirus», note Étienne Bergeron.

Les accompagnateurs avaient demandé aux jeunes d’être prêts à toute éventualité, d’avoir une trousse de rechange. Mais le retour s’est fait sans anicroche. Aucun problème pour quitter le Nicaragua. L’escale à l’aéroport de Mexico s’est fait sans heurts. «Dans ce grand aéroport, on a constaté qu’une sensibilisation se faisait (au coronavirus), indique M. Bergeron. Les jeunes ont remarqué aussi un léger changement dans le comportement des gens qui se tenaient plus éloignés et certains portaient un masque.»

L’avion qui les transportait a finalement touché le sol à Montréal vers 8 h, mardi. «Je t’avoue qu’à ce moment, j’ai senti que notre mission était accomplie. On avait ramené les jeunes en toute sécurité et maintenant, les parents prenaient le relais», mentionne Étienne Bergeron.

Les parents, justement, s’étaient organisés. «Les parents, par un forum Facebook, échangeaient entre eux. J’y ai vu une belle solidarité, exprime-t-il. Certains offraient d’héberger des jeunes.»

De retour en sol québécois, la réalité les a rattrapés. «Beaucoup ont commencé à comprendre l’ampleur de ce qui se passait», relate l’enseignant, précisant que la quarantaine, pour certains, signifie une réclusion dans un sous-sol et pour d’autres, par exemple, de vivre seuls dans un appartement.

Les accompagnateurs ont, toutefois, souhaité apporter une touche pédagogique à cette fin de périple plutôt particulière. «On leur a demandé de réfléchir, au cours des deux prochaines semaines, à la chance que nous avons, en période de pandémie, de vivre dans un pays riche avec un bon système de santé. Là-bas, nous avons visité un hôpital en y apportant du matériel. On leur a demandé de penser au peuple du Nicaragua, sur la façon dont réagiraient les autorités et la population si le coronavirus venait à frapper», explique Étienne Bergeron.

(Photo gracieuseté)

Un beau voyage

Ce n’est pas le genre de retour qu’auraient souhaité les participants. N’empêche que le séjour a été une réussite sur toute la ligne, fait remarquer le Warwickois. «Alexis Gagnon, qui a effectué à plusieurs occasions de tels voyages, a confié que c’était un de ses plus beaux. Tout s’est bien déroulé, la participation des jeunes, le contact avec les gens, l’horaire, la joie de vivre. Personne n’a été malade. Et les quelques conflits observés ont été réglés en groupe», signale l’enseignant.

Sur place, les jeunes ont pris part à diverses activités d’entraide, de solidarité et d’épanouissement de soi. «Toujours avec cette idée de donner aux jeunes un autre point de vue, de favoriser le contact et la solidarité avec les gens, de créer un certain choc pour amener un changement dans leurs comportements», souligne Étienne Bergeron.

Les jeunes ont participé notamment à des animations dans différents villages pour divertir les enfants, présenté des numéros clownesques et fait déguster du sirop d’érable. Ils ont pu visiter une école, mais aussi des volcans et des plantations de café. «Toujours avec cette notion de solidarité, de marché équitable, afin de remettre en question nos modes de vie», fait valoir l’accompagnateur.