Quand trois ex-élus se racontent…

Ils ont tous siégé à l’Assemblée nationale à Québec, deux ayant représenté le comté d’Arthabaska et l’autre celui de Richmond pour trois partis différents. Yvon Vallières, Jacques Baril et Roch Gardner se sont ainsi retrouvés sur la même tribune, mercredi soir à la Salle de l’âge d’or de Victoriaville, dans le «Salon des ex-élus», une activité de financement organisée par Archives Bois-Francs.

Dans la salle, des visages connus venus les entendre, notamment des ex-députés comme André Bellavance, maintenant maire de Victoriaville, et Michel Morin. Plusieurs élus municipaux aussi y ont assisté, dont le maire Gilles Fortier de Princeville, celui de Tingwick, Réal Fortin, le maire de Lyster et préfet de la MRC de L’Érable, Sylvain Labrecque, et David Vincent, premier magistrat de Sainte-Séraphine.

Trois ex-élus de trois partis réunis par Archives Bois-Francs (Photo www.lanouvelle.net)

L’ex-députée libérale de Richmond, Karine Vallières, était également du nombre. Elle a d’ailleurs présenté son père Yvon Vallières, 34 ans de vie politique, lui qui a occupé les postes de ministre délégué aux Transports, de même qu’à l’Agriculture et à l’Alimentation en plus de la présidence de l’Assemblée nationale pendant un peu plus de deux ans. «Trente-quatre ans de don de soi, il ne s’en fait plus de député comme ça, mais on peut s’en inspirer grandement», a dit Karine Vallières en parlant de son père, le qualifiant «de fonceur, de battant, de leader naturel et d’homme inspirant capable de s’allier les représentants des autres partis».

Le vétérinaire Gilles Morin a, quant à lui, présenté son ami Jacques Baril, député du Parti québécois pendant 22 ans et ayant agi comme ministre délégué aux Transports et à la Politique maritime, mais aussi à titre de whip adjoint. On le considère comme le Père de la région administrative du Centre-du-Québec. «Jacques, c’est un ami. Il avait des idées et les défendait. On a beaucoup apprécié le travail qu’il a fait pour le comté à l’Assemblée nationale», a confié M. Morin.

Guylaine Gardner, pour sa part, a parlé de son père Roch, député de l’Union nationale pendant quatre ans et à qui on doit la fondation du Cégep de Victoriaville. «Il s’est donné à 120%. Il s’est battu pour plusieurs causes, le salaire des femmes, la polyvalente et le Cégep. La famille est très fière de ton accomplissement et du bel héritage que tu laisses», a souligné la fille.

La politique, hier et aujourd’hui

Le président d’Archives Bois-Francs, François Gardner, a joué le rôle de modérateur, bien que ce ne soit pas un débat, invitant les ex-élus à s’exprimer notamment sur leur vécu politique, sur l’importance du patrimoine, de la mémoire collective, sur la démocratie et sur certains enjeux actuels.

Le président d’Archives Bois-Francs, François Gardner, a agi comme modérateur. (Photo www.lanouvelle.net)

Questionné sur son long règne, le libéral Yvon Vallières ne croyait faire que quelques mandats. «Mais la politique nous alimente. On fait de nombreuses découvertes, on apprend beaucoup au fil du temps», a-t-il noté.

À savoir si Jacques Baril a été surpris de son élection en 1976 lors de la vague péquiste, le producteur agricole de métier, même s’il s’est toujours intéressé à la politique, n’avait jamais rêvé de devenir député. «Je militais alors pour l’UPA. Une crise agricole sévissait. Je me suis dit que si on n’était pas capable de se faire entendre du gouvernement, il valait peut-être mieux d’aller voir ce qui se disait derrière les portes», a-t-il relaté.

Jacques Baril a appris «sur le tas». «Il n’y a pas de cours pour devenir député. Faut se débrouiller, a-t-il confié. Mais ce qui m’a aidé, c’est que j’ai toujours voulu et aimé être proche des gens.»

Élevé dans une famille où il entendait beaucoup parler de politique, Roch Gardner se souvient d’avoir été recruté notamment par Herman Fournier, un ex-maire de Daveluyville, pour représenter l’Union nationale. «Ils disaient me préparer pour l’autre élection. Je ne pensais pas être élu, mais j’ai tout fait pour l’être, j’ai cogné à toutes les portes. J’ai fait campagne sur l’éducation», a-t-il raconté. Et il l’a emporté…

Question de fierté

De quoi ces ex-politiciens sont-ils le plus fier? Cette question, les journalistes l’ont posée à Jacques Baril lorsqu’il a quitté la politique. Même question, même réponse… «C’est d’être resté Jacques Baril. Je ne suis pas le genre à me vanter. J’ai évolué avec le temps, mais je suis demeuré proche de mon monde», a-t-il souligné.

Yvon Vallières a fait valoir l’importance de sentir l’engagement envers les gens. «Il n’y a pas de grands ou de petits dossiers. Les dossiers ont tous leur valeur», a-t-il soutenu. Mais l’ex-député de Richmond se dit fier d’avoir réussi à obtenir du premier ministre Jean Charest un engagement en campagne électorale pour régler le dossier des ex-travailleurs de la Mine Jeffrey d’Asbestos.

Un auditoire attentif! (Photo www.lanouvelle.net)

Romantique, Roch Gardner a lancé que sa plus belle réalisation était d’être encore avec son épouse après 59 ans de mariage, avant de rappeler qu’il avait mis sa tête sur le billot, menaçant le premier ministre de l’époque de démissionner de son poste de député si Victoriaville, plutôt que Drummondville, n’obtenait pas son Cégep. Il a obtenu gain de cause et poursuivi son travail de représentant du comté d’Arthabaska.

Des questions de l’auditoire

À la question, posée avec humour, concernant la succession à Philippe Couillard à la tête du Parti libéral du Québec, Yvon Vallières a répondu ne pas avoir été sollicité. «C’est du passé, j’ai maintenant pris mes distances. Je suis devenu observateur de la politique, et critique aussi, tant de mon parti que des autres», a-t-il exprimé.

Sur le sujet de la Commission Charbonneau, sur la corruption dans les contrats publics, Yvon Vallières condamne ces comportements. «Mais au moins, ici, on a décidé de s’attaquer à cela. La justice doit tout mettre en œuvre. On ne peut endurer cela», a-t-il affirmé.

Pour Jacques Baril, la plus grande désolation est de constater que des malfaiteurs réussissent à passer à travers les mailles de la justice.

L’ex-député et ministre péquiste, en réponse à une question sur le Centre-du-Québec, a fait savoir au nouveau premier ministre Lucien Bouchard qui l’avait fait venir à son bureau, qu’il ne lui demandait qu’une seule chose : «Je veux avoir ma région. Il m’a dit : je vais en parler à Guy Chevrette. Tu t’arrangeras avec», a raconté Jacques Baril. Ce qu’il a fait. La région administrative du Centre-du-Québec a été créée. «Un compromis a été nécessaire, toutefois, a-t-il expliqué. En raison des coupures, on ne pouvait obtenir le Conseil régional de santé et de services sociaux (CRSSS, aujourd’hui le CIUSSS). Si je m’étais obstiné, on ne l’aurait pas la région.»

Des visages connus (Photo www.lanouvelle.net)

Les anciens hommes politiques ont parlé des liens qui se créent, même avec des adversaires, mais aussi du fait que, parfois, les esprits s’échauffent, comme en a fait foi l’anecdote exposée par Yvon Vallières et Jacques Baril.

Questions en rafale pour finir

Le président d’Archives Bois-Francs, François Gardner, a questionné ses invités sur le politicien les ayant le plus marqués.

René Lévesque, a répondu Yvon Vallières. «Un exemple pour tout le Québec, un amoureux de la démocratie, une chose fragile.»

Sans surprise, pour Jacques Baril, il s’agit aussi de René Lévesque. «Un incontournable, a-t-il fait valoir. Petit de taille, mais un grand homme. Un humain d’abord qui a beaucoup fait pour le Québec.»

Roch Gardner, de son côté, a salué l’Asbestrien Rénald Fréchette, décédé il y a quelques années. «C’était un bon orateur, a-t-il signalé. Il a été député de Sherbrooke, ministre et président de l’Assemblée nationale. Par la suite, il est devenu juge.»

Par ailleurs, les trois hommes désapprouvent le projet sur la table pour la réforme du mode de scrutin.

Yvon Vallières plaide pour une formule dans laquelle chaque vote possède à peu près la même valeur et où on ne vide pas les régions d’un nombre important de députés. «Il ne faut pas aller trop vite. On doit s’assurer de bien comprendre ce qu’il en est», a-t-il confié.

Jacques Baril, lui, craint que le nouveau système envisagé ne favorise les grands centres. «Moi, j’ai toujours favorisé des députés près des gens.»

C’est la fin! (Photo www.lanouvelle.net)

Une question a aussi porté sur l’élection du gouvernement libéral minoritaire à Ottawa. Selon Roch Gardner, le gouvernement Trudeau tiendra en place tout au plus un an.

Jacques Baril, de son côté, estime que les résultats démontrent que «le pays est ingouvernable». «Je crois toutefois que le gouvernement durera plus d’un an parce que les partis n’ont pas les moyens financiers pour retourner en élection», a-t-il soutenu.

Pour sa part, Yvon Vallières est d’avis que le Québec est positionné pour être bien servi. «Peut-être s’agit-il d’une recette gagnante, mais pas pour longtemps, maximum deux ans, de 18 à 24 mois», a-t-il prédit.

Pour terminer, les ex-politiciens ont fait l’unanimité sur un élément : les salaires des députés, des ministres et du premier ministre qu’ils jugent nettement insuffisants en comparaison notamment avec ceux des employés de l’État, des dirigeants de sociétés, comme Hydro-Québec, par exemple.