Changeons le système, pas le climat!

La manifestation pour le climat qui aura lieu le 27 septembre a plusieurs objectifs : faire pression, permettre aux gens de s’organiser, braquer l’attention médiatique sur l’enjeu environnemental, etc. Mais elle a aussi pour but d’être un moment pour se poser des questions et réfléchir, une sorte de temps d’arrêt nécessaire pour faire un pas de côté et se demander vers quoi allons-nous comme société et si on veut vraiment aller dans cette direction.

Au rythme actuel, ma génération vivra vraisemblablement les premières grandes conséquences de la crise climatique avant l’âge de la retraite. Pendant de nombreuses années, les slogans que j’ai entendus dans les manifestations ou dans les conférences disaient de penser aux générations futures. Aujourd’hui, les nouvelles générations d’écologistes ne peuvent plus utiliser ce discours parce qu’il est périmé : c’est nous qui serons les premières victimes de cette crise engendrée par le capitalisme. Autrement dit, on se retrouve en situation de survie où l’enjeu est de savoir qui doit passer à la trappe : nous ou leur système.

Bien sûr il faut faire des gestes au quotidien, mais c’est évident que le problème est plus grave que ça et qu’il y a des causes structurelles et institutionnelles à cette crise dans laquelle on s’enfonce. Ce n’est pas un hasard si l’on subventionne à coups de milliards les énergies fossiles et si on a de la difficulté à avoir le minimum pour développer le transport collectif dans les villes et entre celles-ci sur l’ensemble du territoire. Prenons seulement l’exemple du transport collectif interurbain : comment se fait-il que l’Europe soit remplie de chemins de fer et qu’ici dans un pays qui s’est bâti «coast-to-coast » avec le chemin de fer il n’en reste pratiquement plus rien? Comment se fait-il qu’à l’époque de mes parents, il y avait plus d’offres pour le transport en bus entre les villes?

Les réponses à ce genre de questions convergent pas mal toutes vers un point : le système capitaliste. Ce n’est pas parce que les capitalistes (entendons ici les actionnaires et les PDG de grosses entreprises) sont des êtres fondamentalement maléfiques. C’est plutôt qu’une multinationale se nourrit de profits, d’immenses quantités de profits, et que ça l’oblige à faire des choix qui entrent inévitablement en contradiction avec nos écosystèmes et notre qualité de vie comme travailleuse et comme travailleur. Le capitalisme ne peut exister qu’en reproduisant constamment son idéologie, c’est elle qui nous fait voir les forêts comme possibilité de faire deux par quatre plutôt qu’un écosystème essentiel à notre propre survie. C’est aussi cette idéologie qui nous fait voir les énergies fossiles comme une opportunité de faire beaucoup d’argent plutôt qu’un potentiel poison pour les espèces, dont la nôtre.

C’est donc pour l’environnement, mais surtout contre un système d’exploitation épouvantablement dangereux pour nous qu’il faut manifester. Le 27 septembre, on se donne rendez-vous à 13 h devant le Cégep de Victoriaville pour faire monter la pression et s’organiser. Parce que oui, des alternatives existent et on n’a plus trop le choix d’être créatifs et créatives, de réinventer la société sur des bases qui sont moins instables que l’accumulation toujours plus grande de profits. Il faut avoir l’audace d’imaginer un monde où les travailleurs et les travailleuses ont le contrôle sur leur vie et ne le laisse pas à une élite complètement accro à l’argent qui n’a que faire ni des droits humains ni du respect des écosystèmes.

Se débarrasser du capitalisme, c’est ouvrir la porte à la réalisation de mille projets pour notre avenir. Que fera-t-on du transport collectif interurbain? Sera-t-il nationalisé? Sera-t-il opéré par une coopérative de travailleurs et de travailleuses du transport? Comment allons-nous structurer les nouvelles lignes pour desservir la population et l’impliquer démocratiquement dans le processus? Voici le genre de questions auxquelles on serait probablement déjà en train de se poser si nous avions ce pouvoir. Mais la situation actuelle est plus sombre : ce sont les impératifs financiers qui dictent les choix et les décisions qui s’offrent à nous ressemblent plus à : quelles lignes devons-nous couper? Où déplacer le terminus pour qu’il survive? Devons-nous augmenter les frais chargés aux usagers et aux usagères? Concrètement, c’est ce que ça implique de rester ou de sortir du capitalisme, gardons-le en tête lorsque le premier bonhomme à cravate viendra nous dire qu’il faut que tous et toutes fassent un petit geste individuel. Pourquoi pas un plus grand geste, collectif celui-là, le genre de geste qui déplace des montagnes et dont nous avons bien besoin?

William Champigny-Fortier

militant écologiste à Victoriaville