«J’ai vraiment apprécié le rôle de vilain»

Avant de se lancer dans une carrière d’entraîneur, Louis Robitaille a disputé 14 saisons comme hockeyeur. Doté d’une personnalité flamboyante, le patineur natif de Mercier n’est pas devenu un agitateur par hasard.

«Je ne pense pas que je suis devenu un agitateur. Je crois que ma personnalité a fait en sorte que j’aimais parler sur la patinoire. Quand je suis arrivé dans le junior majeur à 17 ans, tu veux t’établir. J’étais un défenseur à caractère robuste. J’ai quand même eu 24 points à ma saison recrue, mais à un moment donné, quand tu parlais, dans ces années (début des années 2000), il fallait se défendre. C’est ce que j’ai fait. J’ai bâti mon propre style et ça m’a permis de connaître une belle carrière dans le junior puis au niveau professionnel par la suite», a expliqué Robitaille.

Lorsqu’il a accroché ses patins, l’actuel entraîneur-chef des Tigres de Victoriaville avait livré pas moins de 243 batailles, ce qui correspond à une moyenne de 17 par campagne. Un nombre significatif quand on sait qu’aujourd’hui, les bagarreurs les plus occupés ne jettent les gants qu’à cinq ou six reprises par année. «Je n’étais pas un dur à cuire qui était là simplement pour me battre. Je jouais plusieurs minutes dans le junior et je jouais sur les deux unités spéciales. Le fait que je dérangeais et que j’étais robuste faisait en sorte que je devais me battre. Il fallait que je me défende. Je n’arrivais pas dans un match en me disant que j’allais me battre à deux reprises et faire trois présences. J’avais un rôle bien défini. Je savais qui je devais déranger, soit les meilleurs de l’autre côté, et attirer quelqu’un vers moi pour offrir un avantage numérique à mon équipe. Si un de mes bons coéquipiers se faisait malmener, je devais le défendre. Je faisais ça dans le feu de l’action. J’étais un joueur de hockey. Je n’étais pas un dur à cuire, mais plutôt une petite peste.»

Une fougue qui l’a mené à la LNH

Défenseur naturel, c’est en tant qu’attaquant que Robitaille a pu goûter à la Ligue nationale de hockey (LNH) pendant deux parties. Il a notamment profité de l’occasion pour livrer un combat face à Serge Payer des Panthers de la Floride après qu’il eut assené une mise à échec à leur défenseur vedette Jay Bouwmeester.

Robitaille a notamment remporté la coupe CAlder en compagnie de joueurs comme Mike Green, Tomas Fleishmann, Brooks Laich ou encore Eric Fehr.

S’il a eu la chance de se faire valoir à l’attaque, c’est que lors de la saison 2004-2005, l’agitateur Darcy Verot et un autre attaquant des Pirates de Portland sont tombés au combat. L’entraîneur-chef de l’époque, Tim Army, lui a demandé d’aller faire une présence à l’attaque. «J’ai été efficace en échec-avant, j’ai créé des chances de marquer et j’ai dérangé. Je m’étais même battu lors de cette soirée. À partir de ce moment, je me suis créé un rôle, une identité. Étant non repêché, il fallait que je me démarque des autres à ma façon, surtout pendant l’année de la grève dans la LNH. Tous les jeunes joueurs étaient dans la LAH. J’ai su faire ma niche comme ça. «L’année suivante, alors que les Pirates ont déménagé à Hershey pour y devenir les Bears, Robitaille a joué sous les ordres de Bruce Boudreau. À cette époque, Boudreau et le directeur général des Capitals de Washington, George McPhee, lui ont demandé de se développer comme un attaquant de puissance. «Puisque j’étais capable de jouer au hockey, que j’étais utilisé sur le 3e trio et que je jouais en désavantage numérique, ils voulaient que j’exploite mes forces. Cette année-là, en 2005-2006, j’ai pu être rappelé dans la LNH. J’ai aussi remporté la coupe Calder lors de cette saison avec les Bears. J’ai pris mon envol en 2005 et c’est grâce à eux.»

Si l’aventure dans la LNH n’a duré que deux parties, Robitaille a néanmoins connu une carrière de sept saisons dans la LAH. Son style hargneux et sa longue présence dans ce circuit lui ont d’ailleurs permis de se construire une réputation à travers la ligue. «J’étais extrêmement détesté dans les amphithéâtres adverses. Ça a été plus difficile pour ma famille. J’ai vraiment apprécié le rôle de vilain. Cependant, quand le hockey était fini, je ne suis pas une mauvaise personne. Je ne voulais pas blesser personne.»

Malgré les risques et le fait d’être détesté un peu partout dans la LAH, l’homme de 37 ans n’hésiterait pas à remplir le même rôle. «C’est un rôle que j’ai aimé. Jamais je ne renierai ce que j’ai fait. Mon talent était limité comparativement à un gars comme Carl Mallette. Je suis fier d’avoir pu me forger une belle carrière et d’avoir pu demeurer aussi longtemps sans avoir la réputation d’être un excellent joueur. Je me suis bagarré pour conserver ma place. J’ai eu la chance de goûter à la Ligue nationale de hockey. Est-ce que je referais certaines choses différemment? Oui, probablement, un peu comme tout le monde. Ces choses feraient peut-être en sorte que j’aurais pu poursuivre ma carrière plus longtemps. Quand j’ai pris ma retraite, j’ai fait le choix de demeurer avec ma famille et d’établir une relation avec mon fils. C’est quelque chose que je ne regretterai jamais.»

Au cours de ses 271 parties disputées dans la Ligue de hockey junior majeur du Québec (LHJMQ), celui qui a porté les couleurs du défunt Rocket de Montréal a amassé 97 points, mais surtout un impressionnant total de 1020 minutes de pénalité. Au niveau professionnel, en 440 parties dans la Ligue américaine de hockey (LAH), Robitaille a récolté 77 points et 1759 minutes de pénalité.

Des gros clients

S’il n’était pas un dur à cuire, ça ne l’a pas empêché de se frotter à de solides cogneurs. Robitaille a notamment eu à croiser le fer avec Shawn Thornton ou encore Dennis Bonvie pour son dernier combat en carrière. Pour la petite histoire, Bonvie a joué pendant 15 ans chez les professionnels. Il a notamment écopé de 4493 minutes de pénalité en 871 matchs dans la LAH. «C’était probablement le gars le plus dur de l’histoire de la LAH. Je lui ai donné son dernier combat. Il avait assez hâte. Ça faisait trois ans qu’il me courait après.»

Même s’il a affronté de grosses pointures, Robitaille n’a pas la prétention de dire qu’il était un pur bagarreur. «Mes coéquipiers et mes amis n’aiment pas quand je dis ça, mais je n’ai jamais eu la prétention de dire que j’étais un dur. Souvent, je perdais mes batailles. J’allais à la guerre, mais j’en gagnais pas mal moins que j’en perdais. Mon but premier, c’était de changer le rythme de la partie, déranger l’adversaire ou protéger un coéquipier. Des gars avec qui j’ai joué, tel que Pierre-Luc Leblond-Létourneau ou Mel Angelstad, ça c’était des vrais. Moi, je n’étais pas comme ça. Je n’étais pas capable de faire ce qu’ils faisaient. Quand je me battais, c’était sous le coup de l’émotion. Je ne reculais pas devant personne, mais je choisissais mes moments.»

Louis Robitaille a évidemment subi quelques blessures au cours de sa carrière.

Des commotions, des fractures et une importante blessure

En se mettant en danger à 243 reprises, l’ancienne petite peste a évidemment essuyé son lot de blessures. Aujourd’hui, tous savent le danger des commotions cérébrales, mais quand on remonte à seulement une dizaine d’années, il s’agissait encore d’un mal mystérieux. «Les commotions étaient beaucoup moins répertoriées dans le temps. Nous ne comprenions pas le sujet autant qu’aujourd’hui. Nous nous plaignions moins et nous nous disions que ça irait mieux demain. J’ai donc eu des commotions cérébrales, mais j’en ignore le nombre. J’ai aussi des blessures aux mains et le nez cassé. Ça faisait partie du métier.»

S’il y a une grosse blessure qui lui a fait craindre le pire, c’est bien celle qu’il a subie alors qu’il évoluait avec les Bears de Hershey lors d’un combat face au coriace Peter Vandermeer des Bulldogs de Hamilton en octobre 2005. «J’ai eu ses doigts dans les yeux. J’ai dû être opéré d’urgence à Toronto. On pensait même que j’allais peut-être perdre la vue. J’ai eu des tubes dans les yeux. J’ai manqué une période de temps et j’ai joué avec une visière complète pendant 30 parties. C’était bon pour moi, car je n’avais plus besoin de me battre malgré le rôle que je faisais. C’est cependant la plus grosse blessure que j’ai subie. J’ai eu vraiment peur cette fois. Tu te remets en question. En sortant de l’hôpital, le docteur m’avait dit qu’il ne croyait pas que je pourrais rejouer.»

Une fois de retour à Hershey, il a finalement appris que la blessure était moins grave que prévu. Malgré tout, cela ne l’a pas empêché de remplir son rôle par la suite.

Pour les bagarres, mais dans une certaine mesure

De nos jours, les combats sont pratiquement en voie d’extinction, ce qui est une bonne chose en soi pour la santé des joueurs. Par exemple, chez les Tigres, Félix Paré est celui qui démontre les meilleures dispositions lorsque vient le temps de jeter les gants. Cependant, jamais Robitaille n’osera obliger son protégé à se battre. Il demeure cependant d’avis que les bagarres ont encore une certaine utilité pour des situations bien précises. «Le hockey a vraiment changé ces dernières années. Il est aujourd’hui beaucoup plus rapide, spectaculaire et offensif. Je ne suis pas en faveur des batailles planifiées. Si nous enlevons les bagarres, j’aurais toutefois peur pour la sécurité des joueurs. Nous parlons qu’il y a beaucoup de coups salauds. S’il y en a un, c’est qu’il y a eu quelque chose de grave. Ça peut aussi changer le rythme ou mettre de l’ambiance dans l’aréna. Ça prend des gars qui sont prêts à le faire. Je me vois mal dire à un gars de se battre. Ce que nous voulons, c’est que les gars jouent au hockey. Il faut garder les joueurs honnêtes. En sachant qu’il y a un prix à payer pour certains gestes, ça va éviter des coups salauds. Je conserverais donc les batailles, mais de manière contrôlée comme elles le sont présentement.

L’an dernier, l’ancien hockeyeur Dan Carcillo a lancé un important cri du cœur concernant sa condition actuelle. Petite peste avérée qui a remporté à deux reprises la coupe Stanley et livré de nombreux combats, l’Ontarien de 34 ans avait mentionné que si on lui proposait de retirer son nom de sur la coupe Stanley, il n’hésiterait pas, à condition que cela lui permette de retrouver la santé. «Je ne connais pas la situation de Dan. Chaque joueur a sa propre opinion sur son passé. Je ne sais pas ce qu’il a vécu à l’extérieur de la patinoire et la façon dont il a été traité par ses anciennes équipes. J’ai eu plusieurs affrontements avec lui au cours de ma carrière. Je vais lui laisser sa propre opinion concernant le fait de retirer ou non son nom de la coupe Stanley. Moi, ça aurait été un rêve de voir mon nom y être gravé et ce l’est encore aujourd’hui. […] Ultimement, c’était mon choix de me battre. Personne ne m’a forcé à le faire. Je me plaisais à faire ça.»