Un travailleur déjoué notamment par Facebook

À l’emploi, en décembre 2017, de l’entreprise Les Productions R-Lousse de Plessisville, Davis Marquis, qui tentait d’obtenir une indemnisation pour une soi-disant lésion professionnelle, a échoué dans sa tentative. Une publication Facebook sur son compte et d’autres éléments de preuve ont permis au Tribunal administratif du travail de voir clair dans son petit jeu.

Davis Marquis occupait un poste de manœuvre pour Les Productions R-Lousse. Il alléguait avoir subi, le 22 décembre 2017, une lésion professionnelle alors qu’il travaillait dans la région Gaspésie-Îles-de-la-Madeleine, Bas-Saint-Laurent et Côte-Nord.

Le travailleur soutenait avoir subi une lésion lorsqu’il a perdu pied en quittant une nacelle à laquelle, selon lui, il a dû se retenir à l’aide de ses deux bras dans sa chute.

Davis Marquis a aussi prétendu avoir subi, le 18 mai 2018, une récidive, rechute ou aggravation de sa lésion professionnelle.

À plusieurs occasions, la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) a refusé la réclamation du travailleur. Ainsi, le dossier s’est retrouvé devant le Tribunal administratif du travail.

Versions contradictoires

Au cours de l’audience, le procureur de la CNESST a fait valoir des contradictions minant ainsi la crédibilité du travailleur qui, avant l’événement allégué du 22 décembre 2017, était déjà traité au dos.

Dans sa décision du 8 juillet, le juge administratif Daniel Jouis souligne que «la version du travailleur sur les circonstances de l’événement ne peut être retenue», puisqu’un témoin (un collègue de travail) l’a grandement remise en question.

Alors que Davis Marquis prétend s’être blessé en quittant une nacelle, le témoin l’a plutôt vu «faire un faux mouvement en raison de son harnais de sécurité, sur le toit, au moment de fixer des chevrons».

Marquis a aussi fait valoir que personne ne pouvait l’apercevoir au moment du prétendu incident. Or, le témoin a affirmé que le travailleur se trouvait sur le toit où tous pouvaient l’observer. «Il ajoute, par ailleurs, avoir vu le travailleur réagir à la douleur lorsqu’il fait un faux mouvement en raison de son harnais coincé, note le juge. Nous sommes donc devant deux événements sans aucune similitude. Cette différence fondamentale dans le récit de l’événement ne permet pas de considérer la version du travailleur prépondérante.»¨

Par ailleurs, l’affirmation de Davis Marquis concernant son absence de douleurs au dos avant le 22 décembre 2017 est «difficilement conciliable avec d’autres éléments du dossier», précise le Tribunal administratif du travail.

La preuve révèle l’existence de rapports médicaux adressés, en 2016 et 2017, à la Société de l’assurance automobile du Québec (SAAQ), et démontrant qu’il présente des douleurs lombaires en raison d’un accident routier survenu en 2009. «Les rapports indiquent également qu’il est en attente d’une consultation auprès d’un physiatre. Il est même fait mention d’une hernie discale et de douleurs lombosacrées et lombaires», signale le juge.

Dans sa décision, il évoque aussi un rapport d’Imagerie par résonnance magnétique pour une importante lésion à la colonne vertébrale, de même qu’une infiltration facettaire dorsale à quatre niveaux. «De toute évidence, constate le magistrat, son dos, pour lequel il soutient ne pas avoir de douleurs le matin du 22 décembre 2017, nécessite des traitements importants, surtout qu’il est alors en attente d’évaluation pour une chirurgie selon certaines de ses affirmations.»
Un collègue du travailleur a aussi indiqué à une agente d’indemnisation de la CNESST que Davis Marquis était connu pour des problèmes de dos, précisant qu’il recevait déjà des traitements de physiothérapie et qu’il attendait une chirurgie.

Une information que Davis Marquis confirme sur son compte Facebook le 25 décembre 2017 alors qu’il  demande au père Noël d’être opéré rapidement. «À ce moment, signale le juge, il n’a pas encore consulté pour l’événement allégué du 22 décembre 2017. Cette opération ne concerne donc pas cette situation. Elle doit obligatoirement être en lien avec une autre condition étrangère à l’événement allégué.»

De plus, selon une note clinique datée du 10 décembre 2018, Davis Marquis a demandé à son médecin d’attribuer la hernie discale diagnostiquée après le 22 décembre 2017 à son accident de voiture de 2009 plutôt qu’à l’incident du 22 décembre 2017. «Il invoque comme raison le refus de la CNESST de l’indemniser et souhaite conséquemment pouvoir bénéficier plutôt du régime de la SAAQ. Un tel manque de scrupule et la volonté du travailleur de favoriser l’obtention d’une couverture d’un régime public au détriment de la vérité réduisent considérablement sa crédibilité», fait valoir le juge administratif, ajoutant que «le manque de crédibilité du travailleur et la preuve dirigent les problèmes de dos du travailleur vers une condition antérieure à l’événement allégué.

Ainsi, le Tribunal administratif du travail a rejeté la demande du travailleur et déclaré qu’il n’avait pas subi de lésion professionnelle et qu’il n’avait pas droit aux prestations prévues par la Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles.