Se sentir utile à 100 ans

Laurette Hinse-Fortin aura 100 ans le 12 août. L’Association féminine d’éducation et d’action sociale (Afeas) de Victoriaville profite de son souper de fin d’année pour souligner le centenaire de cette membre encore active.

(Photo www.lanouvelle.net)

La présidente de l’Afeas de Victoriaville, Claudette Grégoire, le confirme, Laurette Hinse-Fortin vient régulièrement aux réunions de l’Association. D’ordinaire, ce souper annuel devient le moment pour célébrer les 80 ans. Les centenaires se font plus rares.

Laurette Hinse-Fortin a «toujours eu le nez dans toutes sortes d’organisations», explique son petit frère de 88 ans, Jean-Louis Hains. Invité à prendre la parole pour lui rendre hommage, il raconte quelques bribes d’un parcours impressionnant.

Troisième d’une famille de 13, elle obtient son diplôme d’enseignement en 1935, alors qu’elle n’a que 16 ans. Elle transmet ses connaissances dans le 10e rang de Saint-Rémi-de-Tingwick. La première année, elle touche 150 $ en échange de 10 mois de services. Laurette enseignera jusqu’à son mariage avec Ovide Fortin en 1943. «Elle n’a jamais accepté que la profession soit un empêchement au mariage, pas plus que l’évangile de Paul prescrive la soumission de la femme à son mari. Même à cette époque, elle était une féministe convaincue», indique son frère.

Le couple a deux filles, Jeannine et Claudette. En 1971, ils élisent domicile à Victoriaville. L’année 1984 signe leur retraite. Laurette Hinse-Fortin perd son mari en 1994. Elle demeure dans la maison familiale jusqu’en 2017, puis se dirige vers la Villa St-Georges. Aujourd’hui, sa descendance compte cinq petits-enfants et huit arrière-petits-enfants.

L’inconnu

Quelque 140 convives écoutent, tandis que Laurette, calme, reçoit les bons souhaits pour le siècle à venir. Partageant son repas avec ses proches, le moment s’avère propice à la confidence. «Moi, j’ai peur d’avoir plus que 100 ans et je me demande ce que ça va m’apporter. S’embarquer dans l’inconnu, après avoir été active, c’est un changement radical. Pour vous, c’est seulement un chiffre. Toutefois, on se demande si on est toujours utile», commence-t-elle.

Pourtant, Mme Hinse-Fortin fréquente encore Les Filles d’Isabelle, l’Afeas, les Fermières et tutti quanti. «Ce n’est peut-être pas utile, mais je me dis que je suis sortie, j’ai vu du monde et j’ai appris quelque chose. J’ai toujours appris quelque chose», souligne-t-elle.

Elle se souvient du décès de son époux et des questionnements existentiels qui ont suivi. Que vais-je faire? Où vivrai-je? «Je suis restée dans ma maison pendant 23 ans. Je n’avais pas peur. J’étais entourée de voisins exceptionnels. Puis un matin, je me suis réveillée et j’ai constaté que, depuis deux mois, mes trois voisins de toujours étaient décédés. Je me sentais seule, vraiment. Je me suis dit que c’était un signe, qu’il fallait vendre la maison. J’avais 98 ans.»

Installée à proximité du centre-ville de Victoriaville, elle visite la bibliothèque et se trouve près de tous les services. Dans sa résidence, on propose une kyrielle d’activités. «Je ne suis pas capable de toutes les faire. Je fais celles qui me plaisent. Le soir, je reste dans mon appartement, tranquille», dit-elle.

Jusqu’à l’an dernier, elle fréquentait une salle d’entrainement trois fois par semaine. Sur les 13 enfants Hinse, 9 vivent encore, tous âgés de plus de 80 ans. Laurette Hinse-Fortin croit en la providence et s’imagine que, si elle se rend jusqu’à 100 ans, ce sera sans doute qu’elle est «encore utile».