Intelligence artificielle, loin de la science-fiction

«Au début des années 2000, le Web représentait l’avenir. À présent, c’est l’intelligence artificielle», avance Jean-Sébastien Dessureault. Et nous n’en ferons pas le tour en une décennie. Ce champ d’études, «cet univers», pourrait nous occuper pour au moins un siècle.  

Jean-Sébastien Dessureault enseigne à la technique de l’informatique au Cégep de Victoriaville depuis 2006. En fait, il navigue dans le réseau collégial depuis 1998. Avide de connaissances, il a terminé récemment une maîtrise en intelligence artificielle. Son projet de recherche porte sur l’intégration des réseaux de neurones à décharge sur une plate-forme robotique.

M. Dessureault voit dans l’intelligence artificielle (ou IA) un vaste terrain d’investigations pour les chercheurs. «Depuis les années 1950, on parle des machines qui pensent», rappelle-t-il. À l’époque, Alan Turing posait la question à savoir si l’ordinateur pourrait simuler le cerveau humain. Le premier neurone artificiel sera développé dans les décennies suivantes. «Avec ça, on a pu régler des problèmes concrets, comme simplement créer un classificateur binaire», résume-t-il. Aujourd’hui, on arrive à regrouper des neurones pour en faire un système complexe équivalant au cerveau d’un petit animal, une souris, par exemple.

En mars, le Québécois Yoshua Bengio remportait le prix Nobel de l’informatique pour ses recherches en apprentissage profond. Selon M. Dessureault, les avancées actuelles mettent en lumière l’effervescence du domaine. La puissance des ordinateurs permet aux chercheurs de passer de la parole aux actes. «Les cartes graphiques, utilisées dans les jeux vidéo, s’avèrent aussi un outil pour faire de l’intelligence artificielle. Ça permet du traitement parallèle de réseaux de neurones, ce qui accélère l’exécution», précise-t-il.

Pour demain, le professeur parle de processeur neuromorphique, dont le fonctionnement s’inspire du cerveau humain et d’ordinateur quantique. «Tout laisse entrevoir un âge d’or pour l’intelligence artificielle», constate M. Dessureault.

Quelle place?

La reconnaissance d’images participe déjà aux entreprises, favorisant, entre autres, le tri d’objets. Les automobiles autonomes munies de multiples caméras et capteurs frappent l’imaginaire depuis longtemps et font désormais leur apparition. En médecine, les applications robotiques transforment le secteur. Jean-Sébastien Dessureault travaille lui-même sur un projet destiné aux enfants autistes avec le Centre intégré universitaire de santé et de services sociaux de la Mauricie-et-du-Centre-du-Québec (CIUSSS MCQ). «On pense que tout ce que l’humain fait, un jour, l’intelligence artificielle pourra en faire autant», expose-t-il.

Si plusieurs la voient comme une menace, d’autres l’envisagent comme une opportunité. «Ça va chambouler le marché du travail», admet-il d’emblée. Or, il évoque nos ancêtres, ceux qui ont été remplacés par des robots sur des chaînes de montage. «Si on demande aux jeunes d’aujourd’hui si, par exemple, visser des boulots aurait été un métier qu’ils auraient voulu faire toute leur vie, très peu diront que cette option leur manque», relativise-t-il. D’après lui, l’objectif demeure de se substituer à l’homme pour des tâches plus redondantes et privilégier pour lui des activités qui nécessitent ses sens, sa créativité et sa compassion, entre autres. «Il faut se poser les bonnes questions rapidement», soutient-il, car pouvoir faire quelque chose ne signifie pas devoir le faire. L’éthique doit prévaloir dans toute recherche. Plusieurs vigies existent, ainsi que des traités qui permettent certaines surveillances afin que l’IA serve à bon escient. «On reste loin des scénarios à la <@Ri>Terminator<@$p>. C’est un très bon film. Mais, dans les prochaines années, nous ne sommes pas sur le point de voir <@Ri>Rise of the Machines<@$p> se concrétiser», pense-t-il. Selon lui, la première chose à envisager s’avère des avancées médicales d’importance, une cure contre le cancer, par exemple, grâce aux algorithmes qui faciliteront le travail des chercheurs.

Au Québec

Si M. Dessureault maintient que le Québec possède les meilleurs centres de recherche au monde, les cartes de programmes de certains établissements d’éducation ne reflètent pas cette réalité. Jean-Sébastien Dessureault termine sa session comme enseignant et se lancera dans sa passion à temps plein, dans un tout nouveau centre qui sera inauguré en août, à Trois-Rivières.

Puisque le projet est mené par le Service aux entreprises, il y aura certes un volet de formations pour répondre aux demandes des étudiants et professionnels qui désireront des mises à jour au sujet de l’IA. Des programmeurs Web, dont le travail se verra de plus en plus exécuté par l’IA, pourront en outre acquérir les savoirs liés aux apprentissages profonds afin de se placer aux commandes de leur remplaçante.

Jean-Sébastien Dessureault voit toutes les avenues qui se dessineront à la suite de la création de ce centre de recherche en IA à Trois-Rivières. Il pense que c’est d’abord la santé et l’éducation qui en bénéficieront. Actuellement, il procède à des rencontres d’entreprises pour tâter leur intérêt. Les mandats devraient se multiplier rapidement et l’équipe grandir. «C’est un peu comme le Web il y a 20 ans. Quelle entreprise n’a pas besoin d’une visibilité minimale sur le Web? Toutes ont besoin d’intelligence artificielle, mais sur différents plans», compare-t-il. Une vidéo (https://bit.ly/2PUsPxy) diffusée sur le Web permet d’en savoir plus sur les travaux effectués par  M. Dessureault au sujet des neurones à décharge. Lors de ses recherches, il a aussi développé des modèles de réseaux de neurones.