Environnement : lettre à mon député Eric Lefebvre

Bonjour Eric, j’ai hésité sur la formule d’appel. Je ne savais pas si je devais dire M. le député, M. le whip du parti, Monsieur tout court ou simplement Eric. Je retiens Eric, en gardant bien en tête tout le respect que je dois au député que tu représentes, et qui représente également le symbole de notre démocratie.

J’ai retenu la formule du «Eric» parce qu’on se connait bien et que ça sonnerait faux de m’adresser à toi autrement. Ceci dit, je t’écris pour une chose toute simple : l’environnement et l’occasion pour le gouvernement et ton parti de s’engager encore davantage.

Comme tu le sais, la compagnie australienne Sayona entretient actuellement un projet de mine de lithium en Abitibi. C’est une bonne chose, une mine, pour l’économie d’un pays. Mais quand celle-ci, aussi rentable soit-elle, met à risque la pérennité d’une ressource inaliénable et essentielle à la survie de la population, en l’occurrence l’eau, la prudence la plus élémentaire et la plus responsable, quand on est représentant de cette population, est que l’on soumette un tel projet à toutes les évaluations et à toutes les analyses à même de déterminer l’ampleur du risque. J’imagine que tu sais déjà tout ça.

Je veux simplement t’encourager à faire entendre cette voix au sein de ton parti et au sein du gouvernement. L’heure n’est plus à l’économie, mais à l’urgence de l’environnement.

Quand une entreprise comme Sayona, située littéralement à l’autre bout du monde, triture les règles pour favoriser l’adoption de son projet, c’est honteux. Et de notre côté, nous serions bien naïfs de tomber dans le panneau sous prétexte (la grosse chose que je vais dire) que ça va créer des emplois et générer des redevances minières.

Pour la valeur des redevances minières, on repassera. Et pour ce qui est des emplois, je ne vois pas ce qu’il y a de rentable à être payé pour construire notre échafaud.

Bien sûr Eric, ce dernier exemple peut sembler exagéré, j’en conviens. En même temps, l’esprit qui le porte, lui, ne l’est pas : il n’y a pas d’avantage à être payé pour ce qui détruit la planète et conduira les générations futures dans un environnement de plus en plus hostile.

Partant d’ici et personnellement, j’aimerais bien que ce projet, tant et aussi longtemps qu’il compromettra un bien inaliénable (encore une fois, l’eau dans le cas présent) appartenant exclusivement à la population et essentiel à sa survie, ne voie jamais le jour. J’aimerais, en ce sens, qu’on soit intelligent et capable de se projeter dans l’avenir, bien au-delà des mirages de revenus actuels proposés.

J’aimerais surtout que mon représentant ne se laisse pas séduire par le chant des sirènes de l’économie. Le chant des sirènes de l’économie tout juste bon à nous faire faire la nouba sur le navire avant de le fait échouer.

Avant l’argent Eric, on a besoin de l’environnement en général et de son eau. Ne laisse personne les prendre à nos risques et périls. Ne laisse aucun intérêt privé, tenté de séduire une population pour mieux la spolier, partir avec la mise.

L’heure n’est plus à l’économie Eric. Il en entre de l’argent. Ce serait bien qu’il en entre encore plus et que nous soyons tous plus riches. Mais il en entre, et assez pour ce dont on a besoin; ce n’est pas l’argent qui manque Eric, c’est dans le partage que l’on rate l’examen.

Et justement, faudra bien un jour que l’on constate, en tout cas au Québec, qu’il y a belle lurette qu’on a dépassé le seuil de consommation essentiel à notre confort. Qu’il y a belle lurette qu’on est devenu obèse à ce niveau. Et je ne parle pas des démunis et des moins nantis, je parle de moi, de nous, avec nos deux autos, nos «x» voyages par année dans le sud ou à l’étranger, et tout le reste.

Sûr, c’est assez tripant tout ce confort que l’on se donne. Un vrai trip. Comme une drogue.

Non, ce n’est pas l’argent qui manque Eric; que les responsables soient responsables et le disent franchement. C’est l’environnement qui coule et perd de son sang. C’est là qu’on est Eric.

À partir d’ici, l’idée n’est pas de stopper quelque projet de développement que ce soit, mais de discerner ceux qui ne cadrent plus avec la priorité des priorités.

Est-ce que je suis alarmiste? Non Eric.

Du reste, je ne suis rien. Mais je crois tous ces experts de la question qui voient plus loin que moi et qui m’avisent de la situation depuis longtemps. Je les crois d’autant que je vois aujourd’hui, en 2018, ce qu’ils m’annonçaient en 1980 (une date que je retiens pour une raison à moi).

Et je crois également que mes représentants devraient le croire aussi et que jamais, jamais, jamais, jamais ils ne s’imposent eux-mêmes en experts, pour faire avancer des idées partisanes.

Je voudrais qu’ils croient les experts, qu’ils quittent leurs discours partisans, qu’ils prennent leurs responsabilités et qu’ils nous proposent une position globale en matière d’environnement, globale plutôt qu’une série de projets, peut-être utiles, mais décousus, sans vision ni stratégie pérenne.

Et pour l’heure, je voudrais que tu avises, toi et ton gouvernement, Sayona qu’au Québec on ne brade ni l’eau ni l’environnement.

Claude Raymond

Victoriaville