Le Virage 4.0 de Fruit d’or : «c’est avec du recul qu’on voit qu’on a avancé»

La géante Fruit d’or est l’une des rares au Centre-du-Québec à avoir entrepris le virage numérique visant à devenir une industrie 4.0, un concept qui reste à démystifier auprès des entreprises manufacturières. Qui leur fait peur, a-t-on observé.

Et c’est pour cette raison que l’association de manufacturiers STIQ et le ministère de l’Économie, de la Science et de l’Innovation (MÉSI) y ont convié une trentaine de représentants de PME manufacturières les invitant à visiter ses installations.

La matinée s’est amorcée avec une présentation d’un peu plus d’une heure de la vice-présidente exploitation, Stéphanie Chagnon. Le président de Fruit d’or, Martin Le Moine était également présent dans l’assistance, intervenant occasionnellement pour répondre à certaines questions et fournir des explications.

Il semble que d’entreprendre le virage numérique ne se fait pas en criant «4.0». Les premiers pas sont excitants, a-t-il dit. «C’est l’fun, parce qu’on achète des équipements!»

Après, c’est une tout autre affaire qui nécessite de l’adaptation, des ajustements, de la formation continue. Mme Chagnon n’a pas caché que les changements avaient, pour un temps, occasionné une surcharge de travail.

Le président a ajouté qu’il était encore difficile de jauger les résultats du virage, que «c’est avec du recul qu’on voit qu’on a avancé, ce qui n’est pas le cas quand on a le nez dedans». Déjà, cependant, avec sa nouvelle usine de Plessisville, laquelle a été construite au coût de 60 millions $, a remplacé celle de Notre-Dame-de-Lourdes incendiée en mars 2015, Fruit d’or a doublé sa production, la faisant passer de 16 à 30 millions de livres de fruits séchés par an. Et cela en maintenant le même nombre d’employés sur une ligne de production et en réduisant de 50% sa consommation d’eau.

Pour Fruit d’or, prendre le virage 4.0 a nécessité un tel bouleversement que c’était comme de passer d’un avion de brousse à avion de ligne, du pilotage à vue aux instruments de vol, a dit Mme Chagnon reprenant une métaphore de M. Le Moine. On ne peut plus opérer avec le «feeling», mais il faut faire confiance aux instruments, a renchéri la vice-présidente. À ce chapitre, elle a aussi souligné que l’entreprise se devait d’assurer la sécurité de ses informations.

Stéphanie Chagnon a passé en revue tout ce qui concourt à mener le plus grand producteur mondial de canneberges bios (l’entreprise produit et transforme aussi des canneberges conventionnelles) vers le 4.0.

Auparavant, elle avait campé le contexte en disant que la volonté d’innover était déjà inscrite chez Fruit d’or bien avant l’incendie de 2015; celui-ci a été une sorte de «catalyseur» pour se lancer dans cette avenue.

La concurrence mondiale, le difficile recrutement de la main-d’œuvre, l’intérêt de réduire les tâches manuelles ont aussi conforté la décision d’amorcer le virage.

L’entreprise a fait appel aux services d’une firme de programmation, a magasiné ses équipements sophistiqués en Hollande, en Italie, en Allemagne.

«C’est la technologie au service de la production», a dit Mme Chagnon. Elle a ajouté qu’aujourd’hui, l’usine fonctionnait davantage avec la «réflexion», que les tâches requéraient moins de manœuvres physiques, que la valeur de certains emplois a été rehaussée. D’ailleurs, a-t-elle souligné, les employés ne souhaiteraient pas revenir en arrière. L’entreprise fait travailler quelque 250 personnes dans ses quatre installations (Plessisville, Villeroy, Québec et La Pocatière).

Tous les outils, procédés, équipements font en sorte qu’aujourd’hui, lorsqu’on entre dans l’usine, on ne voit pratiquement plus les fruits qui entrent pour être séchés, pressés ou transformés. La gestion des opérations peut même se faire à distance. Les recettes sont programmées, les automates font en sorte que, selon le degré d’humidité ou la chaleur, la vitesse d’un moteur s’abaissera, etc.

Chacun des systèmes dispose de son mode d’emploi (même en espagnol), un millier de senseurs collectent des données ce qui informe de ce qui va ou ne va pas dans la ligne de production.

Il reste encore à faire, a dit Mme Chagnon, évoquant la possibilité qu’un jour, une nouvelle plateforme permette aux clients de Fruit d’or (elle exporte dans 76 pays) de commander leurs produits en ligne, d’acquérir des robots pour des tâches plus manuelles dans les centres de distribution.

La vice-présidente exploitation a indiqué que Fruit d’or ne s’était pas encore prêtée à l’audit pour savoir où elle en était dans son virage vers le 4.0. Elle a ajouté que ces temps-ci il existait plusieurs programmes d’accompagnement et de financement pour soutenir les entreprises manufacturières.

 

Pour en savoir davantage sur le 4.0

Le MÉSI organise des activités permettant aux PME de découvrir comment le 4.0 peut s’intégrer chez elles.

Trois déjeuners sont prévus : le 5 juin au Quality Inn à Victoriaville; le 6 juin au Quality Suite de Drummondville et le 7 juin au Musée des religions de Nicolet. Il faut réserver avant le 1er juin en écrivant à linda.croteau@economie.gouv.qc.ca