Cultiver bio sans tracteur et selon des principes ancestraux

Le jardin Archiferme est un projet de maraichage bio-intensif piloté par le Majoriquois Louis-Philippe Lévesque. Concrètement, cela signifie qu’il tend à faire pousser des légumes et des fleurs de façon tout à fait biologique, sans machinerie et en utilisant les propriétés des plantes pour l’aider dans sa tâche. 

C’est par une journée grise, hantée par l’orage, que notre collègue de L’Express s’est aventurée sur la terre mouillée d’Archiferme, accueilli par la bonne humeur de son jardinier.

«Tu vois, ici j’utilise la technique amérindienne des trois sœurs», explique Louis-Philippe Lévesque en se dirigeant vers ce qui ne semble être que des plants de maïs. Il tasse un des plants du revers de la main, montrant des haricots et des courges, avant d’enchaîner : «J’ai planté des courges entre les plants de maïs, puisque ça crée un couvre-sol naturel et permet de conserver l’humidité. Les haricots, eux, libèrent de l’azote dans l’air qui va profiter aux deux autres plantes, mais ils ont besoin d’un tuteur pour bien pousser. C’est le maïs qui vient remplir ce rôle.»

C’est notamment en utilisant ce qu’on appelle du compagnonnage que Louis-Philippe Lévesque réussit à faire pousser ses plantes de façon efficace en utilisant le moins de produits possible. «Tout ce que j’utilise, c’est du fumier de poule. Rien de plus naturel!», lance-t-il un peu à la blague. Le jardin n’a pas sa certification biologique, mais fait tout de même tout en son pouvoir pour l’être le plus possible.

Piments, tomates, courges, maïs, bettes à carde, bokchoy et fleurs comestibles, pour ne nommer que ceux-là, se côtoient dans une harmonie un peu chaotique dans les rangées organisées par le jardinier. «Le légume parfait ne m’intéresse pas. Il a moins de goût et moins de minéraux, alors avoir un légume qui pousse peut-être plus lentement, mais qui garde toute sa richesse, c’est le but de cette aventure.» Des fleurs, comme des œillets d’Inde, agissent également comme répulsifs naturels.

Particularité : certaines de ses variétés de légumes proviennent de semences oubliées depuis longtemps. «Ici, je cultive ce qu’on appelle du melon Montréal, une sorte de melon qui était cultivée où se trouve maintenant l’autoroute Décarie. Ce fruit était exporté partout et très populaire, mais les cultures ont arrêté au moment de la construction de l’autoroute. Les fermiers ont été expropriés et ont n’a plus entendu parler du melon Montréal jusqu’à ce qu’un journaliste découvre des semences et les remette au goût du jour», explique Louis-Philippe Lévesque.

Un projet inspiré d’ailleurs

 

C’est après avoir travaillé comme guide en tourisme d’aventure et conseiller en développement touristique un peu partout à travers le monde que le Majoriquois a eu envie de lancer son propre projet. Et il a tout appris par lui-même, avec l’aide de livres écrits par Jean-Martin Forcier, entre autres.

«La terre sur laquelle on se trouve appartient à un ami de la famille, qui m’a permis de cultiver. J’ai accès à deux hectares en tout, ce qui est très très bon», décrit celui qui occupe aussi un emploi en entretien extérieur pour la municipalité de Saint-Majorique en désignant les alentours. Sa mère s’est aussi beaucoup impliquée dans le projet. En tout, Archiferme représente un investissement d’environ 15 000 $.

Sa terre, située en plein en bordure du boulevard Saint-Joseph Ouest, à Saint-Majorique, attire les regards. Au moment de la visite, quelques jeunes aidaient bénévolement à la culture et la récolte des légumes. Louis-Philippe Lévesque a même déjà fait visiter son jardin aux jeunes du camp de jour du village. «Ils ont tripé!», commente l’agriculteur d’un air content. Les gens de la municipalité seraient également emballés par un tel projet, eux qui n’ont pas accès à beaucoup de produits frais à proximité.

Une pluie torrentielle a fini par se déclencher d’un coup sec, et c’est sous le bruit des gouttes de pluie (et la fraîcheur, lorsque certaines réussissent à s’infiltrer dans le cou de la journaliste de L’Express) qui tombent sur le kiosque que Louis-Philippe Lévesque a rappelé la raison d’être d’Archiferme. «Mon but, c’est de faire redécouvrir des légumes et des fruits qu’on ne trouve pas en épicerie, d’éduquer et de rapprocher les gens de la terre. C’est de l’agriculture à échelle humaine.»