Projet de loi 70 : de la pauvreté à la misère

Le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale (MTESS), Sam Hamad, a déposé récemment un tout nouveau projet de loi qui se présente comme une aide à l’emploi.

Le projet de loi 70 veut obliger les nouveaux demandeurs à l’aide sociale, jugés aptes au travail, à s’engager dans un programme d’intégration en emploi. Si la personne répond positivement à cette exigence, elle pourrait recevoir une prime de 250 $, selon les dires du ministre. Par contre, elle verrait cette prime annulée si elle refuse l’emploi offert. Et si elle refuse plus d’une fois, elle pourrait même voir sa prestation de base réduite considérablement. On le constate, le projet de loi 70 vise davantage à réaliser des économies dans le budget de l’aide sociale qu’à aider véritablement les personnes en situation de pauvreté.

Quel est l’impact concret de ce projet de loi sur une personne qui fait une première demande à l’aide sociale?

Un exemple qui parle

Louise vient de faire sa demande d’aide sociale. Ce n’est pas de gaieté de coeur. Auparavant, elle avait un bon emploi, mais l’entreprise pour laquelle elle travaillait a aboli son poste. Son chômage épuisé, elle doit se résigner à demander des prestations d’aide sociale. Elle recevra 741 $ par mois, soit 24,61 $ par jour (ce montant comprend l’aide sociale, le crédit de solidarité et la TPS). C’est bien en dessous du seuil de pauvreté pour une personne seule (établi à 21 250 $*). Pour l’aide sociale, elle est «en mesure d’occuper un emploi dès maintenant».

Avec la mise en place du projet de loi 70, Louise devra obligatoirement participer à un plan de recherche intensive pour un emploi. En échange, elle pourrait recevoir une allocation supplémentaire pouvant aller jusqu’à 250 $. Mais même avec cette bonification, Louise sera toujours sous le seuil de pauvreté.

Au cours du programme, on présentera à Louise des offres d’emploi. Selon le projet de loi, elle devra accepter toute offre convenable. Mais ce n’est pas Louise qui jugera si cette offre est convenable ou non, ce sera le ministère qui décidera pour elle. Si elle refuse, le ministre dit que sa bonification sera coupée. Et si elle refuse d’autres offres, on pourrait lui couper sa prestation de base.

Donc Louise doit accepter toute offre jugée «convenable». Dans la loi, il n’y a pas d’indication sur la distance «acceptable» entre le domicile et le bureau. Donc, Louise se fera offrir des postes d’un peu partout. Ainsi Louise, qui habite Drummondville, se voit offrir un poste à Montréal, à 115 km de chez elle. Elle accepte le poste pour ne pas être pénalisée. Elle devra débourser tous les jours 45,30 $, pour un aller-retour de Drummondville à Montréal, soit 226,50 $ par semaine. Son salaire hebdomadaire est de 422 $ (84,40 $ pour une journée de travail de huit heures au salaire minimum). Faites le calcul. Il ne lui restera qu’un maigre 195,50 $ par semaine pour payer son loyer, son épicerie, ses vêtements et tous ses autres frais. Avec tout ça, Louise n’aura pas connu d’augmentation de ses revenus. Elle sera toujours aussi pauvre.

Si Louise le pouvait, elle ne demanderait pas d’aide sociale. Mais elle n’a pas le choix. Déjà l’aide sociale couvre à peine les besoins de base pour vivre et conserver sa santé.

Avec ce projet de loi, le gouvernement nie la dignité de Louise et de toutes les personnes qui vivent la même situation qu’elle. En effet, comment se sentir un citoyen et une citoyenne à part entière alors qu’on enlève le droit de choisir un emploi selon ce que les personnes comme Louise jugent convenable?

Avec le projet de loi 70, le gouvernement espère économiser 50 M $. Cherche-t-il ainsi à abolir progressivement l’aide sociale? Cherche-t-il à remettre en question ou à nier le droit à un revenu décent pour tous et toutes? Aussi minime que soit l’aide sociale, la remettre en question, c’est interdire à des Québécoises et à des Québécois d’être des personnes.

Ce projet de loi est un programme piégé. Il donne l’illusion de donner un choix aux prestataires d’aide sociale et de les aider dans leur recherche d’emploi. Mais le seul résultat possible sera la diminution des prestations pour économiser sur le dos des personnes démunies et de rendre le programme de moins en moins accessible.

Pour toutes ces raisons, les groupes signataires de cette lettre demandent à monsieur le ministre Sam Hamad de revoir son projet de loi et axer celui-ci sur une vraie solidarité sociale.

Table de concertation du mouvement des femmes Centre-du-Québec

La Collective des femmes de Nicolet et région

Centre de femmes Parmi Elles

Table locale des groupes de femmes de Drummond

Maison des femmes des Bois-Francs

Maison des femmes de Drummondville

Association des Groupes d’Éducation Populaire Autonome (AGÉPA)

*Statistique Canada, Enquête sur la dynamique du travail et du revenu (EDTR), fichiers maîtres, adaptée par l’Institut de la statistique du Québec