La langue de bois d’Alain Rayes

Savoir que l’ombre conservatrice plane comme une réelle menace au-dessus du berceau de mon enfance et de mon adolescence, où l’on m’a inculqué des valeurs vertes et communautaires, me fait faire des cauchemars depuis quelques mois. Le bois de mon berceau avait déjà craqué le jour où Victoriaville est devenue adéquiste, puis caquiste, et plus encore lorsque, au printemps 2012, le maire avait pris position pour les manœuvres honteuses du PLQ et des policiers, mais maintenant, la foudre conservatrice risque rien de moins que de le ruiner.

J’ai essayé, en vain, de discuter avec Alain Rayes au sujet de son allégeance politique. J’ai voulu comprendre, je l’ai confronté à certains aspects des politiques conservatrices avec lesquelles nombre de citoyens ne sont pas d’accord. Être candidat pour un parti, c’est entériner les agissements et les décisions de ce parti. Or, plusieurs pratiques du PCC sont controversées, voire scandaleuses. J’ai voulu savoir ce que Monsieur le pas-tout-à-fait-ex-maire avait à dire sur les projets de lois mammouths, sur les appels téléphoniques frauduleux ayant contribué à l’obtention d’une majorité à la Chambre des communes, sur la militarisation du pays, sur le fait que le Canada soit pointé du doigt par l’ONU en ce qui a trait notamment aux questions environnementales et aux droits des Premières Nations et des réfugiés, sur la réforme de l’assurance-emploi qui ne sert pas du tout la population, sur le musèlement des scientifiques et sur l’inaction du gouvernement dans le dossier Raif Badawi.

Je n’ai pas eu de réponse. M. Rayes s’est toujours contenté de me répondre, comme s’il faisait jouer une cassette, qu’il ne servait à rien de discuter avec moi, puisque nous ne partagions pas les mêmes idées et que j’osais remettre en cause la légitimité de notre mode de scrutin (qui a permis aux Conservateurs de former un gouvernement majoritaire malgré le fait que 2 Canadiens sur 3 n’ont pas voté pour eux). Ce sont les seules réponses qu’il a été capable de me donner. Il a été capable, par contre, d’effacer mes commentaires sur sa page Facebook publique et de me priver définitivement de la possibilité de la commenter. Il va sans dire que ses pratiques s’inspirent du parti qu’il représente.

J’en ai conclu que M. Rayes était doté d’une désolante langue de bois. Il évite de répondre aux questions embarrassantes, en répétant advitam æternam les mêmes formules toutes faites et en mettant de l’avant son engagement exemplaire, sa merveilleuse personnalité et surtout, son image. Les idées semblent tout à fait secondaires dans sa campagne. Ce qui compte, c’est qu’on le voie serrer des mains, qu’on le voie compléter un Ironman (en couple, de surcroît!), qu’on le prenne en photo avec des personnes âgées, des sportifs ou des braves travailleurs et, comble de l’absurde, qu’on le prenne en photo en train de lire un article qui parle de lui-même. Narcisse, sors de ce corps! Le fait qu’il se soit créé un compte Instagram pour qu’on puisse suivre sa campagne en images et qu’il ait engagé des photographes pour le suivre n’est pas anodin. M. Rayes accuse curieusement les détracteurs du PCC de démagogie (mais sans être capable de dire en quoi consiste cette démagogie), sans se rendre compte de son propre péché, flagrant, de populisme en images.

D’ailleurs, tous les candidats des autres partis ne peuvent pas s’en permettre autant. M. Rayes ne semble avoir aucun problème éthique avec l’inéquité des moyens financiers dans cette campagne électorale. Moi, j’en ai un.

Et surtout, je n’ai pas envie que les ruines de mon berceau flottent dans une mare de pétrole, ni dans des fumées idéologiques nauséabondes où l’image l’emporte sur une réelle démocratie, sur les droits humains et sur la santé de la planète.

 

Anne-Hélène Jutras